| * Dans l'article "THÉÂTRE,, subst. masc." THÉÂTRE, subst. masc. I. − Édifice conçu pour la présentation de certains spectacles. A. − [Dans l'Antiq.] Construction à ciel ouvert, à l'origine en bois, puis en pierre, comprenant une scène, des gradins en forme d'hémicycle généralement adossés à une colline, et ouvrant sur un paysage de mer ou de montagnes. Théâtre grec; théâtre d'Épidaure, de Delphes, d'Orange, de Pompéi, de Syracuse; théâtre de Dionysos. Une ville qui (...) a pu s'épanouir en un foyer de civilisation, en une œuvre d'art, avec ses temples, ses portiques, ses théâtres taillés dans le roc (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 158).Le théâtre romain comprenait quatre parties: la cauea, c'est-à-dire l'ensemble des gradins semi-circulaires (...). Au pied des gradins s'étendait l'orchestra, semi-circulaire aussi (...). En avant de l'orchestra (...) s'étendait la scène, composée du proscaenium où jouaient les acteurs et du mur du fond de scène, fons scaenae (Pell.1972). − P. anal. (d'aspect). [De nos jours] En 1885, M. Maurice Pottecher créa, à Bussang, un « Théâtre du Peuple »: théâtre en plein air, comportant de vastes tréteaux adossés à la montagne et entourés de gradins (Becquet, Organ. loisirs travaill., 1939, p. 225). B. − [Dep. le xvies.] 1. Bâtiment où se donnent des représentations (œuvres dramatiques, lyriques, chorégraphiques, etc.), comportant des installations destinées au spectacle (scène, coulisses, fosse, plateau, etc.) et d'autres réservées aux spectateurs (salle, balcons, galeries, loges, foyer, vestiaire, etc.). Grand, petit théâtre; architecture, aménagement(s) d'un théâtre; façade, entrée, salle, scène d'un théâtre; baignoire, loges, orchestre, parterre, vestibule d'un théâtre; rideau de théâtre. Le spectacle, ainsi composé, ainsi construit, s'étendra, par suppression de la scène, à la salle entière du théâtre (Artaud, Théâtre et son double, 1938, p. 150): L'exagération de la dimension verticale combinée au rétrécissement de la dimension horizontale aboutit à ces théâtres bonbonnières où le spectateur des dernières galeries n'a droit qu'à une vision ratatinée de l'univers scénique: acteurs nabots évoluant sur une scène dont l'angle de vision fait une soupente.
Serrière, T.N.P., 1959, p. 58. a) Loc. [désignant différents types de théâtres, en fonction de leur origine, de leurs caractéristiques] ♦ Théâtre élisabéthain. ,,Bâtiment circulaire ou polygonal entourant un espace vide à ciel ouvert`` (Dubuc Théâtre 1979). Quant au théâtre élisabéthain, son édifice circulaire ou polygonal enserre de ses étages de galeries l'arène centrale où s'encastre l'éperon de la scène (Serrière, T.N.P., 1959, p. 56). ♦ Théâtre à l'italienne. Espace caractérisé par une séparation entre la scène et la salle, celle-ci s'étendant en surélévation dans l'axe de la première afin de faciliter l'illusion. Les deux cellules mères du « théâtre à l'italienne », la scène en perspective et la salle en étages de loges (...), ont accompli leur évolution non pas simultanément, comme on serait tenté de le croire, mais avec un certain décalage historique (Hist. spect., 1965, p. 583). ♦ Théâtre de poche. Théâtre de dimensions très restreintes. Voir Serrière, op. cit., p. 123. ♦ Théâtre en rond. ,,Espace limité par un plan circulaire à l'intérieur duquel le théâtre se joue et jouent les acteurs encerclés par les spectateurs-auditeurs`` (Thinès-Lemp. 1975). La forme particulière du cirque − dont le théâtre en rond est un des rares autres exemples − crée une sorte de communion entre les artistes et le public qui les entoure et resserre autour d'eux sa sympathie (Hist. spect., 1965, p. 1521). ♦ Cabaret-théâtre, café-théâtre. Petite salle (située à l'origine dans un cabaret, un café) où l'on peut assister à des spectacles généralement non conventionnels et à moyens limités; p. méton., cette forme de spectacle. Troupe de café-théâtre. À l'enseigne des Blancs-Manteaux, dans le Marais, les