| TRÉPIGNER, verbe A. − Empl. intrans. [Le suj. désigne une pers., un animal] Frapper des pieds sur place à plusieurs reprises, rapidement. Synon. piétiner.Trépigner en chantant, en hurlant; trépigner comme un enfant. Ernst hurlait pour rien; il trépignait, il se roulait de colère: c'était un enfant nerveux, et Louisa avait recommandé à Christophe de ne pas contrarier ses caprices (Rolland, J.-Chr., Aube, 1904, p. 32). − Par pléonasme. Ces heures où jadis elle veillait toute amoureuse, quand trépignant des pieds elle se penchait en dehors pour entendre au bout des rues un galop qui accourait (Flaub., Tentation, 1849, p. 221). − Trépigner de + subst. (exprimant un sentiment).Frapper du pied, s'agiter violemment sous l'effet de (ce sentiment). Trépigner de colère, d'enthousiasme, d'impatience. Les spectateurs noirs, haletant, trépignaient de joie, et resserraient de plus en plus leur cercle autour des deux forcenés (Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p. 999). − P. métaph. Le regard de Renaud dévie sur moi, renseigné et flatteur. Toute mon âme trépigne (Colette, Cl. ménage, 1902, p. 202).Comme tous les matins (...), un accordéon d'aveugle trépigne dans l'aigu (H. Bazin, Mort pt cheval, 1949, p. 130). − En partic. [Le suj. désigne un cheval] Lever et poser rapidement ses sabots sur place, en signe de nervosité. Synon. piaffer.Ses chevaux trépignent et reculent au lieu d'avancer (Chênedollé, Journal, 1833, p. 180). B. − Empl. trans. 1. a) Fouler aux pieds, piétiner avec violence. Madame trépigna le tapis et, de plus en plus nerveuse, la bouche pâle, les mains crispées, elle débita très vite: − Tu m'agaces... tu m'agaces... tu m'agaces (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 351).Les hommes, pour activer le sang, trépignaient le sol dur et se frappaient les mains à travers leurs mitaines de peau de cochon (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 111). − P. métaph. Tuez les rois, tuez les nobles (...) abattez, ruinez, massacrez, foulez tout aux pieds, mettez les maximes antiques sous le talon de vos bottes, piétinez le trône, trépignez l'autel, écrasez Dieu (...) Vous êtes des traîtres et des lâches (Hugo, Quatre-vingt-treize, 1874, p. 229). b) Au fig. Maltraiter en paroles, dire du mal de quelqu'un. Je trouve aussi qu'on me trépigne un peu trop depuis quelque temps; et on est si indulgent pour certains autres! (Flaub., Corresp., 1874, p. 162). 2. Danser en frappant rapidement et sèchement des pieds sur place. Passons sur le lundi (...) pour assister, le mardi, jour de Mars, à une pyrrhique, trépignée avec frénésie par Lifar et deux partenaires (Levinson, Visages danse, 1933, p. 132). 3. Pop., vieilli. Frapper, corriger quelqu'un. Synon. rosser, tabasser, tanner (le cuir).Le vieux Molutor eut beau le calotter [son gamin], le trépigner, le traiter de vaurien (Moreau, Monde prisons, 1887, p. 91). − Empl. pronom. réciproque. Il éventait la bourgeoise, fallait voir! (...) Elle, pas trop bonne non plus, mordait et griffait. Alors, on se trépignait dans la chambre vide, des peignées à se faire passer le goût du pain (Zola, Assommoir, 1877, p. 751). REM. 1. Trépignant, -ante, adj.Qui trépigne. Il demeurait ce même petit garçon trépignant qu'elle avait nourri (Mauriac, Genitrix, 1923, p. 353).[P. méton.] Joseph exécuta, sur place, une petite colère trépignante (Duhamel, Combat ombres, 1939, p. 154). 2. Trépignée, subst. fém.,pop., vieilli. Correction, volée de coups. Synon. dégelée, raclée, tabassée, tannée.On se proposait de se flanquer une trépignée dans la cour du Lion Rouge, une auberge où il y avait un coin dans lequel on pouvait se battre sans être vu (Vallès, J. Vingtras, Enf., 1879, p. 111). 3. Trépigneuse, subst. fém.,agric. ,,Manège à tablier sans fin, souvent à plan incliné et mû par un cheval ou similaire, pour produire une force motrice`` (St-Riquier-Delp. 1975). Les batteuses avec manège à plan incliné [sont] appelées trépigneuses, tripots ou tripoteuses (Passelègue, Mach. agric., 1930, p. 280). 4. Trépignis, subst. masc.,hapax. Synon. de trépignement.Raboliot (...) rôdait (...), bien seul maintenant, sans le trépignis tout menu que faisaient près de lui naguère les pattes de la petite noire (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 215). Prononc. et Orth.: [tʀepiɳe], (il) trépigne [-piɳ]. Ac. 1694, 1718: trepigner; dep. 1740: tré-. Étymol. et Hist. A. Intrans. 1. 1461 « tituber » (Villon, Testament, éd. J. Rychner et A. Henry, 1254); 2. a) 1534 « frapper vivement et nerveusement des pieds contre le sol » (Rabelais, Gargantua, VI, éd. R. Calder et M. A. Screech, p. 55); b) av. 1577 trépigner de « avoir une extrême envie de » (Monluc, Commentaires, II, 94 ds Gdf. Compl.); 3. 1678 d'un cheval (Guillet, 1repart.). B. Trans. 1. 1576 « fouler » (R. Belleau, L'Améthyste ds
Œuvres poét., éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 2, p. 170); 2. 1865 « maltraiter en paroles, médire de » (Goncourt, Journal, p. 231); 3. 1867 « accabler de coups » (Delvau). Dér., à l'aide du suff. -igner, var. de -iner*, de l'anc. verbe treper « frapper du pied, sauter » (ca 1160-74, Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 7330), empr. au germ. *trippôn « sauter », cf. le b. all. trippen, trippeln et l'all. trippeln «trottiner», ainsi que le néerl. trippelen « id. ». Fréq. abs. littér.: 196. Bbg. Klein Vie paris. 1976, p. 234. |