| * Dans l'article "TAUPINIÈRE,, subst. fém." TAUPINIÈRE, subst. fém. A. − Terrier de la taupe; petit monticule de terre arrondi marquant l'emplacement de ce terrier. Ils suivent du regard les galeries soufflées que creusent les taupes et qui zigzaguent à fleur de sol (...). Les taupinières y forment un minuscule village de huttes dressées à la mode indienne (Renard, Poil Carotte, 1894, p. 52).Cette prairie, qu'elle serait pure sans les taupinières qui la déshonorent! Cette chaîne de terre soulevée par les taupes (...) c'est toujours l'ouvrage de la même bête aveugle, obstinée (Mauriac, Journal 3, 1940, p. 276).V. chair I A 3 a p. anal. ex. de Renard. B. − P. anal. 1. Creusement, tranchée, etc. évoquant les galeries de la taupe. Tel était (...) l'antique égout de Paris. Ramifications en tous sens, croisements de tranchées (...), taupinière titanique où l'esprit croit voir rôder à travers l'ombre (...) cette énorme taupe aveugle, le passé (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 521).Enfouir sa destinée dans des taupinières qu'écrasent la pluie et la mitraille, et qu'il faut toujours recommencer (Barbusse, Feu, 1916, p. 22). 2. Petite élévation de terre, évoquant l'aspect extérieur du terrier de la taupe. Les montagnes, qui ne sont pour les géologues que des taupinières, ont des profils découpés comme les Alpes (Mérimée, Lettres ctessede Montijo, t. 2, 1856, p. 53).La Flandre se présente comme un pays de monticules (...) à Cassel, des silhouettes de taupinières isolées ou de minces rangées de collines se proposent à l'attention (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 73).P. métaph. Vanité comique des érudits qui construisent des taupinières et les prennent pour des montagnes (Langlois, Seignobos, Introd. ét. hist., 1898, p. 106). 3. Petite habitation, territoire trop exigu, évoquant l'étroitesse du terrier de la taupe. [Napoléon] disait: « L'Europe est une taupinière; il n'y a jamais eu de grands empires et de grandes révolutions qu'en Orient (...) » (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 336).Du haut de nos grandes bêtes de désert, qui sont inquiètes à cause du resserré des maisons (...) nous dominons presque ces taupinières, plongeant du regard dans les petites cours (Loti, Désert, 1895, p. 242). C. − Au fig., péj. Ce qui constitue une menace par son obscur travail de sape; ce qui n'a qu'une importance médiocre par rapport à une activité, une ambition plus vaste. Le secret travail de la taupinière bourgeoise commença (...) je ne cessai (...) de suivre les lignes tortueuses de cette mine creusée sous le gazon verdoyant d'une apparente félicité (...), le gouvernement ne voyait pas le travail lent et sourd qui s'opérait dans les profondeurs (Vigny, Mém. inéd., 1863, p. 59).Les principes de vie stoïques (...): la morale, le Devoir, lui apparaissaient maintenant sans vérité. (...) Ridicules taupinières! La vie passe, et tout est balayé (Rolland, J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 267). REM. Taupinée, subst. fém.a) Synon. région. ou vieilli de taupinière (supra A).Sous le dôme central aux sept arches de terre de la taupinée, Nyctalette s'éveillait du long sommeil hiémal consécutif à une interminable errance par la solitude froide de ses galeries (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 77).b) P. anal. Ce qui évoque une taupinière par sa forme de dôme. Des petits tas de sucre où luisent des paillettes micacées, des taupinées de café brun (Genevoix, Boue, 1921, p. 12).c) Au fig. Synon. de taupinière (supra C).Tout commis est un aigle sur cette taupinée (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 216).L'éternité ne dresse point (...) sa pyramide (...) auprès de laquelle notre petite vie est une taupinée, un pli de sable (Taine, Philos. art, t. 2, 1865, p. 109). Prononc. et Orth.: [topinjε:ʀ]. Ac.1694, 1718: taupiniere, 1740: -nière, 1762-1878: -nière ou -née, 1935: -née ou -nière (id. ds Littré); Lar. Lang. fr., Pt Rob. 1980, Rob. 1985: taupinière et vx taupinée. Étymol. et Hist. 1. a) Mil. xives. p. anal. avec les déblais de la taupe creusant sa galerie « borne, souche? » (Roques t. 1, IV-V, 1364: cippus: sep vel taupiniere vel met de ente), ex. isolé; b) 1752 id. « élévation de terre » [ici, dans l'optique de Micromégas, désigne un continent par rapport à la mer] (Voltaire, Micromégas, IV ds Zadig et autres contes, Paris, éd. P. Grimal, 1961, p. 185); c) 1798 « petite maison basse » (Ac.); 2. 1596 « monticule de terre constitué par les déblais de la taupe » (Hulsius d'apr. FEW t. 13, 1, p. 62 b); 1611 (Cotgr.); 3. 1611 « demeure souterraine de la taupe » (ibid.). Dér. de taupe*; suff. -inière, forme élargie de -ière (-ier*). Cf. les synon. (sens 2 et 3): taupaine (fin xiiies., Gautier de Bibbesworth, 810 ds T.-L.); taupinière*; taupinier (1408 ds Gdf.); taupinée (1678, La Fontaine, Fables, VIII, 9); respectivement suff. -ine* (v. Pope,454), -ière, -(in)ier*, -(in)ée*. Fréq. abs. littér.: 39. |