| THÉORICIEN, -IENNE, subst. et adj. I. − Substantif A. − [Constr. le plus souvent avec un compl. prép. de] 1. Dans le domaine sc. ou techn.Personne qui connaît la théorie, les principes d'une science, d'une technique ou d'un art. À Kerléano, vivait aussi le cadet de Louis, son frère Denis (...) théoricien de l'agriculture (La Varende, Cadoudal, 1952, p. 19). − En partic. Personne qui a élaboré ou formulé une théorie dans une science ou un art. Théoricien de la mécanique quantique. Les modernes théoriciens de la poésie pure, Edgar Poe, Baudelaire, Mallarmé, M. Paul Valéry ne sont pas les dangereux novateurs que parfois l'on semble croire. Nous pouvons, certes, les soupçonner d'hérésie sur quelques points de détail, et je ne m'en prive pas; mais pour le fond de la doctrine, ils continuent une tradition assez vénérable (Bremond, Poés. pure, 1926, p. 15).En 1927 l'amiral Castex, grand théoricien de la guerre navale, avait écrit: « La supériorité aérienne est devenue une condition nécessaire de la pleine supériorité sur mer et elle en fait partie intégrante » (Le Masson, Mar., 1951, p. 20). 2. Dans le domaine de la philos., de l'idéol.Personne qui élabore, professe, défend les principes d'une théorie sur un sujet donné. Théoricien de l'anarchie, du marxisme, de la révolution. [Le] minimum de morale kantienne invoqué en France par les premiers théoriciens de la laïcité (Maritain, Human. intégr., 1936, p. 187).[Sade] est admiré aujourd'hui, avec tant d'ingénuité, pour des raisons où la littérature n'a rien à voir. On exalte en lui le philosophe aux fers, et le premier théoricien de la révolte absolue (Camus, Homme rév., 1951, p. 54). B. − Absol. Personne qui se préoccupe surtout de connaissances abstraites et spéculatives, qui vise à élaborer des théories et se désintéresse de la pratique, des applications. La moralité de l'homme pratique diffère de la moralité du théoricien. Le premier va de résultat en résultat, tandis que le second ne peut pas un seul instant perdre des yeux son but idéal. Le théoricien poursuit ce qu'en mathématique on appelle, je crois, une limite, c'est-à-dire un point d'où l'on approche indéfiniment sans jamais pouvoir l'atteindre (Barrès, Cahiers, t. 3, 1904, p. 218).Les hommes de doctrine, les prétendus subtils, ou, comme on dit encore, les théoriciens s'entendent mieux que les hommes d'action à transformer insensiblement le monde spirituel (Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 165). II. − Adj. [En parlant d'une pers.] Enclin à la réflexion, à la théorie; qui se préoccupe de théorie, non de pratique. [Lénine] félicite (...) Lassalle d'avoir mené une lutte acharnée contre la spontanéité des masses. « La théorie, dit-il, doit se soumettre la spontanéité. » En clair, cela veut dire que la révolution a besoin de chefs et de chefs théoriciens (Camus, Homme rév., 1951, p. 281).Depuis plus de trente ans, les physiciens théoriciens se sont, en grande majorité, ralliés à une interprétation de la Physique quantique et de la Mécanique ondulatoire qui dérive des idées introduites naguère par M. Bohr (L. de Broglie, Bases interprét. mécan. ondul., 1963, p. VII). − [P. méton.] Avec ses amis et principalement Paul Signac, Seurat, esprit théoricien, lecteur des physiciens Chevreul, Rood, Helmholtz, ami du léonardesque Charles Henry, formule l'impressionnisme scientifique (Cassou, Arts plast. contemp., 1960, p. 28).Les économistes des facultés de droit, notamment, sont volontiers taxés d'esprit théoricien par les praticiens des entreprises et des grands corps administratifs (Colloque géogr. appl., 1962, p. 101). Prononc. et Orth.: [teɔ
ʀisjε
̃], fém. [-jεn]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1. Subst. a) 1550 « personne qui connaît la théorie, les principes d'une science » les Theoristes ou Theoriciens des Planètes (Roussat, Richard, Livre de l'Etat et mutation des temps..., Lyon, G. Rouillé, 2epart., p. 103); b) 1901 « personne qui élabore, professe, défend une théorie sur un sujet » les théoriciens de la grève générale (Jaurès, Ét. soc., p. 102); 2. adj. 1842 un médecin théoricien (Reybaud, J. Paturot, p. 92). Dér. de théorique*; suff. -ien* sur le modèle de mathématique*/mathématicien*. Fréq. abs. littér.: 211. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 74, b) 119; xxes.: a) 445, b) 502. Bbg. Gohin 1903, p. 276. |