lois du cabaret-théâtre sont inversées (L'Express, 19 avr. 1976, p. 42, col. 1).Bertrand, un auteur feu follet, ignoré du public mais non des professionnels du spectacle, qui saute de la chanson au roman, du café-théâtre à la télévision (Fr. Dorin, Les Jupes-culottes, 1984, p. 11). b) P. métaph. [La route des eaux] traverse des déserts dont elle partage l'empire avec un soleil qui dresse entre les cyprès les tréteaux d'un théâtre de mirage (Giono, Eau vive, 1943, p. 155). c) P. anal. (d'aspect). Quel que fût l'auteur, j'adorais les ouvrages de la collection Hetzel, petits théâtres dont la couverture rouge à glands d'or figurait le rideau: la poussière de soleil, sur les tranches, c'était la rampe (Sartre, Mots, 1964, p. 58). 2. En partic., vieilli a) Emplacement où se produisent les acteurs. Synon. scène, planches (fam.).Voilà à peu près comment les principaux personnages étaient disposés sur le théâtre (Delécluze, Journal, 1827, p. 455).Je ne pouvais faire attention à ce qui se passait ni sur le théâtre ni dans la salle (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 291). b) Ensemble des décors destinés à évoquer le lieu où se déroule l'action dramatique. Le théâtre change. Le théâtre représente une forêt épaisse, dans le fond; d'un côté une plaine, des chaumières dans l'éloignement (La Martelière, Robert, 1793, ii, 1, p. 13). − P. anal. ou au fig. [Suivi d'un déterm.] Cadre particulier et généralement bien en vue, dans lequel se déroulent certains événements, certaines manifestations de l'activité humaine. Synon. scène.Être le théâtre d'un accident, d'un combat; le théâtre politique, social. Les lices d'un tournois [sic], un champ de bataille, le fossé d'un château, la brèche d'une tour, étoient souvent le théâtre honorable où se conféroit l'ordre des vaillans et des preux (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 487).Quelques semaines plus tard, la classe de cinquième A I fut le théâtre d'un événement singulier (Sartre, Mots, 1964, p. 189). ♦ DÉFENSE Théâtre d'opérations. Zone où se déroulent des combats; zone où peut s'accomplir une mission stratégique placée sous un commandement militaire unique. À la suite du départ du général de Castelnau (...) vers un nouveau théâtre d'opérations, j'avais dû procéder à une nouvelle répartition des forces (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 431).En raison du développement des événements militaires en Tripolitaine et de leurs conséquences possibles en Afrique du Nord française, mon intention est qu'elles [les troupes] soient engagées sur ce théâtre d'opérations plutôt qu'en Russie (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 649).Théâtre d'opérations extérieur. Théâtre d'opérations situé hors de l'Europe (abrév. T.O.E.). (Dict. xxes.). Armes de théâtre. ,,Armes nucléaires affectées à un théâtre d'opérations, particulièrement au théâtre européen`` (GDEL). On a vu avec quel sarcasme Helmut Schmidt a parlé du terme « armes de théâtre » utilisé par les Américains pour désigner leurs bombes atomiques et leurs fusées nucléaires en Europe (Le Nouvel Observateur, 21 nov. 1981, p. 64, col. 3). C. − P. méton. 1. Endroit où les acteurs donnent une représentation; spectacle, divertissement présenté au public dans cet endroit. Aller, se rendre au théâtre; partir, sortir du théâtre; affiches de théâtre; recettes du théâtre; acheter, louer, prendre des billets/des places pour le théâtre. Dullin (...) n'a jamais oublié qu'une des premières formes du théâtre, c'est les tréteaux, et sa technique a toujours gardé quelque chose de direct, de brut et d'improvisé qui en fait la vie et la saveur (Cassou, Arts plast. contemp., 1960, p. 387): 2. Que dirait le public de nos théâtres, s'il ne trouvait pas, à la fin du cinquième acte, la catastrophe voulue par la justice, qui rétablit l'équilibre normal, ou plutôt utopique, entre toutes les parties, − cette catastrophe équitable attendue impatiemment pendant quatre longs actes?
