| TERRE, subst. fém. I. − Planète, milieu où vit l'homme. A. − [Gén. avec majuscule] Élément de l'Univers s'opposant à d'autres corps célestes, d'autres mondes ou éléments. 1. [P. réf. aux astron., aux cosmogonies anc.] Ce milieu considéré généralement comme le centre du monde. L'évêque d'Hippone (...) croyait la terre plate, parce qu'il lui semblait la voir telle (Proudhon, Propriété, 1840, p. 137).[Philolaos] (...) distingue l'Olympe renfermant les éléments les plus purs, puis le Monde contenant jusqu'à la Lune les astres tournant autour du feu central, et enfin, entre la Lune et le centre, une « région où se trouvent les choses soumises à la génération, apanage de ce qui anime les transmutations ». Ainsi fut formulée pour la première fois avec précision cette division polaire de l'univers entre le monde de la pureté et de l'éternité, et le monde « sublunaire » de l'impureté et de la corruption, dont la Terre faisait partie (Astron., 1962, p. 13 [Encyclop. de la Pléiade]). − MYTH. Élément primordial, divinisé, conçu comme la mère universelle. Union du Ciel et de la Terre; les fils de la Terre (les Titans, les Géants). Si, frappé d'un second coup du trident d'Éole, la terre déchaîne l'Eurus sur l'humide Empire, quoiqu'agitées par ce nouveau tiran les Ondes sont toujours dociles à leur premier maître (Chênedollé, Journal, Append., 1833, p. 181).Kronos d'un coup de serpe lui tranche les parties sexuelles [à Ouranos]. Cet acte de violence aura des conséquences cosmiques décisives. Il éloigne à jamais le Ciel de la Terre, il le fixe au sommet du monde comme le toit de l'édifice cosmique (Mythol.t. 11981, p. 258).Terre(-)mère. Culte des puissances élémentaires traduisant la lassitude des bêtes forcées que nous sommes − des bêtes écrasées, usées, laminées par le bruit forcené, par le dynamisme forcené de milliers de machines qui nous obsèdent. Résurrection compensatrice d'une sorte de culte de la Terre Mère sur le sein de qui il est si bon, le soir, d'allonger filialement ses membres endoloris (L. Febvre, La Sensibilité et l'hist., [1941] ds Combats, 1953, p. 238).[Un patient] voyait les étoiles naître et briller dans la terre. Elles sortaient du sein de la terre; la terre n'était pas en cette obsession une simple image du ciel étoilé. Elle était la grande mère productrice du monde, productrice de la nuit et des étoiles. Dans le rêve de son patient, Neumann montre la force de l'archétype de la terre-mère (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 49). ♦ Poét. [Par personnification] La terre dort, s'éveille; flancs, sein, colère, respiration de la terre. Ô Nuit magicienne, ô douce, ô solitaire, Le Paysage avec sa flûte de roseau T'accueille; et tes pieds nus posés sur le coteau Font tressaillir le cœur fatigué de la terre (Samain, Chariot, 1900, p. 133).L'étonnant printemps rit, viole... On ne sait d'où Venu? Mais la candeur ruisselle à mots si doux Qu'une tendresse prend la terre à ses entrailles... (Valéry, J. Parque, 1917, p. 103). 2. ASTRON., cour. Planète du système solaire, ayant la forme d'une sphère légèrement aplatie aux pôles, parcourant une orbite elliptique autour du Soleil en un an et tournant sur elle-même en vingt-quatre heures environ, formée de roches dont la surface est en grande partie recouverte d'eau, entourée d'une enveloppe de gaz, et qui est le seul corps céleste connu à ce jour où se manifeste la vie. Je revoyais la nébuleuse primitive, puis la terre détachée d'elle, et la lune détachée de la terre. Cette lune était morte aujourd'hui, et la terre mourrait aussi. Elle allait, se glaçant de seconde en seconde (Bourget, Disciple, 1889, p. 175).La terre est bleue comme une orange (Éluard,
Œuvres compl., L'Amour la poésie, Paris, Gallimard, t. 1, 1968 [1929], p. 232).La pleine terre coïncide avec la nouvelle lune. (...) Le clair de terre, beaucoup plus intense que le clair de lune, est suffisant pour rendre visible la partie du sol lunaire qui ne reçoit pas l'éclairement direct du soleil (Danjon, Cosmogr., 1948, p. 215): 1. Il fallut plusieurs siècles de recherches en Mécanique pour étayer l'hypothèse du mouvement de la Terre sur elle-même et autour du Soleil et prouver ainsi que Copernic (et avant lui Aristarque) avaient raison contre « l'évidence ». En effet, l'un des arguments opposés par le bon sens à cette hypothèse était que si la Terre tournait, les habitants le sentiraient!
Kourganoff, Astron. fondam., 1961, p. 7. SYNT. Étude, sciences de la Terre; origine, âge, histoire de la Terre; axe, masse, diamètre, rayon (polaire, équatorial), pôle, orbite, croûte, noyau de la Terre; champ électrique, magnétique de la Terre; champ de gravité de la Terre; force d'attraction de la Terre; constitution, forme de la Terre; climat de la Terre; satellites tournant autour de la Terre; système Terre-Lune, Terre-Soleil. ♦ Expr. Et pourtant, la terre tourne; cela n'empêche pas la terre de tourner. [Pour exprimer que rien ne peut arrêter le cours des événements] Vous pensez qu'un tremblement de terre en Nouvelle-Guinée n'empêche pas la vigne de pousser en France, les fromages de se faire et la terre de tourner (Prévert, Paroles, 1946, p. 16).Voici deux jours que je l'ai sur le dos et qu'elle n'a pas arrêté de me raconter des horreurs sur son mari. Dire qu'il y a des femmes pareilles et que la Terre tourne! (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 51). − P. anal. Planète, corps céleste semblable à la Terre. L'univers est peut-être alors comme un énorme dossier où chaque feuille est un monde analogue à celui que nous connaissons, avec ses étoiles, ses lunes et ses terres (Gds cour. pensée math., 1948, p. 140).Anaxagore fut traduit devant les juges pour avoir soutenu que la Lune était une Terre semblable à la nôtre et le Soleil une pierre incandescente (Astron., 1962, p. 11 [Encyclop. de la Pléiade]). B. − 1. Milieu physique où l'homme vit et exerce ses activités, où existent différentes formes de vie. a) Surface du globe terrestre. Description, exploration de la terre; représentation de la terre par la cartographie; parcourir la terre; faire le tour de la terre; les habitants de la terre. La terre entièrement reconnue, explorée, équipée, je dirai même entièrement appropriée (Valéry, Variété III, 1936, p. 196).La séismologie a montré qu'en plus des tremblements de terre dont les foyers se situent dans l'écorce terrestre, au voisinage des côtes et des fosses océaniques, il existe sous les continents des foyers allant jusqu'à 700 km de profondeur (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 497). − Expr. (liées à la représentation plane du globe). Au bout, aux confins, aux extrémités de la terre. Très loin. On est étonné quand on entre à Londres dans les habitations où siègent les directeurs de ces établissements dont le poids se fait sentir au bout de la terre (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 114).Aux deux bouts, aux deux extrémités de la terre. Très éloigné. Vous étiez plus loin l'un de l'autre que deux exilés aux deux bouts de la terre, séparés par le monde entier (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 357).D'un bout à l'autre, aux quatre coins, à tous les coins de la terre. Partout. Il ira séduire les nations qui sont aux quatre coins de la terre et les rassemblera pour la guerre contre les saints (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 338). b) Séjour de l'homme. Synon. monde1.Julien fut saisi d'une envie démesurée de purger la terre d'un de ses plus lâches coquins... (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 388).− Moi, je suis syndicaliste-socialiste, commença-t-il. Je suis citoyen de la terre. Camarade Soleil brille pour tout le monde (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 146). − Locutions ♦ Remuer ciel* et terre. ♦ Les grands, les princes, les puissants, les rois... de la terre. Ceux qui ont le pouvoir, tous les avantages. Tel est le cantique des modernes pauvres, à qui les heureux de la terre − non satisfaits de tout posséder − ont imprudemment arraché la croyance en Dieu (Bloy, Journal, 1892, p. 66).S'il parlait souvent d'une façon vague de ce que l'on appelle les grands de la terre, c'était avec la modestie qui sied lorsqu'on parle de soi (Radiguet, Bal, 1923, p. 30).Les déshérités, les damnés de la terre. Ceux qui n'ont rien. V. damné ex. 4. ♦ Les enfants, les fils de la terre. Les hommes. Les Enfants de la Terre veulent actuellement que la Philosophie aide les hommes à s'enrichir (Nizan, Chiens garde, 1932, p. 167).Du fond du monde accourez tous (...), Libres pour cette extrême guerre! Les dieux grondent: Fils de la Terre. Peuples innombrables, Marteaux, Debout!... (Muselli, Ballades contradiction, 1941, p. 113). ♦ Sur la terre, sur terre. Au monde, dans le monde. J' suis seule sur la terre, M'sieu... j' n'ai personne à qui parler... personne à qui compter mes ennuyances... Je n'ai pu d' père, pu d' mère, ni frère, ni sœur, personne! (Maupass., Contes et nouv., t. 2, R. Prudent, 1886, p. 644).