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TRÉTEAU, subst. masc.
A. −
1. Support mobile en bois ou en fer, constitué d'une traverse horizontale reposant sur quatre pieds réunis deux par deux en forme de V renversé. Planche reposant sur deux tréteaux. Depuis que la chaise de poste était partie pour la guerre, avec l'oncle Edme on ne montait plus en voiture, car l'essieu de la berline reposait, à gauche, sur un tréteau, une roue s'étant rompue (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 103).Enfin, après trois heures de postillonnades, la foule des petites gens est autorisée à s'aller rafraîchir de cidre bouché et restaurer de rillots [« rillons »], dans la cour, le long des planches posées sur tréteaux et recouvertes de vingt draps de toile de lin (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 238).
En tréteau. En forme de V renversé. [Une femme] courte, grosse, rougeaude, asthmatique et qui semble porter péniblement un immense ventre sur des jambes écartées en tréteau, sans doute pour le mieux caler, m'aborde en souriant, d'un sourire épais, visqueux, sur des lèvres de vieille licheuse (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 58).
2. Meuble à usage domestique. Autour des murs, il avait fallu ranger deux lits, une table, deux armoires, un buffet, le tréteau du fourneau à gaz (Guéhenno, Journal homme 40 ans, 1934, p. 62).
Tréteau à linge. Tréteau à une ou plusieurs traverses servant à poser le linge mouillé au moment de la lessive (d'apr. Objets civils domestiques, Paris, Impr. nat., 1984, p. 872).
3. TEXT. Pièce de bois garnie de clous auxquels les nattiers attachent les cordons de paille à tresser. (Dict. xixeet xxes.).
4. Arg. Mauvais cheval. Synon. bourrin, canasson.Il en fait un chambard, c'tréteau, dans son écurie à roulettes [un wagon], constate Paradis (Barbusse, Feu, 1916, p. 109).
B. −
1. Au sing.
a) Plate-forme surélevée par rapport au niveau du sol, sur laquelle on exhibait un condamné. Synon. échafaud.Un galérien debout sur un tréteau dans le carrefour avec le collier de fer au cou est le despote de tous les regards qu'il contraint de se tourner vers lui. Dans cet échafaud il y a du piédestal (Hugo, Travaill. mer, 1866, p. 214).
b) Plate-forme mobile sur laquelle se produit un bonimenteur, un artiste ou une troupe donnant un spectacle populaire. Synon. estrade2.Certain jour, elle le mena voir l'escamoteur qui dressait son tréteau devant la grille, au milieu d'écoliers et de badauds narquois. Un jeune homme en longue redingote appelait dans un clairon. Une grosse femme battait le tambour énergiquement (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 108).La scène est une sorte de tréteau bas, en demi-cercle, qu'entourent des tables sous des berceaux de verdure (T'Serstevens, Itinér. esp., 1933, p. 34).
THÉÂTRE. [P. oppos. à scène] [Gavarni] revient, à propos de théâtre, sur ses idées contre l'illusion scénique, en faveur du tréteau visible (Goncourt, Journal, 1856, p. 241).Pour mieux opposer les deux systèmes, nous dirons que la scène moderne telle que nous l'ont léguée les astucieux artisans de la Renaissance, encombrée et machinée, est un champ clos où la matière et l'esprit se livrent perpétuellement bataille; au lieu que sur le tréteau élizabéthain, avec son minimum de fardeau matériel, l'esprit se meut librement (Arts et litt., 1936, p. 64-4).
2. Au plur., gén. avec valeur péj. Scène rudimentaire sur laquelle se produisent des artistes de foire, des comédiens donnant des spectacles populaires. Comédien de tréteaux. En Autriche, le grotesque est un peu mêlé à tout. Les farces licencieuses des tréteaux d'Italie, les gras propos de Carnaval, les processions indécentes, les mystères ecclésiastiques avec des femmes toutes nues faisaient le bonheur des Viennois du temps de Marie-Thérèse (Michelet, Journal, 1861, p. 576).
Planter ses tréteaux. S'installer pour donner un spectacle. En tournée, les difficultés sont accrues. L'acoustique peut être nulle, comme à Marseille sur le Vieux-Port, où, en juillet 54, le TNP planta ses tréteaux, devant la façade de l'Hôtel de Ville (Serrière, T.N.P., 1959, p. 142).
P. anal. Lieu où l'on s'exhibe, où l'on se comporte comme un bateleur. Il y a des hommes qui ont besoin de primer, de s'élever au-dessus des autres, à quelque prix que ce puisse être. Tout leur est égal, pourvu qu'ils soient en évidence sur des tréteaux de charlatan; sur un théâtre, un trône, un échafaud, ils seront toujours bien, s'ils attirent les yeux (Chamfort, Max. et pens., 1794, p. 23).D'autres (...) veulent enseigner la morale au peuple: ils (...) vendent sur des tréteaux une vertu que ne soutiennent point les œuvres et les mœurs (Chateaubr., Martyrs, t. 1, 1810, p. 228).
Prononc. et Orth.: [tʀeto]. Ac. 1694-1762: tre-; dep. 1798: tré-. Étymol. et Hist. 1. Av. 1150 [ms. xiiie-xives.] plur. « récipient, coupe (sur pied) » (Adam du Petit-Pont, De Utensilibus, éd. A. Scheler ds Jahrbuch rom. engl. Lit. t. 8 1867, p. 87: poculorum genera : phialas [gl.:] trestels); 2. ca 1200 trestel sing. « pièce de bois formée d'une traverse et de pieds, servant de support » (Mort Garin le Lorrain, 82 ds T.-L.); ca 1200 plur. traitiaus (Jean Renart, Escoufle, éd. F. Sweetser, 6045: Caudieres, pot, traitiaus et tables); fin xiiies. id. tresteauz (Lettre du prêtre Jean, version agn., éd. M. Gasman, 771); 1394 sing. un treteaul (doc. Arch. Nevers ds Gdf. Compl.); xves. [mss] id. tretiau (Livres Roi Modus, éd. G. Tilander, 115, 72, var. mss BE); 3. 1611 treteau « instrument de torture » (Cotgr.); 4. 1674 plur. « théâtre de saltimbanques » (Boileau, Art poétique, III ds Œuvres, éd. F. Escal, Paris, 1966, p. 179: Qu'il s'en aille, s'il veut, sur deux tréteaux monté, Amusant le Pont-Neuf de ses sornettes fades); 5. 1893 arg. cavalerie « mauvais cheval » (d'apr. Esn.). Du b. lat. transtǐllum « petite poutre, petite traverse », devenu dans la lang. vulg. *transtěllum p. assim. aux nombreux suffixés en -ěllum (cf. paisseau, sceau). Le type a. fr. trestel (au lieu d'un rég. *trastel) serait prob. dû à l'infl. du fréq. préf. a. fr. tres-, forme pop. issue du préf. lat. trans- « au delà, par delà ». Transtellum est le dimin. de transtrum « poutre transversale, traverse » (de là, l'a. fr. trastre ca 1180 « tréteau » Fierabras, 184 ds T.-L.; ca 1200 « poutre » Job, 365, 40, ibid.; tretre « traiteau » id. Jean Renart, op. cit., 4434). Fréq. abs. littér.: 221. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 264, b) 468; xxes.: a) 395, b) 225. Bbg. Livingston (Ch. H.). French « tréteau »... Mod. Philol. 1945, t. 43, pp. 89-93. − Thomas (A.). Étymol. fr. Romania. 1900, t. 29, pp. 203-204.