Baudel., Paradis artif., 1860, p. 436. ♦ Théâtre aux armées. Ensemble des représentations destinées aux soldats se trouvant dans les zones de combat. Pour comble de mon infortune survint le Théâtre aux Armées. Elle se créa instantanément, Musyne, cent relations militaires au Ministère et de plus en plus fréquemment elle partit alors distraire au front nos petits soldats et cela durant des semaines entières (Céline, Voyage, 1932, p. 99). 2. Ensemble des spectateurs d'une représentation théâtrale. Synon. salle.Tout le théâtre applaudissait debout (Rob.1985). 3. Ensemble du personnel (artistes, techniciens, administrateur(s), directeur, etc.) généralement attaché à une salle de spectacle et qui en assure l'administration, le fonctionnement. Synon. troupe (théâtrale).L'Illustre Théâtre de Molière; théâtre du Châtelet, du Marais, de l'Atelier, de l'Odéon, de l'Opéra; le théâtre fait relâche, monte une nouvelle pièce, part en tournée; répertoire d'un théâtre. Le théâtre d'amateurs opère avec les moyens les plus simples et (...) à part peut-être ceux qui le dirigent, il ne suppose aucune connaissance ou talent spéciaux, il suffit de se consacrer avec ferveur à l'œuvre ou à l'idée à réaliser (Becquet, Organ. loisirs travaill., 1939, p. 55). ♦ Théâtre municipal. Théâtre dont la gestion est contrôlée par la municipalité de la ville où il est situé. (Dict. xxes.). ♦ Théâtre national, théâtre d'État. Théâtre dont la gestion est contrôlée par l'État et qui a pour objectif de représenter des œuvres de qualité. Non seulement les théâtres d'État, mais les scènes indépendantes (...) n'ont cessé de se chercher, dans l'immense production picturale du temps, des compagnons d'étude et de travail (Cassou, Arts plast. contemp., 1960, p. 382).Il y a cinquante ans le Conseil d'État ne reconnaissait pas le caractère de service public aux théâtres nationaux (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 68).Théâtre national populaire (abrév. T.N.P.). Aujourd'hui le théâtre est entré dans les mœurs du public populaire. L'action du Théâtre national populaire qui, avec Jean Vilar et Gérard Philipe, n'hésitait pas à planter son chapiteau à Suresnes et autres quartiers ouvriers de la région parisienne y est pour beaucoup (Cacérès, Hist. éduc. pop., 1964, p. 102).Théâtre-Français. V. français III A. ♦ Théâtre privé. Théâtre géré par des commanditaires privés et qui produit notamment des spectacles légers, faciles. Dans les théâtres privés, nulle contrainte, nulle censure n'intervient (Théâtres nat. Fr., 1954, p. 35). ♦ Théâtre subventionné. V. subventionner B 1. D. − P. anal. (de fonction). Construction, emplacement aménagé pour offrir des spectacles de nature diverse, avec ou sans acteurs. Théâtre de marionnettes, d'ombres. Les petits théâtres forains sont les seuls endroits où la haine du joug tudesque puisse se montrer avec quelque liberté (Quinet, All. et Ital., 1836, p. 154).Quels jolis tableaux pour les théâtres mécaniques de la foire au pain d'épice! (Gourmont, Esthét. lang. fr., 1899, p. 310). ♦ Théâtre d'eau. Aménagement, dans un parc, d'un endroit destiné à un spectacle de jets d'eau, fontaines, cascades, etc. À l'exposition coloniale de Vincennes, l'un des « clous » les plus remarqués portait le nom significatif de « théâtre d'eau » (Arts et litt., 1935, p. 76-13). ♦ Théâtre de verdure. Cadre de végétation artistiquement aménagé et permettant