| TORCHER, verbe trans. A. − Fam. Qqn torche qqc. 1. Essuyer, frotter quelque chose avec un bouchon de paille, du papier, un torchon. Et moi je devais rester à la maison à récurer le derrière de Michou et à torcher les casseroles. Merci! (Queneau, Loin Rueil, 1944, p. 220).On torche la lame d'acier, essayant du pouce le tranchant de ses dents triangulaires ou on la déboulonne pour en mettre une neuve à la place (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 165). ♦ Empl. pronom. réfl. indir. Vous allez me faire le plaisir de vous torcher la figure et de sourire (Duhamel, Notaire Havre, 1933, p. 218). − Loc. Il peut s'en torcher le bec. Il n'en aura pas; il ne goûtera pas de cet aliment. (Dict. xixeet xxes.). 2. Rendre un plat net en mangeant tout ce qu'il contient et, parfois, en l'essuyant avec du pain. Torcher son assiette. Il hochait la tête, guettant les garçons, pour ne pas leur laisser emporter les plats sans les avoir torchés (Zola, Assommoir, 1877, p. 454).Petit-Pouce venait de torcher la dernière goutte de jus qui croupissait encore dans son assiette (Queneau, Pierrot, 1942, p. 125). B. − Pop. Nettoyer le derrière de quelqu'un. Elle est dégoûtée des enfants. Impossible de coudre, avec eux! À chaque instant il faut aller les torcher (Renard, Journal, 1905, p. 953). ♦ Empl. pronom. réfl. Nous n'avions droit, nous, qu'au papier journal fourni par La Croix, après que Fine eut découpé aux ciseaux le coin gauche de ce pieux quotidien, où est imprimée la désolante image du calvaire. On ne peut décemment se torcher avec un tel emblème (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 187). − Loc. fig. Se torcher le cul/le derrière avec/de qqc., s'en torcher (le derrière, le cul). Faire peu de cas de quelque chose, s'en moquer éperdument. [Il a dit] qu'il méprisait le signe national, et qu'il s'en torcherait le derrière (Le Moniteur, t. 2, 1789, p. 360).Ah! moi ce que j'en dis!... Je m'en torche!... Ça m'est bien égal!... C'est pas mon service les dingos! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 673). C. − Vx, pop. Qqn torche qqn.Rouer quelqu'un de coups, lui donner une torchée. Il se fera torcher (Ac. 1798, 1835). − Empl. pronom. réciproque. Se battre. (Dict. xixeet xxes.). D. − Qqn torche qqc. 1. Recouvrir un mur, une cloison avec du torchis (Dict. xixeet xxes.). 2. Fam. Exécuter quelque chose très rapidement et sans soin; bâcler. Synon. fam. torchonner.Tu as du culot, tu sais faire parler les gens, tu es débrouillarde, tu passerais partout. Et pour ce qui est de torcher un papier, ça s'apprend vite (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 164). E. − Spécialement 1. ÉN. PÉTROL. Brûler les gaz excédentaires dans une torchère. (Dict. xxes.). 2. [En Afrique Noire] Éclairer quelque chose avec une torche électrique (d'apr. Invent. Particul. lex. Fr. Afr. n. 1983). REM. Torchée, subst. fém.,pop. Volée de coups. Synon. pop. dérouillée.Filer, coller une torchée. Les torchées que je lui ai flanquées à la Robidet bien du monde pourrait t'en causer (Aymé, Vouivre, 1943, p. 110). Prononc. et Orth.: [tɔ
ʀ
ʃe], (il) torche [tɔ
ʀ
ʃ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1160 « essuyer, frotter, enlever la saleté » (Eneas, 3547 ds T.-L.); b) ca 1165 « étriller, brosser (un cheval) » ([Chrétien de Troyes], Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 1002); c) fin xiies. torchier son cul (Audigier, éd. O. Jodogne, 120); 1534 se torcher « essuyer ses excréments » (Rabelais, Gargantua, XII, éd. R. Calder, M. A. Screech et V.-L. Saulnier, p. 92 et 93); 1640 se torcher le derrière de « ne faire aucun cas de » (Oudin Curiositez); 1867 se torcher le cul de « id. » (Delvau); d) fin xiies. soi torchier « se frotter (avec un onguent) » (Prise d'Orange, éd. Cl. Régnier, 389); e) 1260-1311 torcier (son bec) en parlant d'un oiseau « nettoyer » (Auberon, éd. J. Subrenat, 119); 1541 torcher sa bouche « s'estimer non coupable » (Calvin, Instit. chrét., livre III, chap. IV, 19, éd. J.-D. Benoît, t. 3, p. 119); 1561 se torcher le nez de qqc. « ne pas l'obtenir » (Grevin, Esbahis, V, 3 ds Hug.); 1577 s'en torcher le bec « devoir renoncer à » (R. Belleau, La Reconnue, II, 4 ds Gdf. Compl.); 1578 torcher sa bouche « se résigner à être frustré » (H. Estienne, Dial. du lang. franç. ital., I, 179 ds Hug., s.v. bouche1); 2. 1160-1174 « emballer, empaqueter » (Rou, II, éd. A. J. Holden, 2423); 3. déb. xiiies. « battre, rosser (quelqu'un) » (Ste Julienne, 473 ds T.-L.); 4. a) 1205-50 torchier ses gernons (d'aucun repast) « manger, consommer (quelque chose) » (Renart, branche XIII, éd. E. Martin, 886); 1866 torcher un plat « manger gloutonnement tout ce qu'il contient » (Delvau); b) 2emoit. du xiiies. « recouvrir (un mur) de torchis » (Du Prestre et des .II. ribaus ds Gdf. Compl.); c) 1767 bien torché « bien fait (en parlant d'une œuvre de peinture) » (Diderot, Salon ds Littré); 1798 torcher son ouvrage « faire à la hâte » (Ac.); 1808 bien torché « bousillé » (Hautel); 1823 torché « fait à la hâte, mal fait » (Boiste); 1835 (ouvrage) mal torché « fait grossièrement » (Ac.); 1783 mal torché « mal habillé, sale, dégoûtant » (Restif de La Bret., Contemp. du commun, p. 220). Dér. de torche*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 91. DÉR. Torcheur, subst. masc.,fam. [Corresp. à supra D 2] Artiste qui torche un tableau, un écrit. Il en est de même de Carpeaux, de Courbet, de Rodin (...) de tous ceux qui apportant une formule nouvelle, ou un peu bousculante, du beau, avaient soulevé l'indignation, mêlée à l'envie, de la foule ignorante, ameutée par les torcheurs de croûtes et les tailleurs de navets (L. Daudet, Rech. beau, 1932, p. 61).Pire encore, elle aurait pu s'amouracher d'on ne sait quel artiste peintre ou torcheur de sonnets ou autre voyou anarchisant (Aymé, Bœuf cland., 1939, p. 29).− [tɔ
ʀ
ʃ
œ:ʀ]. − 1reattest. 1287 (doc. ds Bevans, The Old french vocabulary of Champagne, p. 70); de torcher, suff. -eur2*. BBG. − Darm. Vie 1932, p. 160. |