| FEU n. m. IXe siècle, fou, foc ; XIIe siècle, feu. Issu du latin focus, « foyer ». ★I. Combustion d'une matière inflammable. ☆1. Phénomène produit par l'embrasement de matières inflammables. La conquête, la maîtrise du feu par les hommes de la Préhistoire. Selon les mythes antiques, le feu, d'origine divine, avait été dérobé aux dieux par Prométhée. Dans l'Antiquité, le feu était considéré comme un des quatre éléments, avec l'air, la terre et l'eau. Le culte du feu. Faire du feu, allumer du feu. Mettre le feu à quelque chose, l'enflammer, provoquer sa combustion. Loc. Mise à feu, allumage. La mise à feu d'un haut-fourneau. La mise à feu des moteurs d'une fusée. Mise en feu, ensemble des opérations qui précèdent l'allumage des feux d'un foyer de chaudière, de four. • RELIG. CHRÉTIENNE. Feu nouveau, qu'on allume et qu'on bénit, au début de la vigile pascale. • Expr. Prendre feu, entrer en combustion vive et, fig., s'enthousiasmer ou s'irriter à l'occasion d'une discussion, d'une controverse ou, spécialt., se trouver subitement entraîné par une passion amoureuse. Faire feu, se dit d'un corps qui, sous l'effet d'une percussion, produit des étincelles. Les fers des chevaux font souvent feu sur le pavé. Fig. Faire feu des quatre pieds, des quatre fers, agir ou réagir avec vigueur. C'est le feu et l'eau, ce sont deux choses tout à fait contraires et incompatibles, deux personnes aux tempéraments opposés. • Spécialt. Flamme à laquelle on allume une cigarette, une pipe et, par méton., ce qui produit cette flamme. Demander, donner du feu à son voisin. Avez-vous du feu ? • Par anal. Le feu du ciel, la foudre. Le feu des volcans. Anciennt. Feu central, masse de matières en fusion qu'on supposait exister au centre du globe terrestre. ÉCRITURE SAINTE. L'épée de feu des chérubins qui gardent l'entrée du paradis terrestre. Pluie de feu. Lettres de feu. Langues de feu, qui manifestent la descente du Saint-Esprit sur les apôtres, le jour de la Pentecôte. • Titre célèbre : La Guerre du feu, de Rosny aîné (1911). ☆2. Ensemble de matières combustibles enflammées. Feu de bois, de sarments, de charbon. Du bois de feu, destiné au chauffage. Un grand feu, un bon feu flambait dans la cheminée. Allumer, attiser, entretenir le feu. S'approcher du feu. S'asseoir près du feu. Jeter quelque chose au feu, le détruire en le faisant brûler. HIST. Supplice du feu ou, ellipt., feu, supplice qui consistait à brûler vif le condamné. Jeanne d'Arc fut condamnée au feu. Épreuve du feu, au Moyen Âge, épreuve judiciaire dans laquelle l'accusé prouvait son innocence en supportant le feu sans trace de brûlure. • Fig. RELIG. CHRÉTIENNE. Le feu, les feux de l'enfer, les supplices de l'enfer. Le feu, les feux du purgatoire, les peines que souffrent les âmes du purgatoire. • Expr. Un feu d'enfer, un feu à rôtir un bœuf, très vif. Prendre l'air du feu, un air de feu (vieilli), s'approcher du feu un instant. Feu de bivouac, feu de camp. Feu de joie, qu'on allume en plein air à l'occasion de certaines fêtes ou réjouissances. Les feux de la Saint-Jean. Fig. Feu de paille, sentiment, élan soudain et éphémère. Sa passion n'aura été qu'un feu de paille. Faire feu de tout bois, avoir recours à tous les moyens possibles pour atteindre son but. Faire feu qui dure (vieilli), ménager son bien ou sa santé. Tirer les marrons du feu, par allusion à la fable de La Fontaine « Le Singe et le Chat », s'exposer à des risques au profit d'autrui et, par ext., se dit aussi de celui qui se tire habilement d'affaire, qui sauvegarde adroitement ses intérêts. J'en mettrais ma main au feu, j'en ai la conviction absolue, j'en répondrais à mes risques et périls. Il se jetterait au feu, dans le feu pour elle, il ferait tout pour lui prouver son dévouement. Prov. Il n'y a point, il n'y a pas de fumée sans feu, toute rumeur contiendrait un fond de vérité. Le bois tortu fait le feu droit, voir Bois. • Par méton. Lieu où l'on allume, où l'on entretient un foyer ; âtre, cheminée. Chambre à feu (vieilli), pièce où il y a une cheminée. Plaque de feu, plaque de fer ou de fonte qu'on applique au fond de l'âtre. Garniture de feu, ensemble d'instruments garnissant le foyer et servant à l'entretien du feu. Le coin du feu, voir Coin. Expr. N'avoir ni feu, ni lieu, n'avoir pas de domicile fixe, vagabonder. • Par ext. Ensemble des personnes réunies dans un même foyer. Il y avait cent feux dans cette bourgade. Ce village ne compte plus que cinq feux. ☆3. Foyer où l'on entretient une combustion vive et persistante ; la chaleur dégagée par cette combustion et employée pour diverses activités. Mettre une casserole sur le feu. Les feux d'une cuisinière, ses brûleurs. Pot-au-feu, voir ce mot. Le feu d'une forge, d'une verrerie, d'une chaudière. Du fer rougi, blanchi au feu. Mettre les fers au feu, avoir plusieurs fers au feu (fig.), voir Fer. Les arts du feu, les activités artisanales dont les productions sont soumises à une forte chauffe (céramique, émail, verre, porcelaine). Faïence de grand feu, cuite à haute température. • Loc. Coup de feu, hausse brutale de la température de cuisson. Par méton. Défaut d'un objet qui a été exposé à un feu trop vif. Cette pièce de poterie a un coup de feu. Par anal. Surchauffe accidentelle d'un plat. Le rôti a eu un coup de feu. Spécialt. Moment où l'on avive le feu pour donner aux mets le dernier degré de cuisson et, par ext., moment de grande presse, où l'on est le plus occupé. C'est le coup de feu. • Loc. adv. À feu doux, à feu modéré, à petit feu, à température modérée. Faire cuire une sauce à feu doux. À feu vif, à haute température. Fig. À petit feu, lentement, progressivement. Cette entreprise meurt à petit feu. • MARINE. Pousser les feux, activer la combustion dans les chaudières pour augmenter la vitesse du bâtiment. Mettre bas les feux, éteindre les foyers des chaudières. ☆4. MÉD. Anciennt. Corps en ignition ou substance caustique qui servait à cautériser. Appliquer le feu à une plaie. Pointes de feu, cautère chauffé au rouge que l'on applique dans l'espoir de combattre une inflammation locale. ☆5. Flamme, combustion destructrice ; incendie. Le feu est à la grange. Le feu avait couvé pendant plusieurs jours. Le feu a gagné le toit. On a mis le feu à cette maison. La ville était en feu. Des feux de forêt. Allumer un feu de brousse. Au feu ! exclamation pour appeler à combattre un incendie. Crier au feu, appeler à l'aide, jeter l'alarme. Courir au feu. Se rendre maître du feu. Feu de cheminée, embrasement de la suie dans un conduit de cheminée. Les soldats du feu, les pompiers. Spécialt. Feu grégeois, voir Grégeois. • Expr. Craindre comme le feu, extrêmement. Faire la part du feu, laisser brûler ce qu'on désespère de sauver des flammes, afin de préserver ce qui n'est pas encore atteint et, fig., sacrifier quelque chose pour ne pas tout perdre. On y court comme au feu (vieilli), se disait de ce qui attire, toute affaire cessante, une grande affluence de spectateurs, de curieux. Fig. Jouer avec le feu, s'exposer, comme par plaisir, à un risque, à un danger. Jeter de l'huile sur le feu, attiser la désunion, la discorde. Le feu couve sous la cendre, voir Cendre. Il n'y a pas le feu à la maison ou, ellipt. et fam., Il n'y a pas le feu, rien ne presse. Mettre un pays à feu et à sang, le ruiner par les destructions et les atrocités de la guerre. Conquérir par le fer et par le feu, par les moyens les plus violents. Mettre le feu à, mettre en feu, provoquer en un lieu des troubles, mouvements populaires, séditions, conflits armés, etc. On fit courir des bruits qui mirent le feu à la ville, qui mirent la ville en feu. Cet évènement mit le feu à l'Europe, mit toute l'Europe en feu. ★II. Déflagration d'une substance explosive sous l'effet d'une combustion. ☆1. ARMES. Explosion permettant de propulser un projectile. Arme à feu, fusil, pistolet, mitrailleuse, etc., par opposition à Arme blanche. Bouche à feu, pièce d'artillerie. Mettre le feu à une mine, en provoquer l'explosion. Coup