d'assister en plein air à certains spectacles (comédie, danse, musique, etc.). (Dict. xxes.). II. A. − Art dont le but est de produire des représentations (régies par certaines conventions) devant un public, de donner à voir, à entendre une suite d'événements, d'actions, par le biais d'acteurs qui se déplacent sur la scène et qui utilisent ou peuvent utiliser le discours, l'expression corporelle, la musique. Synon. art* dramatique.Succès du théâtre; art, force, illusion du théâtre; théâtre et cinéma; théâtre dansé, mimé; théâtre lyrique, musical; roman adapté pour le théâtre. La conception du théâtre, telle qu'elle s'est enracinée en Occident depuis la Renaissance − à partir de lointains schémas antiques − est fondée sur un dispositif scénique axial, statique, perspectiviste, rigoureusement individualiste et contraignant (Thinès-Lemp.1975): 3. On peut (...) reprocher au théâtre tel qu'il se pratique un terrible manque d'imagination. Le théâtre doit s'égaler à la vie, non pas à la vie individuelle, à cet aspect individuel de la vie où triomphent les caractères, mais à une sorte de vie libérée, qui balaye l'individualité humaine et où l'homme n'est plus qu'un reflet.
Artaud, Théâtre et son double, 1938, p. 139. ♦ Théâtre de chambre. [P. anal. avec musique de chambre] ,,Pièces avec peu d'acteurs, destinées à être jouées dans des salles intimes`` (GDEL). ♦ Théâtre dans un fauteuil. ,,Pièce de théâtre destinée plutôt à être lue qu'à être vue`` (GDEL). ♦ Théâtre total. Représentation utilisant toutes les ressources artistiques (danse, chant, lumière, etc.) (d'apr. Thinès-Lemp. 1975). − P. métaph. Souvent des êtres, surpris par un accident subit (...) et en danger de mort, ont vu s'allumer dans leur cerveau tout le théâtre de leur vie passée (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 451). − P. ext. Représentation enregistrée, filmée, puis rediffusée par le biais de la radio, de la télévision. En France comme ailleurs et peut-être un peu plus, le théâtre filmé règne, et souvent le mauvais théâtre (Arts et litt., 1936, p. 34-3).Le disque (...) a surtout été employé pour le théâtre radiophonique qu'il a, peut-on dire, renouvelé, facilitant la mise en onde et apportant des moyens techniques originaux (Matras, Radiodiff. et télév., 1958, p. 43). B. − [Dans des loc.] Subst. + de théâtre 1. [En parlant de pers.] a) [En parlant des professions, des emplois liés à l'art dramatique] Acteur, comédien, vedette de théâtre; accessoiriste, metteur en scène de théâtre; critique de théâtre; femme de théâtre. D'abord décorateur de théâtre, il vint à Rome, y rencontra Panini (...) et se consacra dès lors au paysage urbain (P. Lavedan, Urban., 1926, p. 225).Vidame n'était pas un comédien du premier rang; c'était pourtant un véritable homme de théâtre, riche de l'imagination particulière à ce métier. Il savait, d'un mouvement du rein ou de l'épaule, faire paraître des intentions demeurées, dans le texte des poètes, au stade embryonnaire (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 21). b) [En parlant des rôles susceptibles d'être tenus par les acteurs] Bouffon, coquette, ingénue, valet de théâtre. Le Duc barbu et immobile, tous les doigts, jusqu'au pouce même, scintillant de mille feux, et des colliers plein la poitrine, semblait comme un roi de théâtre sur son estrade (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 156).Un