− On finit par oublier qu'il existe d'autres choses sur terre, dit Louis (...): « Des choses qui s'appellent la beauté, la poésie, la vérité (...) » (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 252).Nom abstr. + venu sur terre.Incarné. N'a-t-il pas dit à madame Roguin qu'il ne m'avait jamais fait d'infidélité, même en pensée. C'est la probité venue sur terre, cet homme-là (Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 7). − [Dans des tournures hyperboliques pour renforcer un superl. rel., un coll.] ♦ Le plus + adj. + de la terre, que la terre ait porté.L'homme le plus heureux de la terre; la plus charmante femme de la terre; la plus belle chose de la terre. C'était le plus grand menteur de la terre (Goncourt, Journal, 1887, p. 640).Compréhensif et magnanime, tel est le caractère officiel de la plus grande loque de père que la terre ait portée (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 173). ♦ Tous les, toutes les + subst. + de la terre.Ces deux misérables qui avaient toujours dormi sur la paille, mangé du pain noir, travaillé comme des bêtes, souffert toutes les misères de la terre, allaient mourir! (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Mis. hum., 1886, p. 651).La tortue, ce mets recherché par tous les gourmands de la terre (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 128).En partic. [Dans une tournure nég. pour exprimer que rien ne pourra changer les faits] En supposant un revers en Espagne, nous avions une révolution en France, et tous les Cosaques de la terre ne nous auraient pas sauvés (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 144).Enfin tous les alibis de la terre ne prévaudront point contre ceci: que lady Falkland et Cernuwicz se sont vus (Farrère, Homme qui assass., 1907, p. 342). ♦ [Pour exprimer une totalité, un haut degré] Verbe + la terre entière.Voilà ce qui, pour moi, vaut la terre entière. Il tira deux portraits (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 162).Subst. + de la terre entière.L'odeur pointue de la poudre et du soufre nous restait comme pour tuer les punaises et les puces de la terre entière (Céline, Voyage, 1932, p. 23). c) P. méton. L'ensemble des êtres humains; l'humanité entière. Régner sur toute la terre; soumettre toute la terre; être connu, craint de la terre entière; avoir la terre à ses pieds. Le règne de Marie-Louise a été fort court, disait l'Empereur; mais elle a dû bien en jouir; elle avait la terre à ses pieds (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 414).Celui qui, du haut de la montagne, cria vainement à la terre inattentive: « Tu ne tueras pas. Tu ne jugeras pas » (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 112). − Le ciel et la terre. Les dieux, Dieu et les hommes. Défier le ciel et la terre. Héraklès ramène Prométhée dans l'Olympe et réconcilie la terre et le ciel (L. Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 70).Gervaise trouvait honteux qu'une femme de cet âge, ayant trois enfants, fût ainsi abandonnée du ciel et de la terre (Zola, Assommoir, 1877, p. 522). ♦ Attester le ciel et la terre; prendre le ciel et la terre à témoin. La Guillaumette dut prendre le ciel et la terre à témoin de sa bonne foi, sortir la croix et la bannière et en appeler à Croquebol. (..) Bout (...) finit par être convaincu (Courteline, Train 8 h. 47, 1888, p. 138).Leurs plaidoyers différaient comme leurs tempéraments. L'un d'eux fut tragique, grandiloquent, il attesta le ciel et la terre (Vogüé, Morts, 1899, p. 293). ♦ À la face du ciel et de la terre. Au grand jour; ouvertement. Tirer la chose au clair, par-devant un tribunal de justice, tenu à la face des cieux et de la terre (Marat, Pamphlets, Relation fid. affaires Nancy, 1790, p. 251). − Exclamations ♦ Terre et ciel/cieux! Synon. plus cour. ciel!Mais, terre et ciel! qu'a donc cette union de si fatal? Dites-moi ce qui vous rend si farouche? (Borel, Champavert, 1833, p. 145).Seule, une tenture de velours cramoisi lui barrait encore le passage. Y toucher, à celle-là, terre et cieux! il n'osait pas (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 367). ♦ Au nom de la terre. [Calqué sur au nom du ciel avec l'idée de revenir aux choses plus concr.] Au nom de la Terre, un peu de bon sens et de sincérité! (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 241). 2. Monde matériel, imparfait qui est le domaine de l'homme durant son existence, s'opposant au monde divin ou à l'univers spirituel; p. méton., la vie terrestre, temporelle. Terre corrompue; terre de perdition; la terre des hommes; élever de la terre au ciel. Sur le thème plastique de la danseuse posée en arabesque, on pourrait faire des variations symboliques à l'infini; tant de choses s'y retrouvent: attachement à la terre et nostalgie du ciel − Dionysos et Apollon, − (...), spiritualisation, par le miracle de la danse, de la matière libérée de sa pesanteur (Lifar, Traité chorégr., 1952, p. 156): 2. Le dévôt superstitieux laisse la route de la réalité, de la vie, de la nature, à l'athée; et celui-ci la bouche et la barre, lui refusant toute projection vers l'infini. La terre ainsi comprise devient pour l'athée le fini absolu, le fini sans communication avec l'infini.
P. Leroux, Humanité, 1840, p. 226. − Locutions ♦ Le maître, le créateur du ciel et de la terre. Dieu. Le Dieu de la métaphysique n'est qu'une idée; mais le Dieu des religions, le Créateur du ciel et de la terre, le Juge souverain des actions et des pensées, est une force (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 99). ♦ De la terre, de cette terre (loc. adj.). Qui appartient, qui est propre à notre monde matériel. Synon. terrestre.Intérêts, passions, joies, choses de la terre. Dieu, ma chère sœur, vous a donné des richesses, il pourrait, par exemple, vous les retirer!... mais tous les biens de la terre ne sont rien, et Dieu, en nous les enlevant, nous délivre de la servitude du péché (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 145).On ne peut pas être heureux sans faire du mal aux autres. C'est la justice de cette terre (Camus, État de siège, 1948, 3epart., p. 289).Royaume de la terre. La société humaine. Celui qui n'a pas cru en mon Père, celui-là n'entrera pas dans le royaume des cieux. Celui qui n'a pas cru en sa mère, celui-là n'entrera pas dans le royaume de la terre. Toute foi me semble une duperie, toute autorité un fléau, toute tendresse un calcul (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 274). ♦ Être, tenir de la terre; avoir qqc. de la terre. Avoir les caractéristiques de notre monde matériel. La merveilleuse sérénité du visage de Morhange se fit alors telle que je ne vis plus son interlocutrice. Il n'y avait plus rien de la terre dans ce visage transfiguré (Benoit, Atlant., 1919, p. 262).On ne gouverne pas un État avec pour seule arme le chapelet. Un pape est du ciel et de la terre (...). Dieu est loin, (...) et les hommes sont proches, terriblement proches (Montherl., Malatesta, 1946, iii, 5, p. 500). ♦ Sur (la) terre, sur cette terre. Ici-bas. Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. Elle espérait que la voix de ces messieurs, plus autorisée que la sienne, que les conseils de leur vieille expérience éclairée... ramèneraient à des idées plus saines et plus pratiques... On n'est pas sur la terre pour s'amuser!... (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 15).Ah! Ah! la belle avance de vous priver sur la Terre si c'est dans l'espoir de vous rattraper au Paradis! (Salacrou, Terre ronde, 1938, iii, 1, p. 232).[Dans des expr. évoquant l'idée d'un monde futur meilleur] Règne céleste sur la terre; aménagement du royaume de Dieu sur terre; paradis sur (la) terre. Cette société idéale que les chrétiens appellent le règne de Dieu sur la terre, cette république fraternelle que nous voulons fonder (L. Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 163).La religion révolutionnaire (le socialisme) promet d'installer le ciel sur la terre. On aura la justice sur la terre (Barrès, Cahiers, t. 5, 1907, p. 115).[Dans des expr. évoquant l'existence temporelle de l'homme] Passer sur la terre; temps à vivre sur la terre. Jamais, depuis que je suis sur la terre, pareil dégoût des hommes ne m'avait étouffé! (Flaub., Corresp., 1872, p. 433).Pendant son passage sur terre il est permis à l'être humain de ne pas perdre la communication avec le monde spirituel qui est son monde véritable (Durry, Nerval, 1956, p. 154).[Pour évoquer la mort] Vivre seule, toujours seule; jamais aimée! Ô mon Dieu, ne le permettez pas! Retirez de la terre la pauvre Ourika! (Duras, Ourika, 1824, p. 123).Quand Béatrix quitta la terre, dans tout l'éclat de sa jeunesse et de la virginité, il la suivit par la pensée dans ce monde invisible dont elle était devenue l'habitante (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p. 67).[Dans des expr. évoquant la réalité p. oppos. à l'univers spirituel, intellectuel, au rêve] Avoir les pieds sur (la) terre; ramener, rappeler, retomber sur (la) terre; tomber du ciel sur la terre; se dégager de la terre; perdre terre; être retenu à la terre; tenir à la terre. Aussi Socrate, en combattant les sophistes, en couvrant de ridicule leurs vaines subtilités, criait-il aux Grecs de rappeler enfin sur la terre cette philosophie qui se perdait dans le ciel (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 50): 3. ... considérons un Descartes ou un Pascal. Nous les voyons toujours qui cherchent terre. Car les pensées de tête sont un peu trop ce qu'elles veulent; et le pouvoir de combiner, qui donne tant de plaisir aux médiocres, lasse bientôt les maîtres. Ils cherchent donc la terre du pied, et relient leurs plus hautes pensées à leurs plus petites misères, afin de faire penser le corps aussi...