de feu, détonation produite par une arme à feu. On entendit un coup de feu. • Expr. Faire long feu, se dit d'une arme où la poudre brûle trop lentement, dont le coup est lent à partir ou ne part pas. Fig. Cette entreprise a fait long feu, n'a pas abouti. Son histoire fait long feu, traîne en longueur. Cette plaisanterie a fait long feu, a raté son effet. Ne pas faire long feu, ne pas durer. Leur bonne entente n'a pas fait long feu. Mettre le feu aux poudres, provoquer une explosion de sentiments violents, faire éclater au grand jour les conflits, les querelles. ☆2. Tir, décharge d'une arme à feu. Soutenir, essuyer le feu du canon, de l'artillerie ennemie. Faire taire le feu de l'adversaire. Un feu nourri, continu. La puissance de feu d'un char d'assaut, d'un navire de combat, sa puissance de tir. Faire feu sur quelqu'un, ouvrir le feu sur quelqu'un, tirer dans sa direction avec une arme à feu. Commander le feu. Feu ! commandement militaire pour donner ordre aux soldats de tirer. Feu à volonté ! Halte au feu ! Cessez-le-feu, voir ce mot. MARINE. Faire feu de tribord, feu de bâbord. Faire feu des deux bords. • Loc. Feu de file (vieilli), voir File. Feux de salves, tirs simultanés. Feu roulant, tir continu et, fig., dans une conversation, série ininterrompue de propos lancés coup sur coup. Un feu roulant de bons mots, de plaisanteries. Feux croisés, qui proviennent de lieux différents mais convergent vers le même objectif. Fig. Il a été pris sous un feu croisé de questions. Expr. Être pris entre deux feux, être exposé sur deux côtés au tir de l'ennemi et, fig., être pris entre deux adversaires, deux partis, deux dangers également menaçants. ☆3. Absolt. Le feu, combat où l'on se sert d'armes à feu. Aller au feu. Ce soldat n'a pas encore vu le feu, n'a pas encore participé à un tel combat. Expr. Recevoir le baptême du feu, aller au combat pour la première fois et, fig., vivre une première expérience difficile, dangereuse. • Titre célèbre : Le Feu. Journal d'une escouade, d'Henri Barbusse (1916). ★III. Émission lumineuse. ☆1. Lumière produite par un corps en combustion et, par ext., lumière électrique. On apercevait des feux sur la côte, dans la vallée. Les feux de la ville, ses lumières nocturnes. Extinction des feux, voir Extinction. Couvre-feu, voir ce mot. Il est défendu de pêcher au feu, de pêcher pendant la nuit en attirant le poisson par une source de lumière. Expr. N'y voir que du feu, être si ébloui qu'on ne voit rien et, fig., être dupe d'une supercherie, d'un mensonge. • Par anal. Litt. Les feux du firmament, de la nuit, les astres. • DROIT. Bougie allumée au début d'une vente publique pour déterminer la durée pendant laquelle on peut enchérir. L'adjudication ne peut être faite qu'après l'extinction de trois feux à la suite de la dernière enchère. Expr. Au feu des enchères, dans une vente publique. Son mobilier a été dispersé au feu des enchères. • THÉÂTRE. Les feux de la rampe, les lumières qui éclairent la scène. Affronter les feux de la rampe, jouer sur une scène de théâtre. Par anal. Braquer sur quelqu'un le feu des projecteurs. Expr. Mettre les pleins feux sur une personne ou sur une chose, la mettre en pleine lumière et, fig., attirer l'attention sur elle. Spécialt. Au pluriel. Ce que les acteurs d'une troupe reçoivent, en sus de leurs appointements fixes, pour chaque représentation. Par anal. Gratification accordée aux acteurs et aux employés d'un théâtre pour tout service extraordinaire. Toucher ses feux. • PYROTECHNIE. Feu d'artifice, voir Artifice. Feu de Bengale, mélange qui brûle en répandant des lumières diversement colorées. Pot à feu, pièce de feu d'artifice fabriquée en forme de pot, de vase, et remplie de fusées et d'autres artifices semblables. Par anal. ARCHIT. Ornement représentant un vase d'où sortent des flammes. ☆2. Par anal. Se dit de nombreux phénomènes lumineux, tels que météore, éclair, etc. Le trait de feu d'une étoile filante. Feu follet, voir Follet. Feu Saint-Elme, aigrette