personnage de théâtre ou de roman doit, pour être vivant, avoir quelque chose de particulier qui n'appartienne qu'à lui (Lemaitre, Contemp., 1885, p. 235). − En partic. [Pour qualifier le jeu de l'acteur, ses gestes, sa diction, etc., partic. étudiés pour la scène] Vous savez bien, monseigneur, que les baisers de théâtre n'engagent pas une seule fibre de la chair (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 38).Le rire léger éclata de nouveau, insolite soudain dans cette pièce aux échos profonds, comme un rire de théâtre derrière une rampe éteinte (Gracq, Syrtes, 1951, p. 84). ♦ P. anal. Artificiel, exagéré. Synon. théâtral.Attitude de théâtre. Prullière et Fontan (...) s'oubliaient devant la table desservie, se racontaient leurs succès jusqu'à deux heures du matin, avec leurs gestes et leur voix de théâtre (Zola, Nana, 1880, p. 1308).Coquelin passait en discourant au milieu d'amis qui l'écoutaient et faisait avec la main à des personnes en voiture, un large bonjour de théâtre (Proust, Swann, 1913, p. 420). 2. [En parlant de choses] a) [En parlant des accessoires, des éléments matériels, techniques nécessaires à la représentation] Décors, éclairages de théâtre; fards, maquillages de théâtre; effets de théâtre; masques du théâtre italien. Des costumes de théâtre étoilés d'or étaient jetés çà et là, sur des chaises (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 48).Il imagina, il créa (...) des horizons factices, obtenus au moyen d'artifices de théâtre, des changements à vue, des forêts peintes, des empires de contes où les feuilles des arbres étaient des pierres précieuses (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Cas de div., 1886, p. 1067). ♦ Coup* de théâtre. b) [En parlant des différents supports de l'art dram. (litt., mus., danse)] Argument, ballet de théâtre. Une musique de théâtre, une musique de pantomime (...) accompagne et commente les gestes et les actions des personnages que l'on voit en scène (P. Lalo, Mus., 1899, p. 338).Le dialogue de théâtre, qui se passe de tuteurs, où l'auteur ne fait pas à tout moment sentir qu'il est là, prêt à donner un coup de main, ce dialogue qui doit se suffire à lui-même et sur lequel tout repose, est plus ramassé, plus dense, plus tendu et survolté que le dialogue romanesque (Sarraute, Ère soupçon, 1956, p. 112). ♦ Pièce* de théâtre. C. − Activité, art du comédien. Cours, école de théâtre; se destiner, renoncer au théâtre. Il avait l'intention de faire du théâtre (...) c'était irrévocable, une force invincible l'y poussait (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 239). − P. anal. Attitude, comportement artificiel, emphatique. Faire du/son théâtre. Esther reçoit un coup si imprévu qu'elle se trouve comme sous l'effet du choc opératoire (...) Ses répliques de la première scène avec Liane ne sont explicables que si elle s'exprime dans une sorte de stupeur lucide (...) Elle se souvient de ses rôles. Sa sincérité se teinte donc d'un peu de théâtre (Cocteau, Monstres sacrés, 1940, p. 11).Pauvre cher Horace! Il est la proie de cette femme et de ses superstitions (...) Elle va faire venir un prêtre. Passe encore, mais il viendra ensuite, tu entends, des religieuses (...) Le prêtre, oui. Les religieuses, c'est du théâtre (Green, Chaque homme, 1960, p. 52). D. − Activité, art de l'auteur dramatique; genre littéraire regroupant toutes les œuvres qui, obéissant à certaines conventions, sont destinées à être jouées en public. 