Alain, Beaux-arts, 1920, p. 233. II. − Couche superficielle du globe non recouverte par les mers, les océans. A. − [P. oppos. à la mer (parfois à un lac, un fleuve) et à l'atmosphère] 1. La partie émergée de la croûte terrestre, les continents et les îles. Concentration des terres dans l'hémisphère nord; physionomie des terres émergées à une époque; relèvement des terres lors des transgressions; direction terre-mer, mer-terre des vents; courir les terres et les mers; combattre sur terre et sur mer; langue de terre s'avançant dans la mer. Le dieu qui peuple l'air d'oiseaux, la terre d'animaux, les ondes de reptiles (Volney, Ruines, 1791, p. 21).Chaque semaine, un grand oiseau blessé, une mouette ou un corbeau, venant du large ou de la terre, se faisait prendre (Queffélec, Recteur, 1944, p. 100). ♦ [P. oppos. à de mer, de l'air] Armée, forces de terre. Armée, forces, puissance qui est/sont destinée(s) à combattre sur terre. Les forces navales françaises libres (...) se présenteront devant Beyrouth dès que les forces de terre auront franchi le col de Sofar (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 394).[P. méton.] Le Surcouf est en route pour vous rejoindre. Plusieurs officiers de terre également (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 522). − [À propos de voies de commun. et, p. méton., de transp., de véhicules] La jeune École (...) se tourne vers l'Orient, vers les pays de grand soleil, dont toutes les routes de terre et de mer conduisent en Grèce (Lemaitre, Contemp., 1885, p. 143).L'intense circulation routière de la fin du Moyen Âge explique que la voie de terre ait été préférée à la route d'eau, si couramment utilisée pendant l'Antiquité (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p. 73). ♦ Par (voie de) terre. Par la route. Aller aux Indes par terre; transport par terre; voituriers par terre et par eau. Autant dire à un homme qui aurait dépensé tout son avoir à gréer un bâtiment: « Faites le voyage par terre » (Karr, Sous tilleuls, 1832, p. 185).Notre mer offre un bassin bien circonscrit dont un point quelconque du pourtour peut être rejoint à partir d'un autre en quelques jours, au maximum, de navigation en vue des côtes et, d'autre part, par voie de terre (Valéry, Variété III, 1936, p. 247). − [Dans le lang. des marins en partic.] ♦ Loc. verb. Chasser, chercher la terre. Essayer de la découvrir. Apercevoir la terre. Perdre terre. Perdre de vue la terre. Raser, côtoyer, ranger, élonger la terre. Naviguer près des côtes. Mettre cap à terre, gagner la terre, tirer un bord à terre. S'en approcher. Aller, descendre à terre. Quitter le bord. Prendre terre. Aborder. Aller à terre avec une longue-vue. ,,Rester à bord, le navire étant au mouillage`` (Gruss 1978). ♦ Loc. nom. Mise à terre. Débarquement. Des paquebots « trans-Manche », aménagés en transports d'infanterie (...) et porteurs de chaloupes de débarquement pour la mise à terre de ce personnel (Le Masson, Mar., 1951, p. 53).Brise, vent de terre. Brise, vent qui souffle de la terre vers la mer. Quand le seul empêchement vient du vent de terre, notre navire doit l'avantage surtout à l'étendue de ses nageoires (Maizière, Nouv. archit. nav., 1853, p. 64).Comme celui qui se dévêt à la vue de la mer, comme celui qui s'est levé pour honorer la première brise de terre (Saint-John Perse, Exil, 1942, p. 218).Homme, équipe, bordée de terre. Homme, équipe qui travaille à terre. Les buissons touffus des mâtures de la flotte atterrie dépassaient le quai. Les hommes de terre halaient avec moins de peine, aidés par l'eau plus haute qui rapprochait d'eux les bateaux (Hamp, Marée, 1908, p. 21).Gens de terre. Ceux qui vivent à terre, ne sont pas marins. Laver le pont quand les lames déferlent dessus, cela semblerait une opération très insensée à des gens de terre (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 148). ♦ La terre ferme. Le continent (v. aussi infra II C 1 a). Les îlots sur lesquels avaient été déposés par les pirates eux-mêmes un germe de villes, entrèrent en contact avec la terre ferme et s'y rattachèrent même artificiellement (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 170).Vers 1625 avant J.-C., la civilisation minoenne de la Crète fut transplantée sur la terre ferme; ainsi se forma la civilisation dite mycénienne (Haddon, Races hum., trad. par A. Van Gennep, 1930, p. 119).[Dans des nom géogr.] Terre-Ferme. ,,Amérique du Sud espagnole du xvieau xviiies.`` (Lar. encyclop.). Les productions les plus communes du Mexique, du Pérou, du Brésil, de la Guiane, de la Terre-Ferme d'Amérique et des îles innombrables qui avoisinent leurs rivages (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 295).États de Terre(-)Ferme. Provinces de la République de Venise en Italie péninsulaire. Je dictais le passage sur la Venise de terre ferme (Du Bos, Journal, 1927, p. 181). ♦ La grande terre. Continent, île importante. De l'autre côté des lagunes, c'était la grande terre (Mille, Barnavaux, 1908, p. 95).Sous divers prétextes, et parfois, sans prétexte, ils demandaient une barque pour les conduire au continent et, quitte à être malades pendant la traversée, ils gagnaient la grande terre, d'où ils ne revenaient qu'au bout de plusieurs jours (Queffélec, Recteur, 1944, p. 16). ♦ L'intérieur des terres (p. oppos. au littoral). Il est avantageux, pour réduire les frais de transport que les ports soient situés le plus loin possible à l'intérieur des terres (M. Benoist, Pettier, Transp. mar., 1961, p. 183). ♦ Par les terres. Par l'intérieur des terres. Nous étions descendus en Armagnac par les terres. M. Rezeau se laissa convaincre de remonter par les côtes (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 159). ♦ Exclam. Terre! [Cri de la vigie qui aperçoit la terre] Le matelot de vigie cria: « Terre à bord! » − Déjà? dit Benoît en montant sur son banc de quart. − Je ne me croyais pas si près des côtes (Sue, Atar-Gull, 1831, p. 4).P. anal. Une voix forte se fit entendre: « Terre! Terre! » Le ballon (...) avait, depuis l'aube, franchi une distance considérable (...) et une terre assez élevée venait, en effet, d'apparaître (Verne, Île myst., 1874, p. 6).P. métaph. Où est le temps où j'entendais une voix en moi crier « Terre » dès que tu apparaissais (Camus, État de siège, 1948, 2epart., p. 259). − ZOOL. Courlis de terre.
Œdicnème. V. ce mot ex. 2. Une île, des îles, une partie du continent. L'aspect de Longwood ne saurait être agréable qu'au voyageur fatigué d'une longue navigation, pour qui toute terre a des charmes (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 252).Il fallait, coûte que coûte, marcher droit contre le vent, à cause de terres douteuses qui pouvaient être là, derrière nous (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 131). − MAR. Terre de beurre. ,,Nuage voisin de l'horizon donnant l'illusion d'une terre`` (Gruss 1978). Terre sous le vent. ,,Terre vers laquelle souffle le vent`` (Gruss 1978). B. − Partie limitée de cette surface. 1. Contrée, pays, région déterminée, considérée du point de vue de certaines de ses caractéristiques. On chasse nos frères, s'écrièrent les enfans de Mahomet: on outrage le peuple du prophète! des infidèles occupent une terre consacrée, et profanent les temples de l'Islamisme (Volney, Ruines, 1791, p. 80).Sa pensée, un moment, s'égara vers ces terres lointaines qu'il ne verrait jamais, l'Azaouad, le Tafilalet, l'Iguidi, là-bas, dans les profondeurs du désert (Psichari, Voy. centur., 1914, p. 46).Ce bonnet était pour elle quelque chose d'infiniment précieux (...), peut-être comme emblème du village, comme symbole de la patrie, comme insigne des filles d'une terre adorée (A. France, Pt Pierre, 1918, p. 222). SYNT. Terre exotique, australe, boréale; terre de culture, de forêts, de pâturage; terre de la liberté, de l'honneur; terres de mission; la terre d'Afrique, de France, d'Irlande, de Bretagne; terre autrichienne, française, italienne, polonaise; conquérir une terre. ♦ Terre nouvelle. Terre que l'on découvre. Au XVIesiècle, là fut la pépinière des plus entreprenants découvreurs de terres nouvelles (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 375).P. métaph. On ne découvre pas de terre nouvelle sans consentir à perdre de vue (...) tout rivage. Mais nos écrivains craignent le large; ce ne sont que des côtoyeurs (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1214). ♦ Terre inconnue. Terre qui reste à découvrir. Des hommes intrépides (...) avaient reculé pour l'Europe les bornes de l'univers, lui avaient (...) ouvert des terres inconnues. Gama avait pénétré dans l'Inde (...) Colomb (...) avait atteint ce monde jusqu'alors inconnu, qui s'étend entre l'occident de l'Europe et l'orient de l'Asie (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 121).P. compar. Si mes premières années sont en arrière de moi comme une terre inconnue, ce n'est pas par une défaillance fortuite de la mémoire et faute d'une exploration complète: il n'y a rien à connaître dans ces terres inexplorées (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 399). ♦ Terre natale, maternelle, paternelle. Pays, région d'origine. Émigré malgré lui, jamais il ne la fit contre nous [la guerre], sachant trop ce qu'il devait à la terre natale, et qu'on ne peut avoir raison contre son pays (Courier, Pamphlets pol., Réponses aux anon., 1, 1822, p. 152).À voir quelle douleur minait à la longue un homme toujours séparé de la terre maternelle, je me sentis une grande hâte de connaître et d'adorer la mienne (Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p. 179).Cette vieille tradition: défendre la terre de nos morts, accomplir la destinée de notre pays (Barrès, Cahiers, t. 11, 1917, p. 268). ♦ Terre étrangère, d'exil. Terre où l'on n'a pas ses racines. Oh! mon Roi! Vous que j'avais vu sur la terre étrangère, je vous ai revu sur cette même terre où vous alliez mourir! (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 289).Un mort, cela ne peut plus souffrir: qu'importe désormais si son séjour en terre d'exil se prolonge plus ou moins? (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 241). ♦ Terre(-)Sainte. La Palestine. Synon. terre promise*, terre de promission*.Il était très heureux (...) d'être enveloppé à son dernier soupir et enseveli dans le manteau qu'il avait rapporté de son pèlerinage en terre sainte, et qui avait touché le Tombeau (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 308).Sur un petit point du globe, l'extraordinaire aventure palestinienne, l'effort héroïque de pionniers qui tentent de rendre la vie à la Terre-Sainte, la terre historique et légendaire (Weill, Judaïsme, 1931, p. 6). − HIST. JUIVE. Terre de servitude. L'Égypte. Comme le peuple d'Israël dans la terre de servitude: Nous crions vers vous, Seigneur (Lamennais, Paroles croyant, 1834, p. 182). − [Dans des nom géogr.] Terre-de-Bas, Terre-de-Haut (archipel des Saintes); Basse-Terre, Grande-Terre (Guadeloupe); Terre-Neuve, Terre de Baffin (Canada); Terre Adélie, Terre de Graham, Terre de la reine Maud (Antarctique). Vers le milieu du Secondaire la bordure américaine du Pacifique se soulèvera, des Aléoutiennes à la Terre de Feu (Combaluzier, Introd. géol., 1961, p. 151).Ces services météorologiques sont implantés dans les départements et territoires ci-après: Antilles-Guyane, Réunion (...), terres australes et antarctiques françaises (Amsterdam, Crozet et Terre Adélie) (Météor. fr., 1963, p. 14). − Un coin de terre. Région, petite partie d'un pays. Jacques était partagé entre la joie de ramener son frère (...) et le regret d'abandonner ce coin de terre. Il avait connu chez les Soudanais un sentiment inéprouvé (Vogüé, Morts, 1899, p. 268). 