| TRIVIALITÉ, subst. fém. A. − 1. Vieilli ou littér. Caractère de ce qui est devenu banal à force de répétition, parce que trop connu, trop courant. Comment faire du dialogue trivial qui soit bien écrit? Il le faut pourtant, il le faut. Puis, quand je vais être quitte de cette scène d'auberge, je vais tomber dans un amour platonique déjà ressassé par tout le monde et, si j'ôte de la trivialité, j'ôterai de l'ampleur (Flaub., Corresp., 1852, p. 20).Bonaparte crée et préforme, dès la fin du XVIIIesiècle, le grand bourgeois d'affaires de la fin du XIXe, tout en le mélangeant encore avec les trivialités de goût et de manières du petit bourgeois de son époque (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 252). − [Avec un art. indéf.] Chose, propos d'une grande banalité, sans originalité. Que pourraient donc perdre à entrer dans le vers la nature et le vrai? (...) Le vin, qu'on nous permette une trivialité de plus, cesse-t-il d'être du vin pour être en bouteille? (Hugo, Préf. Cromwell, 1827, p. 33).La vulgarité de l'homme apparaissait à tout instant sous le pédantisme du lettré. Et à côté d'images qui ne voulaient rien dire du tout (...), c'étaient des trivialités telles que: « Vingt mille prisonniers, c'est un chiffre; notre commandement saura ouvrir l'œil et le bon (...) » (Proust, Temps retr., 1922, p. 790). 2. Évidence, banalité. Déjà, Hegel relevait dans l'introduction de son Encyclopédie les ambiguïtés de ces attitudes. « C'est, dit-il, un vieux préjugé, une proposition triviale, de dire que l'homme se distingue de l'animal par la pensée. Trivialité certes, mais qu'on devrait à coup sûr trouver singulière, s'il nous arrivait de ressentir le besoin de nous en souvenir en dépit de sa vétusté!(...) »(J. Vuillemin, Essai signif. mort, 1949, p. 88). B. − Caractère de ce qui est grossier, malséant. Synon. grossièreté, vulgarité.Des manières, des plaisanteries d'une trivialité choquante; s'exprimer avec trivialité. Il faut bien entrer dans la trivialité des détails fonctionnels (...), après cinq semaines d'un jeûne presque parfait, nous nous étions précipités sur la nourriture (...), et les assiettées de soupe (...) avaient eu pour effet de nous gonfler d'eau. Il en résulta (...) un véritable détraquement de la vessie (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 72). − P. méton. Mot, propos ou expression qui sont empreints de vulgarité, d'obscénité, qui évoquent des représentations qui choquent la pudeur. Je me suis beaucoup amusé à écouter MlleMante qui, tant qu'elle se tient, parle comme un des rôles qu'elle joue, et qui, dès que la passion l'emporte, en causant de ses intérêts, lâche des trivialités qui sentent la coulisse (Delécluze, Journal, 1825, p. 253). Prononc. et Orth.: [tʀivjalite]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. a) 1611 plur. trivialitez « choses de peu d'importance, communes, ordinaires ou familières » (Cotgr.); 1772 trivialités « traits d'expression, propos communs » (Fr. de Baculard D'Arnaud, Épreuves du sentiment, Paris, 1773, p. 52); b) 1669 « caractère de ce qui est banal, trop commun » (Widerhold Fr.-all. et All.-Fr.); 2. a) 1803 « caractère vulgaire de quelque chose, fait de faire référence à une réalité considérée comme basse » (Chateaubr., Génie, t. 1, p. 551); 1846 d'une trivialité à faire rougir un enfant (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 2, p. 69); b) 1789 « propos d'un réalisme choquant » (Le Moniteur, t. 2, p. 410); 1825 « trait d'expression, propos vulgaire » (Delécluze, loc. cit.). Dér. de trivial*; suff. -ité, v. -té. Fréq. abs. littér.: 51. |