1. [Théâtre est empl. sans déterm.] Le dialogue − chose écrite et parlée − n'appartient pas spécifiquement à la scène, il appartient au livre; et la preuve, c'est que l'on réserve dans les manuels d'histoire littéraire une place au théâtre considéré comme une branche accessoire de l'histoire du langage articulé (Artaud, Théâtre et son double, 1938, p. 45). 2. [Théâtre est suivi d'un déterm. (subst. ou adj.) destiné à en préciser l'origine, l'époque, les traits dominants] a) [Le déterm. précise l'aut. des œuvres dram.] Théâtre d'Aristophane, d'Eschyle, de Molière, de Musset, de Giraudoux, de Pirandello; théâtre claudélien, cornélien. Rome sauvée est dans le théâtre de Voltaire ce que Britannicus est dans celui de Racine (Chênedollé, Journal, 1820, p. 103). Dans le théâtre shakespearien les emplois étaient fort différents, car les rôles de femmes étaient tenus par des hommes (Arts et litt., 1936, p. 64-11). b) [Le déterm. précise l'époque de création des œuvres dram.] Théâtre du Moyen Âge; théâtre élisabéthain. Quand on essaie de voir quelle chance a le théâtre contemporain de retrouver sa gloire naïve et son éclat, on ne peut se délivrer de cette idée insistante et d'autant plus pénible que le théâtre est un art inconnu à notre époque (Vilar, Tradition théâtr., 1963, p. 94).Ce mode d'expression de soi qu'était le théâtre antique permettait, comme le psychodrame moderne, d'opérer une catharsis, une purification de l'âme, une liquidation des complexes (Divin.1964, p. 248). c) [Le déterm. précise le pays, plus largement le continent d'orig. comme sources d'infl. sur les œuvres dram.] Théâtre allemand, espagnol, français, italien; théâtre balinais, japonais. La parole dans le théâtre occidental ne sert jamais qu'à exprimer des conflits psychologiques particuliers à l'homme et à sa situation dans l'actualité quotidienne de la vie (Artaud, Théâtre et son double, 1938, p. 85).Un des personnages traditionnels du théâtre oriental: l'homme noir du Kabuli ou l'« ombre » du théâtre chinois (Serrière, T.N.P., 1959, p. 154).V. expansif A ex. de Artaud. d) [Le déterm. précise le genre, la tendance littér., philos.] Théâtre profane, religieux; théâtre classique, moderne; théâtre humaniste, romantique, réaliste; théâtre burlesque, épique; théâtre expressionniste, psychologique; théâtre de caractères, de mœurs. Plein d'horreur et de dégoût pour le temps présent, [il] jeta l'anathème sur la poésie, le roman et le théâtre bourgeois (A. France, Vie fleur, 1922, p. 392).Il y eut désaccord et presque bagarre entre tenants des concerts symphoniques et tenants du jazz, comme il y eut une querelle du théâtre de boulevard et du théâtre « d'avant-garde » (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 309). − En partic. [Le déterm. désigne le lieu où se passent les représentations et, p. ext., un genre spécifique] ♦ Théâtre de boulevard*. ♦ Théâtre de la foire. V. foire1. e) [Le déterm. précise le type de public auquel s'adressent les œuvres] Théâtre prolétarien de Piscator. Le théâtre populaire − un théâtre digne du public qui ne préjuge pas − ne serait-il pas un théâtre de cet ordre et l'échec des œuvres incapables de vivre sans subterfuges décoratifs (Cocteau, Parents, 1938, p. 182).Au même moment naissent des projets et des tentatives de théâtre populaire, de théâtre du