2. Étendue délimitée, considérée comme un bien, généralement exploitée. Synon. domaine, propriété* foncière.Vivre dans une terre avec Madame de Chasteller et faire produire à cette terre les douze ou quinze mille francs nécessaires à notre luxe modeste! (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 368).Tous ses revenus passaient en achats de terres; c'est ainsi qu'il en était arrivé (...) à reconstituer dans son intégrité l'ancien domaine de La Seiglière (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 76). ♦ Nom de terre. Beaucoup de familles nobles abandonnent leur patronyme pour ne porter que le nom de terre, le fief étant par définition le signe de la possession féodale (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 737). SYNT. Acheter, acquérir, affermer, démembrer, exploiter, partager, tenir une terre; posséder une/des terre(s); confisquer, remembrer des terres; vente des terres des émigrés; se retirer, vivre (retiré) dans ses terres; bail, revenu, produits d'une terre; une terre de n hectares, de n francs; une belle, une bonne terre; une terre magnifique. − En partic. Partie d'un domaine en cultures. Son héritage était en propriétés, des terres, des prairies, des bois, des fermes (Zola, Nana, 1880, p. 1455). − [Avec déterm. évoquant le possesseur, le régime de propriété] Terre du roi, d'un prince, des Rohan, d'évêché; terre impériale, seigneuriale, ecclésiastique, communale, des communaux. L'égalité est le principe de l'art de l'agri mensor romain. S'il ne partage d'abord que les terres patriciennes, c'est qu'alors il n'y a point d'autre propriété (Michelet, Journal, 1831, p. 79).Avec la féodalité disparurent la distinction entre terres nobles et terres roturières, la hiérarchie des fiefs et leurs coutumes (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p. 556). ♦ Terre allodiale, bénéficiaire, franche, salique. Les cultivateurs conservaient libres les terres qui leur avaient été concédées et qu'on appelait terres de franc-alleu (Nerval, Filles feu, Angélique, 1854, p. 553).Celui qui tient en héritage, sur terre de main-morte, la dernière héronnière (Saint-John Perse, Exil, 1942, p. 227). − [Avec déterm. évoquant l'orig.] C'est là, dans cette terre familiale, que s'était retiré le lieutenant Jacquemin (R. Bazin, Blé, 1907, p. 128).Quand il avait pris possession de la terre ancestrale, puis à la naissance de son fils, un sentiment de durée, de plénitude, l'avait pénétré (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 94). − Proverbe, vieilli. Abandonner la terre pour le cens*. Qui terre a, guerre* a. − Expr. Chasser* sur les terres de qqn. C. − Étendue quelconque de la surface solide du globe. Synon. sol1, terrain. 1. a) Sol considéré dans sa nature, son aspect, sa consistance. Terre blanche de neige, boueuse, durcie, gelée, glissante, inondée; la terre gèle, boit, frémit, s'ouvre, rayonne, croule, se dérobe sous les pas. Elle s'écrase contre le sol, elle sent sur sa poitrine et sur ses joues l'âcre fraîcheur de la terre (Bernanos, Joie, 1929, p. 683).Loess des grandes terres jaunes de la Chine (Brunhes, Géogr. hum., 1942, p. 134). De l'autre côté du Rhône (...) il y avait de la terre vallonnée et des vergers (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 213). ♦ Terre basse. Plaine, vallée. La terre de la Louisiane étant basse occasionne en quelques endroits un peu trop de vase (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 345).Terre haute. Plateau, montagne. Les hautes terres du Mexique. En face de nous, c'était la rade (...) ceinte par des terres hautes, des collines pareilles à celles qui se dressent au-dessus de la ville (Mille, Barnavaux, 1908, p. 53). − Au fig. La terre manque sous les pas, les pieds. V. manquer II A 2 b. − Terre ferme. Sol qui ne se dérobe pas sous les pas, qui n'est pas marécageux. Malhabile encore à mesurer les distances, ou prenant pour de la terre ferme le flottant tapis de fleurs, elle a perdu pied brusquement (Gide, Symph. pastor., 1919, p. 926).[P. oppos. à l'air] Ce fut également en France, grâce à Ader, que le premier [appareil] plus lourd que l'air quitta la terre ferme (Industr. aéron. fr., 1962, p. 4).Au fig. Terre ferme. Ce qui est solide, sûr. Il y a une heure à attendre encore avant de la questionner, avant de relier cet incident dérobé à la terre ferme de nos conversations, de notre confiance (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 175). b) Sol en tant que support, surface d'appui, niveau de référence, constitué de terre ou de toute autre matière. Baiser la terre; terre de fleurs. Nous sommes les deux vivants faisant tache dans ce lieu illusoire et vaporeux, ce village qui jonche la terre, et sur lequel on marche (Barbusse, Feu, 1916, p. 170). − Loc. verb. Mesurer* la terre. Raser* la terre. ♦ Au fig. Mettre, traîner plus bas que terre. Dénigrer. Sitôt que nous sommes devenus grands, voilà que nous nous rebiffons contre eux [les instincts], que nous les étouffons, que nous les traînons plus bas que terre... Nous ne savons qu'inventer pour les déprécier (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 199).J'aimais mieux, tiens, l'autre, ce garçon que tu mets à présent plus bas que terre... − Oh! maman!... Un imbécile! (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 16).Mettre plus haut que terre. Idéaliser. Agathe situait Paul plus haut que terre (Cocteau, Enfants, 1929, p. 139). ♦ Soulever de terre. Élever au-dessus du sol. Dans un transport qui toucha les deux mères, la jeune Alphonsine me souleva de terre, me pressa sur son cœur et me couvrit de baisers (A. France, Pt Pierre, 1918, p. 22).Au fig. Mettre dans un état d'exaltation. Ils ne sentaient plus le froid, ces ardentes paroles les avaient chauffés aux entrailles. Une exaltation religieuse les soulevait de terre, la fièvre d'espoir des premiers chrétiens de l'Église (Zola, Germinal, 1885, p. 1380).Ce qui me gonflait, ce qui me soulevait de terre, c'était l'enthousiasmante assurance d'avoir été célestement désigné par l'oiseau. Déjà j'étais enclin à me croire une vocation (Gide, Si le grain, 1924, p. 478). ♦ Reprendre terre, toucher terre. (Re)prendre contact avec le sol. Suspendu par les mains, les jambes ballantes cherchèrent la treille, retrouvèrent son appui rugueux. Il se laissa glisser sans bruit, reprit terre (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 47).Il agitait ses bras courts, comme s'il eût voulu aider l'avion. Celui-ci toucha terre, s'infléchit, accrocha l'extrémité d'un plan et cela sans capoter (Malraux, Espoir, 1937, p. 478). ♦ Au fig. Ne pas toucher terre. Perdre contact avec la réalité. Capus ne touche plus terre. Il marche à dix centimètres, au moins, du sol. Il fait pour Micheau une pièce qui passera dix jours après La Veine (Renard, Journal, 1901, p. 646).Perdre terre. Même sens. Les flots de sensations nouvelles produites par un succès si étonnant faisaient un peu perdre terre au bon sens de M. Leuwen (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 312). − Bas de terre, près de terre. [En parlant d'un animal] Ayant des pattes courtes. D'admirables chevaux paissent là, partout, de ce modèle appelé hunter, massif, ramassé, près de terre, à l'ossature carrée (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 181).Haut de terre. Élevé au-dessus du sol. Le longiligne est étroit dans l'ensemble, avec des membres très longs et un tronc démesurément court. À quatre pattes, il est « haut de terre » comme le lévrier (Mounier, Traité caract., 1946, p. 216). − À fleur de terre; à/au ras de terre; à rase terre, rez de terre, rez-terre. Au niveau du sol. Tout au bout de cette allée vous rencontrerez un puits à rase terre (Borel, Champavert, 1833, p. 218).La souche devra par ailleurs être recépée rez-terre pour faciliter l'affranchissement des rejets (Cochet, Bois, 1963, p. 130). − À terre, par terre. Sur le sol. À genoux par terre; écouter l'oreille à terre; frapper un homme à terre. À terre, il y avait, comme dallage, des carreaux blancs et roses (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 653).On apercevait, par terre, des programmes froissés, des tickets de métro (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 263).Ventre* à terre. À plate terre. V. plat1II B 2 b. ♦ [Avec des verbes indiquant une position, un mouvement] L'éclatement formidable d'un obus le jeta par terre (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 65).Il me sembla que la respiration me manquait, je vis tournoyer la maîtresse de classe et sa petite tribune, et je glissai doucement du banc à terre (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 103). SYNT. (Se) coucher à/par terre; s'allonger, s'étendre par terre; étendre, poser qqc. à/par terre; étaler des choses par terre; assis à/par terre; accroupi par terre; jeter, laisser/faire tomber qqc./qqn à/par terre; rouler, tomber (de tout son long) à/par terre; se ficher par terre; sauter à/par terre; rideau, robe qui traîne presque à/par terre; mettre pied, genou à terre; pendre jusqu'à terre. Laver par terre. Laver le sol. C'est moi qui fais tout! Malgré l'état où vous me voyez!... Je me décarcasse! Je lave par terre! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 490).Regarder à terre. Loc. adj. Regard, œil, nez à terre. En direction du sol, en baissant la tête. Je bafouillai, le nez à terre (Gyp, loc. cit.). Il avait baissé les paupières et ce fut à lui désormais de tenir ses regards à terre (Vercors, Sil. mer, 1942, p. 69).Jeter, flanquer qqc. à/par terre. Abattre, détruire. On devait flanquer les vieilles cambuses par terre et faire du moderne (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 624).Être à/par terre. Être détruit. Brest est par terre aujourd'hui et j'ai peine à imaginer la masse énorme de ses décombres (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 57).[En parlant d'un inanimé abstr.] Il vit tous ses plans par terre: faudrait-il donc se contenter d'une simple amitié? Tout semblait remis en question (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 92).Vous flanquez brutalement du premier coup mes déductions par terre (Bernanos, Crime, 1935, p. 844).