lumineuse due à l'électricité atmosphérique, qui apparaît à la pointe des mâts, des vergues d'un bateau, au cours des tempêtes. ☆3. MARINE. Signal lumineux servant d'aide à la navigation. Feux de terre, phares, fanaux, etc. Feux fixes. Feux à éclats, dont les périodes lumineuses sont plus courtes que les périodes d'obscurité. Feux à occultations, dont les périodes lumineuses sont plus longues que les périodes d'obscurité. Feux isophases. Les feux d'un navire, par lesquels il indique sa route et signale sa présence. Feux de bord, de route, de mouillage, etc. Feu de tribord, feu de bâbord. Naviguer tous feux éteints. Livre des feux et signaux, document contenant les caractéristiques des feux. Identifier, analyser un feu. Bateau-feu, voir ce mot. ☆4. TRANSPORTS. Dispositif lumineux permettant de signaler la présence d'un véhicule ou d'un aéronef, ses changements de direction, ses ralentissements. Les feux de position d'un avion, d'une voiture. Feux de route, couramment appelés Phares. Feux de croisement, couramment appelés Feux de code ou Phares code (voir Code). Feux indicateurs de direction, couramment appelés Clignotants. Feux de brouillard. Les feux de gabarit d'un véhicule lourd. Feux de détresse, voir Détresse. ☆5. P. ET CH. Signal lumineux destiné à régulariser et à maîtriser la circulation des véhicules, des trains, etc. Feux de signalisation. Feu rouge, feu vert, règlementant la circulation. Feu orange, annonçant le passage du feu vert au feu rouge. Expr. fig. et fam. Brûler, griller un feu rouge, ne pas respecter le signal d'arrêt. Donner, obtenir le feu vert, l'autorisation d'agir, d'entreprendre quelque chose. ★IV. Fig. ☆1. Couleur d'un roux ardent. Un ruban de feu. En parlant de la robe de certains animaux ou du plumage des oiseaux. Un pelage moucheté de feu. Un plumage couleur de feu ou, en apposition, couleur feu. Ellipt. Un plumage feu. Un cheval à la robe feu. ☆2. Sensation de chaleur, de brûlure. Le feu de la fièvre. Avoir le feu au visage, aux joues, être empourpré. Le piment met la bouche en feu. Ce vin lui avait mis la tête en feu. Avoir la gorge en feu. Le feu du rasoir, la sensation de brûlure qui peut suivre le rasage. MÉD. Feu de dents, éruption cutanée, rougeur provoquée chez les jeunes enfants par une poussée dentaire. Anciennt. Feu sacré, feu Saint-Antoine, autres noms du mal des ardents, appelé aujourd'hui Ergotisme. • Spécialt. Saveur brûlante de certains mets, de certaines boissons. Le feu de l'alcool. Eau de feu, nom donné parfois à l'eau-de-vie. ☆3. Éclat vif et brillant. Ce diamant jette mille feux. Des yeux pleins de feu. Le feu de son regard. Expr. Le feu lui sort des yeux, ses yeux étincellent de colère. Au pluriel. Litt. Rayons ardents ou éblouissants. Les feux du soleil. Les feux de l'aurore, du soleil levant. Les feux du couchant. ☆4. Vivacité dans l'action, le mouvement, l'esprit, le style, etc. Un esprit plein de feu. Cet orateur a du feu, parle avec feu. Le feu de son imagination. Par anal. Ce cheval a beaucoup de feu, a de la vivacité, de l'allant. • Expr. Avoir du feu dans les veines, être d'un tempérament très vif et très actif. Jeter son feu (vieilli), faire preuve de talent à ses débuts, sans réaliser ensuite les espérances qu'on avait données. Cet auteur semble avoir jeté tout son feu dans son premier ouvrage. ☆5. Ardeur, violence, impétuosité des mouvements de l'âme ; état d'exaltation. Quand le premier feu de sa colère sera passé. Dans le feu de la passion. Le feu de la composition, l'ardeur qui anime l'écrivain ou l'artiste lorsqu'il compose. Dans le feu de l'action, de la discussion. • Expr. Feu sacré, par allusion au feu entretenu par les vestales, à Rome, zèle passionné que l'on montre dans l'accomplissement d'une tâche, d'une mission. Être tout feu tout flamme, être empli d'ardeur pour une entreprise, une cause. Jeter feu et flamme, manifester une vive colère. ☆6. Class. Passion amoureuse. Le feu, les feux dont il brûle pour vous. L'ardeur d'un premier feu. |