peuple, de théâtre pour le peuple (Cassou, Arts plast. contemp., 1960, p. 386). ♦ Théâtre de/pour l'enfance, la jeunesse; théâtre scolaire. Ensemble d'œuvres présentant des caractères pédagogiques et récréatifs, destinées plus particulièrement aux enfants; spectacle créé et animé par les enfants eux-mêmes. Les autorités officielles, à nouveau favorables au théâtre scolaire, lui reconnaissent un certain nombre d'avantages: éducation de la mémoire, de la diction et de la lecture, éveil du sens artistique, développement d'un esprit d'émulation et de collaboration (Demn.-Four.Enseign.1981). − P. anal. Recueil, traité dont le thème est choisi dans un but éducatif. Théâtre d'éducation (Littré). Théâtre d'agriculture (Rob.). REM. 1. Théâtricule, subst. masc.,p. plaisant. Théâtre de très petites dimensions. Les Folies Modernes (...) une façon de théâtricule où triomphait le vaudeville à couplets et la revue de fin d'année (Courteline, Ah! Jeunesse!1894, p. 12).La salle du Maurice's Club est minuscule. C'est un théâtricule qu'on a transformé (...) en salle de danse (Sem, Ronde de nuit, 1923, p. 123). 2. Théâtrier, subst. masc.,péj. Auteur d'ouvrages dramatiques. Que sont, en comparaison de ce drame vraiment divin qui se joue entre l'âme et Dieu, les pauvres machines inventées par les théâtriers anciens ou modernes? (Huysmans, Oblat, t. 2, 1903, p. 28). 3. Théâtrophone, subst. masc.,vieilli. Appareil installé sur la scène d'un théâtre et relié au réseau téléphonique, qui permet l'audition à domicile et en direct de pièces de théâtre, d'opéras, de concerts. Ailleurs, on synchronise les bruits d'un phonographe et les images mouvantes. Les journaux publient la photographie de la famille Rostand intime, écoutant l'Aiglon dans le premier théâtrophone (Morand, Rococo, 1933, p. 89). 4. Théâtrothérapie, théâtro-thérapie, subst. fém.,psychol. Psychothérapie fondée sur l'improvision théâtrale. La théâtro-thérapie est (...) souvent une grande source de satisfaction: elle permet en partie à chacun de réaliser la personne qu'il désirerait être (G. Palmade, La Psychothérapie, 1969, p. 107). Prononc. et Orth.: [teɑ:tʀ
̭], [tea:tʀ
̭]. Martinet-Walter 1973 [-ɑ-], [-a-] (13, 4). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. a) 1213 antiq. « bâtiment où se donnaient les spectacles publics » (Faits des Romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 734, ligne 9); b) 1381-89 « édifice, lieu où l'on représente des ouvrages dramatiques, où l'on donne des spectacles » qui vont ... aux festes, aux champs, au theatre (Eustache Deschamps, Le Miroir de mariage, 3111 ds
Œuvres compl., éd. G. Raynaud, t. 9, p. 104); c) 1671 hortic. théatre [d'eau] (Comptes des Bâtiments du Roi sous le règne de Louis XIV, éd. J. Guiffrey, t. 1, p. 515: qui ont porté du sable au théatre et des recoupes à l'allée d'eau); 1715 theatre d'eau (La Theorie et la pratique du jardinage..., p. 60 ds Rommel 1954, p. 62); d) 1949 (Cocteau, Théâtre de poche [titre]); 2. a) 1381-89 « le spectacle, la distraction même qu'offrent les acteurs sur scène » (Eustache Deschamps, op. cit., 5505, ibid., p. 180); b) 1542 « scène, estrade où jouent les acteurs » ici fig. (Deroziers, tr. Dion Cassius, l. LII, ch. 86 [195 vo] ds Hug.); 1581 au propre (F. d'Amboise, Dialogues, I, fol. 21-22, ibid.); 3. a) 1561 « ensemble des œuvres dramatiques d'un auteur, d'une époque, d'un pays... » (Jacques