♦ Loc. fig. Avoir, garder les pieds par/sur terre. Être dans le réel, le concret. Mon frère, en ces temps troublés, dans ses plus graves débordements, il gardait toujours un peu les pieds sur terre (...). Il était méditatif, « posé », pensif et sensé (Bayon, Le Lycéen, Paris, Quai Voltaire, 1987, p. 45).Ses pieds ne touchent plus à terre. Il a perdu contact avec la réalité. Ils avaient oublié le reste du monde, et leurs pieds ne touchaient plus à terre. Tout entiers à la joie de s'aimer, ils commettaient de ces terribles étourderies (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 112).Ne pas tenir à terre. Ne pas tenir en place par impatience. Charles d'Este ne tenait pas à terre, d'impatience; il grondait, hâtait ses gens (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 208).À ras de terre. Qui touche au concret, sans grande envergure. En juin dernier, M. André Bettencourt a proposé une série de mesures « à ras de terre » (L'Express, 11 juill. 1977, p. 95, col. 1). ♦ Spécialement CHASSE. [Le suj. désigne un chien de chasse] Mettre le nez à terre. Suivre la voie. Il pencha la tête et réfléchit comme un limier qui met le nez à terre pour être juste à la voie (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 568).LUTTE. La plupart des parades de ces différentes prises à terre s'exécutent en fléchissant les bras, en s'écrasant au sol ou en s'allongeant sur le ventre (R. Vuillemin, Éduc. phys., 1941, p. 178).Dans la lutte à terre, c'est-à-dire lorsqu'un des adversaires se trouve à quatre pattes, si l'autre s'empare d'un de ses bras, c'est un ramassement de bras (Comment parlent les sportifsds Vie Lang.1954, p. 375).DANSE. Depuis l'origine, on distingue deux grandes parties dans la danse: la danse terre à terre ou à terre et la danse d'élévation ou aérienne (Brillant, Probl. danse, 1953, p. 97). − Contre terre. Se prosterner, tomber face contre terre. Il trébucha dans son sabre, et donna du nez contre terre (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 85).L'adjudant s'était couché, l'oreille contre terre et écoutait, les yeux fermés (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 159). − Dans la terre, en terre. Dans l'épaisseur du sol. En Espagne, l'habitat dans la terre est pratiqué à Guadix (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 152).On le plantait alors [le chemin] de ses arbres; ils sont nos contemporains. Nous les avons presque tous aidés à ficher en terre (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 71). ♦ (Mettre) le/un genou, le nez en terre. Vers le sol, sur le sol. Brusquet, le nez en terre et la queue frétillante, indiquait le gibier à son maître (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 181).Ils en aperçurent sept à la file, le genou en terre, l'arme à l'épaule, frappés comme ils tiraient (Zola, Débâcle, 1892, p. 422). − Sous (la) terre. Dans l'épaisseur du sol, au-dessous de la surface du sol. Des galopades, sous la terre ébranlaient les talus sablonneux (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 241).D'énormes racines (...) ont remué et mis au jour deux, trois blocs de pierre d'un monument antique enfoui sous terre (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 105). ♦ Au fig. Rentrer sous terre. Vivre dans la clandestinité. Le parti communiste et prolétarien, ayant perdu la liberté de la presse et la liberté de réunion (...) fut réduit à rentrer sous terre et à s'organiser en sociétés secrètes (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 35).Vouloir rentrer/être sous terre. Désirer, disparaître par honte, par gêne. Se plantant droit devant Arcangeli, qui, les yeux baissés et transi, aurait bien voulu être sous terre, il lui dit, d'une voix étranglée de furie: − Sortez, impudent coquin! (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 188).Vouloir rentrer/être à six/cent pieds sous terre. V. pied 2eSection I. − Sur (la) terre. Sur la surface du sol. Se coucher, dormir, s'étendre sur la terre. Une pluie douce tombe sur la terre (Lamennais, Paroles croyant, 1834, p. 224).Je couchai cette nuit sur la terre (...), et malgré l'humidité, je dormis bien (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 62).Au fig. Avoir les pieds sur terre. V. pied 1reSection I B 1 c β. − Vers la terre. En direction du sol. Pencher, courber vers la terre; regard vers la terre. L'âge s'accumule et le courbe vers la terre (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 210).Mouque et Bonnemort, le nez vers la terre, gardaient au milieu du tumulte un silence de profonde approbation (Zola, Germinal, 1885, p. 1262). c) ÉLECTR. Le sol en tant qu'il constitue une masse électrique, dont le potentiel est supposé nul; p. ext., tout conducteur relié au sol par une impédance négligeable. En cas de rupture à l'un des fils de ligne (...) on pouvait toujours assurer le fonctionnement avec l'autre fil et la terre comme conducteur de retour (Soulier, Gdes applic. électr., 1916, p. 124).Une valeur anormale [de l'intensité du courant] indique un défaut dans les postes ou la ligne. À l'émission. − Le galvanomètre indique une intensité plus forte: il y a perte à la terre sur la ligne (A. Leclerc, Télégr. et téléph., 1924, p. 129). ♦ Prise de terre. Borne électrique, constituée par une grande surface métallique enfouie dans le sol à une profondeur suffisante pour que l'humidité maintienne la conductibilité (d'apr. Électron. 1963-64). Les appareils de grande puissance et tous ceux qui sont utilisés en milieu humide (...) doivent obligatoirement être reliés à la terre par une prise de terre, afin d'éliminer tout risque d'électrocution (Bonnel-Tassan1966). ♦ Brancher, mettre à la terre. Relier à une prise de terre. À cette heure, la Tour Eiffel envoie ses messages. Si je tendais un long fil de cuivre bien isolé, et si j'en approchais un autre fil mis à la terre, j'aurais peut-être une petite étincelle à chaque onde (Alain, Propos, 1914, p. 181). 2. a) Étendue de sol meuble où poussent les végétaux, utilisée pour les cultures (v. aussi infra III A). Aurelle (...) admirait les bois, les calmes villages, le poil jaunissant de la terre (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p. 251): 4. ... il prenait de plus en plus sur sa gauche, il se serrait à la chaîne qu'il venait de franchir (...); − dans de la rocaille et des neiges, puis de la glace, puis des cailloux; puis la terre a recommencé à se montrer, la terre a recommencé à être d'une belle couleur verte dans les pâturages...
Ramuz, Gde peur mont., 1926, p. 200. SYNT. Terre abondante, aride, appauvrie, avare, boisée, inculte, en friche, fertile, cultivable; bonne terre; la terre fleurit, verdoie, se couvre de fleurs, nourrit les hommes, s'épuise; terre de châtaigneraies; terre(s) à blé, à vigne, à sucre; terre d'élevage, de pacage; terres maraîchères. ♦ La graisse* de la terre. ♦ Les fruits de la terre. Ce qu'elle produit. L'usufruitier d'un domaine recueille, pendant toute la durée de l'usufruit, les fruits naturels ou industriels de la terre, ceux qu'elle produit spontanément et ceux qu'en obtient la culture (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 164). ♦ [Dans des noms de plantes et de racines comestibles] Pomme de terre. V. pomme de terre.Noix de terre. Synon. terre-noix.La noix de terre, la patate sauvage, le capillaire, l'oseille sauvage (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 173). ♦ Sortir de terre [Le suj. désigne un végétal] Apparaître à la surface au cours de la croissance. M. Lorrain (...) vint se mettre à deux genoux devant le jardin pour voir si son oseille sortait de terre (Karr, Sous tilleuls, 1832, p. 235).[Le suj. désigne un animal] Cet immense bourdonnement des insectes, qui sortent de terre aux premiers beaux jours, se fit entendre pour la première fois à ses oreilles (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 48).P. anal. Il surgirait de terre à la station Saint-Paul, dans les parages mêmes du rendez-vous (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 215).P. ext. Apparaître soudain. Ah! c'est cruel, Champavert, de haïr ainsi une femme, et puis de sortir de terre comme un démon, deux ou trois fois l'année, pour venir lui mentir, lui dire qu'on l'aime (Borel, Champavert, 1833, p. 235).Au fig. Naître, apparaître. Un art hybride et convulsif sort de terre, un peu débile, mais si étincelant d'ardeur qu'il trace d'un élan un sillon ineffaçable (Faure, Hist. art, 1912, p. 272). ♦ Ver* de terre. ♦ Terre vierge. Sol qui n'a jamais été cultivé. Des hommes nouveaux étaient venus, qui voulaient défricher les terres vierges (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 578).P. anal. L'Algérie était donc, au point de vue de la législation des mines, terre vierge (Chardon, Trav. publ., 1904, p. 334). ♦ Terre vague. Terrain non exploité. Presque toutes les concessions faites aux monastères, dans les premiers siècles de l'Église, étoient des terres vagues que les moines cultivoient de leurs propres mains. Des forêts désertes, des marais impraticables, de vastes landes, furent la source de ces richesses que nous avons tant reprochées au clergé (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 540). ♦ En pleine terre. Dans le sol. Dès que la terre se réchauffait, on pouvait voir l'infirme (...) transplanter des pots en pleine terre les boutures ou les plants (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 60). ♦ Terre brûlée*. ♦ Expressions La terre est basse. Les travaux agricoles sont pénibles. Oh! celui-là, on ne le tiendra pas souvent ici. La terre est trop basse; c'est bon pour nous (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 252).« Qu'est-ce que c'est, la Légion? − C'est des régiments où on prend tous ceux qui savent plus où se mettre. Des gars qui trouvent que la terre est trop basse pour travailler » (A. Sylvère, 1950ds Cl. Duneton, Bouquet des expr. imagées, Paris, Éd. du Seuil, 1990, p. 453).Trouver terre rase et maison nette. Ne rien trouver. Napoléon, arrivant à la souveraine puissance, trouva donc, ainsi qu'on le dit vulgairement, terre rase et maison nette, et put composer une cour tout à fait à son gré (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 396). − [Dans des empl. évoquant le travail de l'homme] Amender, ameublir, biner, cultiver, défricher, labourer, piocher, sarcler la terre; planter une terre de; mettre des plants en terre; rotation des terres; terre abandonnée à elle-même; le dur travail de la terre; servitude du travail de la terre. Il y a entre le paysan propriétaire et la terre qu'il travaille échange de substance et de force (...). L'homme fait la terre et la terre fait l'homme (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 243).Un paysan (...) jette le grain là où il lèvera, et ne dépense pas son effort à ensemencer une terre qui lui rendra des chardons (Aymé, Jument, 1933, p. 24). ♦ Métiers, travaux de la terre. Diverses activités agricoles. Toute l'Antiquité classique distingue comme principaux métiers de la terre le labourage et la plantation (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 135).