Grévin, Brief discours pour l'intelligence de ce théâtre ds Théâtre compl., éd. L. Pinvert, p. 5); b) 1922 c'est de la convention pour théâtre des boulevards (Proust, Prisonn., p. 297); 1946 théâtre de boulevard et [...] théâtre « d'avant garde » (Ambrière, loc. cit.); c) 1657 « art du dramaturge » (D'Aubignac, La Pratique du théâtre, Paris, A. de Sommaville, livre I, IV, p. 26: peu à peu le Théâtre a changé de face, et s'est perfectionné); 4. a) 1657 « art, profession du comédien, du metteur en scène » un beau Jeu de Théâtre (Id., ibid., livre III, IX, p. 333); b) 1690 « ensemble du personnel artistique, technique et administratif nécessaire au fonctionnement d'un théâtre » (le) théâtre de l'Opéra (Fur.); 1926 théâtre municipal (Jouhandeau, M. Godeau, p. 104); 5. fin xviies. de théâtre « digne de théâtre, théâtral » un personnage de théâtre (Boss., Sermons, Haine pour la vérité, 2 ds Littré); 6. 1743 coup de théâtre « événement imprévu quoique préparé qui survient dans une pièce de théâtre » (Trév.); d'où 1743 fig. l'exil de ce Ministre fut un coup de théâtre (ibid.). II. A. [xvies. « lieu où se produit un événement important ou dramatique pour la personne en question » (Mem. S. du G., ch. 29 ds Littré, n'a pu être vérifié)] cf. av. 1680 la France ... se trouve ... le théatre où l'on voit paroître (La Rochefoucauld, Réflexions diverses, XVII, Des événements de ce siècle ds
Œuvres, éd. M. D. L. Gilbert, t. 1, p. 343). B. 1662 le théatre de la guerre (Id., Mémoires ds Rich. 1680); 1913 le théâtre des opérations (Romains, Copains, p. 207). Empr. au lat. class.theatrum « théâtre, lieu de représentations; les spectateurs, le public » et au fig. « lieu où se produit quelque chose d'important », empr. au gr. θ
ε
́
α
τ
ρ
ο
ν « id. », dér. de θ
ε
́
α
ο
μ
α
ι, -ε
ω
̃
μ
α
ι « regarder, contempler ». Fréq. abs. littér.: 8 691. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 10 649, b) 14 344; xxes.: a) 14 524, b) 11 452. DÉR. Théâtreux, -euse, subst.,péj. Celui, celle qui exerce une activité théâtrale (auteur, acteur, metteur en scène). C'est un joli talent, et une nature assez médiocre. Il y a du gazetier, en lui, et du théâtreux (...). Échoué là, un peu court et assez puissant, petit roi de théâtre, homme à succès, qu'a-t-il besoin de se forcer à aimer Racine! (Renard, Journal, 1901, p. 713).En partic., au fém. Comédienne sans talent et généralement de mœurs légères. En ce temps-là, Catulle avait pour camarade de lit une petite théâtreuse d'une vingtaine d'années, nommée Jacotte (Courteline, Boubouroche, Pt hist. Boubouroche, 1926, p. 10).− [teɑtʀø], [tea-], fém. [-ø:z]. − 1resattest. a) av. 1896 subst. fém. « demi mondaine qui s'exhibe sur les planches d'un théâtre, d'un casino, d'un café-concert » (H. Bauer, Écho de Paris ds R. encyclop., p. 228); b) 1901 subst. masc. « homme de théâtre » (Renard, loc. cit.); de théâtre, suff. -eux*. BBG. − Archit. 1972, p. 152. − Blois (J.). Les Néol. dans l'hebdomadaire L'Express... Néol. Marche. 1980, no18, p. 138 (s.v. théâtre-crêperie). − Born. 1967, p. II, 67. − Boudon (P.). Rech. sémiot. sur le lieu. Semiotica. 1973, t. 7, no3, pp. 190-225. − Hassel-rot 20es. 1972, p. 85 (s.v. théâtricule). − Quem. DDL t. 15 (et s.v. théâtre-théâtre; théâtre-spectacle), 16, 17 (s.v. théâtreuse), 20 (s.v. film-théâtre), 21 (s.v. théâtre d'opérations), 22 (s.v. bête de théâtre), 28 (s.v. théâtre à maillots). |