À l'époque des grands travaux de la terre, pendant la fenaison, la moisson, les vendanges, il allait aux champs avec les siens (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 176). ♦ Remueur de terre. Laboureur. Il songea qu'il avait toujours été seul, que personne dans le monde (...) n'avait aimé le pauvre remueur de terre et faucilleur de blé qu'il était (R. Bazin, Blé, 1907, p. 87). ♦ Carré, planche de terre. Parcelle d'un champ, d'un jardin. Il jeta un coup d'œil aux planches de terre, pour juger de la main du laboureur et du semeur (R. Bazin, Blé, 1907, p. 96).Elle baissa les yeux et vit les carrés de terre, avec leurs semis et leurs jeunes pousses (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 163). ♦ Région. (Canada). Faire de la terre. Défricher le sol pour le cultiver. Nous allons faire de la terre... Faire de la terre! C'est la forte expression du pays, qui exprime tout ce qui gît de travail terrible entre la pauvreté du bois sauvage et la fertilité finale des champs labourés et semés (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 39). − P. métaph. ou au fig. Du peuple il faut toujours, poëte, qu'on espère, Car le peuple, après tout, c'est de la bonne terre, La terre de haut prix, la terre de labour (Barbier, Ïambes, 1840, p. 156).Je vous défie de pénétrer l'essence profonde d'une sonate ou d'un quatuor de Beethoven, si vous n'avez au moins la subcon-science de la tragédie intérieure, − de cette terre puissante et chaude, dont la musique est la fleur (Rolland, Beethoven, t. 1, 1937, p. 22). b) Le sol en tant qu'objet de possession. Acheter de la terre, des hectares, des arpents de terre. Il souligne l'influence du genre de vie des riches. S'ils consomment de la terre (parcs, chasses, chevaux) pour leur plaisir direct, ils éliminent des hommes (Hist. sc., 1957, p. 1607).Dans les régions où la société traditionnelle est le mieux conservée, la possession de la terre demeure la source et le signe de la puissance des grands comme l'objet de la convoitise des petits (Traité sociol., 1967, p. 325). ♦ (Petit) lopin de terre. Les blancs sont arrivés. Et alors ce n'est plus la même chose, il y a eu Tom, Jack, Dick, chacun avec son petit lopin de terre à lui (Claudel, Échange, 1954, i, p. 733). c) P. méton. Les travaux agricoles, la nature, la campagne. Aimer la terre; la terre manque de bras. Nous allions les regarder avec ma mère, ces drôles de paysans s'acharner à fouiller avec du fer cette chose molle et grenue qu'est la terre, où on met à pourrir les morts et d'où vient le pain quand même. « Ça doit être bien dur la terre! » qu'elle remarquait chaque fois (Céline, Voyage, 1932, p. 121). ♦ Retour* à la terre. ♦ Hommes, gens de la terre. Les paysans, les ruraux. C'est un appel qui vient de Paris, aux travailleurs de la terre!... Après les ouvriers de l'usine on va enrôler les travailleurs de la terre (R. Bazin, Blé, 1907, p. 106).À leur aise... Il faut avoir besogné durement de l'aube à la nuit avec son dos et ses membres pour comprendre ce que cela veut dire; et les gens de la terre sont ceux qui le comprennent le mieux (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 40). 3. Sol où l'on enterre les morts dans de nombreuses civilisations. Pourrir dans la terre. Exultez, avant que l'heure vous rappelle au sein de la terre (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 383).Écoute, Félicité, l'argent et le magasin nous ne l'emporterons pas sous la terre. − Bien sûr, qu'elle me dit. − Et si nous faisions un petit? (Pagnol, Fanny, 1932, ii, 6, p. 136). ♦ Mettre, porter en terre. Enterrer. Si ma mère (...) ne m'avait pas construit avec solidité, j'étais un homme à mettre en terre (About, Roi mont., 1857, p. 236).Ah! Raboliot, mauvais diable, c'est sûr que tu me porteras en terre! (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 56). ♦ Être dans/sous la terre, retourner à la terre. Être mort, mourir. La grâce adorable des êtres qui, retournés à la terre depuis des siècles, frémissent sur la toile de jeunesse et de vie (Mauriac, Journal 2, 1937, p. 162).Le vieux est depuis bientôt quarante ans sous la terre et c'est lui, Martial, à son tour, le vieux (Bernanos, M. Ouine, 1943, p. 1432). ♦ Terre bénite, chrétienne, consacrée, sainte. ,,Terre préparée par les bénédictions du prêtre à recevoir les corps des fidèles`` (Marcel 1938). Le fantôme resterait là, jour et nuit, autour de l'auberge, tant que le corps du vieux guide n'aurait pas été retrouvé et déposé dans la terre bénite d'un cimetière (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Aub., 1886, p. 1082).Elle s'agenouillait et offrait de donner n'importe quoi pour que son homme, après sa mort, reposât en terre chrétienne (Queffélec, Recteur, 1944, p. 223).Les nains, on en a enterré une bonne douzaine au cimetière du couvent et cela n'a pas été une petite affaire de les faire inhumer en terre sainte; il a fallu d'abord les exorciser (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 156). 4. Sous-sol dont on extrait des combustibles. Les Anglais ont adopté la dénomination de racine latine petroleum. Le mot allemand Erdol correspond à huile de terre (Chartrou, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 3).Charbon* de terre. III. − Substance formant la partie superficielle du globe. A. − 1. Matière friable, de composition variable, provenant de la dégradation des roches et de la décomposition des débris végétaux et animaux; au plur., une certaine quantité de cette matière. [Il] ouvrit la boîte; elle contenait du sable grisâtre... − C'est la terre de Sainte-Hélène? dit-il religieusement (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 190).La rivière était rouge de terres entraînées par la crue (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1907, p. 301). SYNT. Terre d'un chemin, d'une allée; extraire de la terre; recouvrir de terre; rejeter la terre dans un fossé; transporter de la terre; enlever des terres; soutenir des terres par un mur; la terre cède sous le pied, s'éboule; être souillé, plein de terre; mains noires de terre; brouettée, charretée, pelletée de terre; couche de terre; motte de terre; monticule de terre; banquette, digue en terre; chemin, levée de terre; sac de terre. ♦ [P. réf. à la Genèse] Il n'est pas d'absurdités que les philosophes modernes n'aient dévorées, plutôt que de supposer l'homme sorti primitivement des mains du créateur, formé dans son corps d'élémens terrestres, puisque son corps se résout en terre, animé d'un esprit non égal, mais semblable à l'esprit divin (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 278).Comme il se voyait exclu de l'assemblée des anges, il ne put soutenir que l'homme, formé de terre, soit élevé à la dignité des anges (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 360). ♦ [Dans les rites funéraires, p. allus. à la mort] Avec une petite pelle, chacun jette dans la fosse un peu de terre, d'une terre qu'un employé des Pompes funèbres tient sur un plateau (Renard, Journal, 1901, p. 697).Cette ombre de ton frère condamnée à errer toujours si on ne jette pas sur le cadavre un peu de terre avec la formule du prêtre (Anouilh, Antig., 1946, p. 177).Que la terre lui soit légère*. a) Terre + déterm. indiquant un état.Terre meuble, durcie, détrempée. Cette tranchée toute neuve était ourlée de terre fraîche, comme une fosse commune (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 268).Je me suis emparé de la construction tout entière (...). Le tout, gros comme un œuf de pigeon, formé de quatre alvéoles oblongs; en terre dure comme de la brique, ou presque. Chaque alvéole (...) contenait quatre ou cinq araignées assez petites (Gide, Voy. Congo, 1927, p. 770). b) Terre + déterm. indiquant la nature, la texture liée à une composition particulière.Terre franche. V. franc3.Terre grasse*. Terre lourde*. Terres fortes. V. fort1.Terre froide*. Terre maigre. V. maigre1.Terre légère*. c) Terre + déterm. indiquant une couleur.Le ruisseau promenait ses eaux vives et limpides entre de hautes berges de terre rouge, dont la couleur décelait la présence de l'oxyde de fer (Verne, Île myst., 1874, p. 107).On pouvait voir les tranchées allemandes: deux lignes minces, l'une de terre brune, l'autre de marne blanche (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 42). − PÉDOLOGIE ♦ Terres noires. Terres riches en humus, très fertiles. Le type le plus classique [des sols noirs] est celui des terres noires de l'Ukraine (Tchernoziom) dont les facteurs génétiques sont un climat continental faiblement acide et très fort en hiver, une roche mère le plus souvent assez riche en calcaire (...), enfin une végétation de steppe dense (Géol., t. 1, 1972, p. 867 [Encyclop. de la Pléiade]).P. méton. Terre noire. Région de Russie où se trouve ce type de sol. Le prince Galitch est un des plus riches boyards de cette partie de la Russie appelée « Terre noire », féconde entre toutes, placée entre les forêts du Nord et les steppes du Midi (G. Leroux, Parfum, 1908, p. 70).P. métaph. Des contes de fées allemands (...) composaient un climat de légende qui s'enfouit, avec la légende de ma propre enfance, dans ces terres noires où s'élaborent les végétations du rêve (Béguin, Âme romant., 1939, p. ix).Ce besoin continuel d'établir un contact − trait de caractère primordial du peuple russe (...) − a contribué à faire de la terre russe la terre d'élection, la véritable terre noire du psychologique (Sarraute, Ère soupçon, 1956, p. 39). ♦ Terres rouges. Formation argileuse, provenant de la décarbonatation des calcaires dans les climats méditerranéens. Synon. terra rossa (infra rem.).Les terres rouges (terra rossa) fréquentes dans les dépressions des chaînons calcaires du Languedoc et de Provence (...) sont (...) pour une large part des argiles de décalcification. Il s'y ajoute néanmoins presque toujours une fraction détritique importante (Géol., t. 1, 1972, p. 829 [Encyclop. de la Pléiade]). d) Terre + déterm. indiquant la composition, le constituant le plus remarquable.Terre argileuse, calcaire, ferrugineuse, marneuse, siliceuse; terre d'alluvions; terre glaise. Pour diviser les terres limoneuses, Mariez à leur sol les terres sablonneuses (Delille, Homme des champs, 1800, p. 70).Tu as vu, sous l'éclatement des percutants, cette terre de craie de la Marne entrer en effervescence, comme les encriers où, au lycée, nous jetions un morceau de carbure de calcium (Benoit, Atlant., 1919, p. 81). ♦ Terre d'infusoires. Synon. de kieselguhr.Au cours du temps, on a pris aussi le silex, la terre d'infusoire (farine fossile) pour faire le verre soluble (Cl. Duval, Verre, 1966, p. 39). 2. Cette substance en tant qu'élément propre à la croissance des végétaux, aux cultures. Terre arable; engraisser les terres. L'endroit fut nettoyé, sarclé avec soin, fouillé même, pour en chasser les insectes ou les vers; on y mit une couche de bonne terre amendée d'un peu de chaux (...) puis le grain fut enfoncé dans la couche humide (Verne, Île myst., 1874, p. 187): 5. Il faudra nettoyer au croissant, arracher à la pioche, niveler à la bèche, sarcler et puis passer le soc, et herser, afin d'obtenir une terre souple, ameublie, c'est-à-dire perméable à l'air, ouverte aux agents atmosphériques qui l'imprègnent d'azote, aux myriades d'infiniment petits qui la nitrifient...
Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 31. ♦ Terre de bruyère*. Terre végétale. Terre contenant une forte proportion de matières organiques. La berge (...) dépassait de plus d'un mètre la surface du courant. Il y avait, à sa partie supérieure, une bonne épaisseur de terre végétale où on voyait pendre par touffes les racines du chiendent; dessous venait une couche de sable, puis une couche de cailloux (Ramuz, Gde peur mont., 1926, p. 155). − Terre à + subst. désignant une plante.Terre particulièrement favorable à la culture de cette plante. Terre à froment, à betteraves, à vigne. La betterave demande de bonnes terres franches, profondes et fraîches sans être humides. D'une manière générale les bonnes terres à blé sont propres à la betterave (Rouberty, Sucr., 1922, p. 19). 3. Cette substance considérée dans ses emplois artistiques, artisanaux ou industriels. a) CONSTR. Hutte, maison de terre; terre à pisé. Il était bien tel qu'il l'avait quitté, l'Oustalet, avec ses murs de terre crue et sa toiture de chaume (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 124).Ces matériaux de fortune, pisé ou terre mélangée de paille hachée, terre et cailloux roulés en couches alternantes, limon avec soubassement de silex, loess et entrecroisements de poutres, représentent des combinaisons variées pour suppléer à la pierre de taille (Vidal de Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 162). ♦ Terre battue. Terre foulée, fortement comprimée. Wimbledon peut être considéré comme le championnat du monde de tennis (une compétition sur terre battue porta d'ailleurs, un moment, cette appellation (...)) (Jeux et sports, 1967, p. 1381). b) CÉRAM., POT. Matière naturelle constituée par différentes argiles; cette matière telle qu'elle résulte du travail du potier. Terre plastique; terre réfractaire; terre blanche, citronnée. [Elles] font, avec une terre (...) aussi fine que celle de la porcelaine, ces jolies poteries d'un beau rouge foncé, et qui n'ont pas besoin d'être vernies (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 212).Les fabriques de Moustiers sont de petites entreprises (...). La production de ces manufactures est caractérisée par une terre fine et particulièrement sonore (G. Fontaine, Céram. fr., 1965, p. 48). − Terre + déterm. indiquant son usage principal.Terre à four. Le tuyau destiné à conduire la fumée au dehors donna quelque travail aux fumistes improvisés. Il parut plus simple à Cyrus Smith de le fabriquer en terre de brique (Verne, Île myst., 1874, p. 179).Argiles réfractaires, comme celles de Forges, de Bollène, etc.; très plastiques, blanches, grises, jaunâtres, noirâtres, parfois marbrées, elles constituent, selon leur pureté, la terre à creusets, la terre de pipe, la terre à poteries, grès et à faïences (Lapparent,Minér.,1899,p. 478). − Terre + déterm. indiquant sa provenance.La vaisselle (...) de terre grise de Samadet, dans les Landes, rugueuse au dehors, vernie au dedans (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 159).Il y a un départ très délicat à faire entre les produits de faïence fine de Toul, et les statuettes en terre de Lorraine, qu'elles proviennent de Lunéville ou de Niderviller (G. Fontaine, Céram. fr., 1965, p. 125). − Terre cuite*. − En/de terre (cuite) + éventuellement autre déterm.Façonné en terre. Assiette, cruche, potiche, récipient, ustensile de/en terre (cuite); pipe de terre. Un bouquet de fleurs rares s'épanouissait dans un pot de terre émaillée au milieu d'une petite table (Gautier, Rom. momie, 1858, p. 275).Ces énormes vases de terre vernissée, décorés de relief, comme tatoués, dans lesquels ils mettent l'eau, le manioc (Gide, Voy. Congo, 1927, p. 782).Des sortes de bouteilles en terre cuite très poreuse qu'on utilise dans les pays chauds pour rafraîchir l'eau (Bourde, Trav. publ., 1928, p. 145). ♦ (C'est) le pot de terre contre le pot de fer. V. pot1. ♦ [P. réf. à la couleur de la terre cuite commune] Il avait fait le portrait de sa concierge en passe-boule, couleur terre-cuite (Jacob, Cornet dés, 1923, p. 97).Cet homme à demi couché sur la banquette, en face de moi, là. Sa tête de terre cuite aux yeux bleus (Sartre, Nausée, 1938, p. 161). − P. méton. Objet, ensemble d'objets en terre. Une terre cuite grecque, chinoise. La terre de Strasbourg varie entre un rose plus ou moins ocré et un gris chamois; le décor de son émail blanc laiteux d'une qualité magnifique, consiste en une sorte de lambrequin que Charles Hannong exécute en bleu, mais que Paul Hannong réussit aussi en polychromie (G. Fontaine, Céram. fr., 1965, p. 54). c) [En peint.] Cette substance colorée naturellement, utilisée comme pigment. Les terres sont obtenues par simple traitement physique des roches de couleurs généralement moins vives que celles des pigments artificiels. Elles sont constituées le plus souvent par des oxydes de fer fixés sur des minéraux voisins des argiles (Peint.1978). ♦ Couleur, teinte qui rappelle la terre (brun, ocre) Déjà Corot, renonçant à la couleur, optait pour les valeurs dont il multipliait les nuances à l'infini (...). Dunoyer de Segonzac et Derain ont repris sa technique, à base de tons rompus (...), avec dominance de terres (Arts et litt., 1935, p. 30-9).Un chromatisme qui glisse peu à peu du bleu le Pont de Chatou 1910 à des terres et des verts relevés de noirs et de blancs livides la Maison à l'auvent 1920 (Dorival, Peintre XXes., 1957, p. 63). − Terre + déterm. indiquant généralement la région dont elle provenait à l'origine, pour désigner une couleur particulière. ♦ Terre d'ombre* ou terre d'Ombrie. ♦ Terre de Sienne (naturelle). Terre de couleur jaune brun, constituée par des argiles colorés par l'oxyde de fer ferrique hydraté et accessoirement du bioxyde de manganèse (d'apr. Peint. 1978). Papier teinté d'une légère couche de terre de Sienne (Goncourt, Journal, 1860, p. 739).(Couleur) terre de Sienne. Des traces allant de la couleur terre de Sienne naturelle, moins chaude et très claire jusqu'à la terre de Sienne brûlée très puissante et très foncée (Closset, Trav. artist. cuir, 1930, p. 44).Quand on a besoin d'un mur on le trouve toujours, sale, ocre ou terre de Sienne (Malraux, Espoir, 1937, p. 470). ♦ Terre de Sienne brûlée, calcinée. Pigment rouge foncé obtenu par calcination de la terre de Sienne naturelle (d'apr. Peint. 1978). V. supra ex. de Closset. ♦ Terre verte. Terre allant du gris-vert au vert, constituée essentiellement par des silicates complexes colorés par des sels de fer (d'apr. Peint. 1978). d) [Usages liés au pouvoir absorbant et décolorant de certaines argiles] Dans la fabrication des huiles de vaseline, le traitement alcalin est suivi de traitements à la terre décolorante jusqu'à ce que l'huile soit aussi claire et limpide que de l'eau (Chartrou, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 96).On emploie de plus en plus un filtre formé essentiellement d'une terre claire très fine, la terre de Kieselguhr (Industr. fr. brass., 1955, p. 9).Terre à foulon*. ♦ Terres activées. Argiles ayant subi un traitement à l'acide qui décompose les constituants argileux, solubilise l'alumine et met en liberté la silice amorphe qui possède un grand pouvoir absorbant. La décoloration ou blanchiment se fait surtout par adsorption, sous vide, au moyen de terres naturelles ou mieux de terres activées et de charbons décolorants (Brunerie, Industr. alim., 1949, p. 49). B. − CHIMIE 1. ALCHIM., CHIM. ANC. Une des quatre substances pures. Pourquoi pas d'autres éléments que le feu, l'air, la terre et l'eau? − Ils sont quatre, rien que quatre, ces pères nourriciers des êtres! Quelle pitié! (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Horla, 1886, p. 1119). ♦ Terre noire. Un des constituants de toute substance: 6. ... on fait dériver l'arabe El-Kimyâ (alchimie) du mot égyptien Kêm, terre noire. Cette terre noire ne doit pas, bien entendu, être considérée uniquement sous forme de boue fertilisante des crues du Nil mais, dans la pensée des alchimistes alexandrins, comme la matière originelle à laquelle il s'agirait de ramener tous les métaux avant leur conversion en or.
Caron, Hutin, Alchimistes, 1959, p. 116. − Absol. Signes de terre. Les signes du Taureau, de la Vierge, du Capricorne. Un signe appartient en effet à des catégories: il correspond à l'un des quatre éléments traditionnels, air, feu, eau ou terre (Divin.1964, p. 186). 2. CHIM. [Jusqu'au xixes.] Oxyde métallique considéré comme un corps simple avant qu'on ne parvienne à le décomposer, dont les caractères principaux étaient d'être sec, inodore, insipide, insoluble, comme la chaux, la baryte, la strontiane, la potasse, la soude, la magnésie... (d'apr. Nysten 1824). [Davy] réussit à isoler successivement le baryum, le strontium, le calcium et le magnésium. D'autres terres comme l'alumine, la glucine, la silice, résistèrent à ses tentatives, mais il soupçonna la présence d'un métal dans leur composition (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 306). − [Pour désigner des corps ayant une structure partic.] Terre foliée minérale. Acétate de sodium. Terre foliée de tartre. Acétate de potassium. On emploiera les apéritifs les plus doux, tels sont le sel ammoniac, la terre foliée du tartre, le tartre martial soluble (Geoffroy, Méd. prat., 1800, p. 287).V. terbium ex. de J. Chim. Phys. 3. Terres rares. Oxydes d'un groupe de métaux (et, p. ext., ces métaux eux-mêmes) rares sur terre, semblables à l'aluminium pour beaucoup de leurs propriétés, englobant les corps des numéros atomiques 57 à 71, auxquels on adjoint souvent le scandium et l'yttrium. Durant la première partie du siècle, on s'intéressa beaucoup aux éléments des terres rares car leur étroite ressemblance posait un problème chimique assez préoccupant (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 427). REM. 1. Terra incognita, subst. fém. inv.Synon. de terre inconnue (supra II B 1).a) Terre non encore explorée. Au temps où l'Afrique centrale était terra incognita, la géographie s'en remettait au récit d'un explorateur unique si celui-ci offrait des garanties suffisantes d'honnêteté et de compétence (Bergson, Deux sources, 1932, p. 260).b) Au fig. Domaine inexploré. Même si l'on ne retient qu'une partie de ce qu'elle avance [la science psychique] comme certain, il en reste assez pour que nous devinions l'immensité de la terra incognita dont elle commence seulement l'exploration (Bergson, Deux sources, 1932, p. 337). 2. Terral, subst. masc.,mar., météor. ,,Vent de terre et particulièrement, vent du nord-nord-ouest en Méditerranée`` (Villen. 1974). 3. Terraplane, subst. masc.,transp. Aéroglisseur terrestre. C'est donc avant tout pour permettre aux pays en voie de développement d'assurer les transports terrestres que la technique des aéroglisseurs « terraplane » a été mise au point. Les terraplanes associent le coussin d'air et la roue. Le premier assure la sustentation du véhicule et la roue ne conserve que ses fonctions de propulsion et de guidage. En conséquence le terraplane peut évoluer sur tous les types de terrains (Encyclop. Sc. Techn.t. 11969, p. 174). 4. Terrarium, subst. masc.Réservoir à paroi de verre, dont le fond est couvert de sable, de terre dans lequel on élève certains animaux: reptiles, batraciens, insectes, et où parfois on cultive des plantes. Chez les grossistes qui commercialisent des plantes d'aquarium, on trouve à la fois ces plantes et des plantes de terrarium (Magazine Aquarium, mai 1986, p. 56, col. 1).Dans sa ferme de Chizé (Deux-Sèvres), Jean-Marie Guérineau s'est lancé dans l'élevage des mygales, (...). Mesurant entre 15 et 20 cm, elles nécessitent un terrarium chauffé à 20oC et des insectes vivants pour nourriture (Ça m'intéresse, avr. 1988, p. 71, col. 1-2). 5. Terra rossa, subst. fém. inv.,géol. Synon. de terre rouge (supra III A 1 c).Les formes [rocheuses calcaires] du type méditerranéen, avec roche nue, tout au plus accompagnée d'un peu de terra rossa dans le fond de quelques fentes (Géol., t. 2, 1973, p. 86 [Encyclop. de la Pléiade]). 6. Terrine, subst. fém.,hapax. Petite terre, petit domaine. La famille mange plus de bouillie de marrons que de pain blanc, le papa ménage ses culottes, maman se donne à peine une robe d'hiver et une robe d'été (...). Les choses sont comme cela chez vous, si l'on vous envoie douze cents francs par an, et que votre terrine ne rapporte que trois mille francs (Balzac, Goriot, 1835, p. 120). Prononc. et Orth.: [tε:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 980 terra « planète du système solaire habitée par l'homme » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 6); 1588 et 1671 remuer* (le) ciel et (la) terre*; 2. déb. xiies. terre « les habitants de la terre » (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, II, 10). B. 1. Ca 980 terra « surface du globe terrestre portant les êtres vivants » (Passion, 328); id. loc. a terra « sur le sol » (ibid., 60); 1160-74 metre a teree « arraser (une forteresse) » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 4503); 1176-81 a terre venir « descendre (de cheval) » (Chrétien de Troyes, Lion, éd. M. Roques, 5663), supplanté par l'expr. metre le pié a terre 1377, v. mettre; 1176-81 par terre « sur le sol » (Id., ibid., 5628); spéc. ca 980 terra « croûte terrestre » (Passion, 322); 1924 électr. prise* de terre; 2. p. oppos. à la mer ca 1050 prendre terre « aborder » (Alexis, éd. Chr. Storey, 80), supplanté par toucher* (la) terre 1623 et 1642; 1539 terre ferme « continent » (Est.); 1671 armée de terre (Pomey, s.v. armée); 1678 vent de terre (Guillet, p. 317); 3. ca 1050 terre « vaste étendue, territoire, pays » (Alexis, 112); ca 1208 Terre sainte d'outremer (Villehardouin, Constantinople, éd. E. Faral, § 27); 4. ca 1050 « étendue de terrain d'un propriétaire, domaine foncier » souv. au plur. (Alexis, 402). C. 1. Ca 1050 « matière constituant la partie superficielle de l'écorce terrestre » spéc. metre an terre « ensevelir » (ibid., 579); 2. ca 1100 désigne la terre du point de vue de ses qualités agricoles terre gaste « terre inculte » (Roland, éd. J. Bédier, 3127); 3. ca 1145 désigne un des éléments tere (Wace, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 700); 4. ca 1210 « élément où poussent les végétaux » (Herbert Le Duc de Danmartin, Folque de Candie, éd. O. Schultz-Gora, 10306); 1252 fonz de tarre (Reg. cueill. du Temple, fo3 rods Gdf. Compl.); 1690 en pleine terre (Fur.); 5. ca 1150 désigne une matière destinée à certains empl. (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 164); 1536 terre cuite, terre cuycte (Inventaire de Charles Quint ds Havard); 1676 chim. (Charas, Pharmacopée royale, p. 10); 1904 terres rares désigne certains oxydes (Nouv. Lar. ill.). Du lat. terra « globe terrestre », « matière » (pour cultiver ou matière première), « un des éléments », « surface, sol », « continent (p. oppos. à la mer) », « pays, contrée », « territoire appartenant à une personne », « support de la vie terrestre ». Fréq. abs. littér.: 39 142. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 66 532, b) 52 497; xxes.: a) 60 565, b) 45 134. DÉR. Terrir, verbe intrans.a) Mar. Arriver en vue de la terre, toucher terre. Synon. atterrir.[Si] le Bonadventure ne subissait pas quelque courant inconnu, il devait terrir juste sur l'île Tabor (Verne, Île myst., 1874, p. 339).b) [Le suj. désigne une tortue] Venir pondre à terre. La saison où les tortues terrissent (Ac.1798-1935).− [tε
ʀi:ʀ], [te-], (il) territ [-ʀi]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1resattest. av. 1620 « arriver près de la terre » (Aubigné, Hist. univ., I, 107, de Ruble ds Gdf. Compl.), spéc. 1690 (Fur.: Terrir. Terme dont les Naturalistes se servent en parlant des tortuës qui vont à terre pondre leurs œufs); de terre, dés. -ir; cf. le m. fr. terir « fouler aux pieds »1488 [éd.] (La Mer des hystoir., t. 1, fo60 h ds Gdf.) et « tomber à terre » 1605 [éd.] (Du Pinet, Dioscoride, préface, ibid.). BBG. − Buyssens (É.). Les N. sing. Cah. F. Sauss. 1973, no28, pp. 25-34; Les N. des corps célestes. Ling. antverp. 1972, t. 6, pp. 17-19. − Dub. Dér. 1962, p. 68 (s.v. terrarium). − HHollyman 1957, pp. 29-32. − Pergnier (M.). Qq. considérations sur l'équivalence sém. R. Phonét. appl. 1983, no66-68, pp. 133-140. − Picoche (J.). Struct. sém. du lex. fr. Paris, 1986, pp. 44-46. − Quem. DDL t. 9, 12, 13, 19, 20, 30. |