| TÔT, adv. A. − [Exprimant la rapidité; le repère est le temps de parole du locuteur ou le moment dont on parle] 1. Vx, fam. [Avec un verbe à l'impér.] Avant qu'il ne s'écoule du temps. Synon. à l'instant* même, promptement (vieilli), rapidement, tout de suite*.Allez tôt, revenez tôt (Ac. 1798-1878). Nos magistrats, aussi, doivent être expéditifs et le sont. Vite, tôt; emprisonnez, tuez (Courier, Pamphlets pol., Au réd. « Censeur », 1819, p. 16).Va déposer ton prix à la caisse d'amortissement, cours, car je ne te reçois plus sans le récépissé de la somme. Va! et vite, et tôt! (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 298). 2. Au bout de peu de temps, dans un délai rapproché. Anton. tard. a) Littér. [Empl. seul et modifiant un verbe exprimant un procès non duratif] Synon. bientôt.De brusques et courtes flambées d'allumettes, tôt éteintes (Colette, Cl. école, 1900, p. 215).Tout cela n'avait guère duré: il ne s'était pas sauvé loin, s'étant tôt aperçu qu'on ne l'avait pas poursuivi (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 41). b) [Avec gén. un verbe à un temps du passé] Tôt après. Peu de temps après. Ces boîtes débarquaient (...) Aux quais de la Tamise, Puis elles s'entassaient tôt après chez le Roi (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 224). c) [Modifié par un adv. de quantité ou d'intensité assez, bien, moins, plus, si, très, trop, et à une place mobile dans la phrase] Comprendre très tôt qqc.; voir assez tôt qqc. L'herbe croît si vite sur les tombes des célibataires, et la poussière recouvre si tôt leur épitaphe (Amiel, Journal, 1866, p. 231). − Verbe + toujours trop tôt, toujours assez tôt.[Pour exprimer, p. euphém., le souhait que le procès soit le plus tard possible] De sa pénurie il n'avait soufflé mot, pensant que le gargotier la verrait toujours assez tôt (Montherl., Célibataires, 1934, p. 884). − [Dans une compar.] Plus tôt (que). Avant (que). Semée en novembre et récoltée en mars ou avril, elle [l'orge] mûrit plus tôt que le blé (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 134). ♦ Fam. [Pour faire presser son interlocuteur] Et plus tôt que cela, plus tôt que ça! Synon. sans tarder*, et plus vite* que ça!Pour le camp, quitte vite et plus tôt que cela Nos honnêtes Ardennes (Verlaine,
Œuvres compl., t. 3, Invect., 1896, p. 329). ♦ Avant le moment où l'on parle ou dont on parle. En avoir plus tôt fini; un peu, beaucoup plus tôt. À la bonne heure! Il fallait donc le dire plus tôt: c'est si facile! (Banville, Gringoire, 1866, 8, p. 51).Faire ce que vous me reprochez de n'avoir pas fait plus tôt (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 182). ♦ Plus tôt... plus tôt. Plus vite... plus vite... Je pense aussi que j'ai très faim et que plus tôt vous consentirez, plus tôt nous souperons (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 169). ♦ Plus tôt... mieux. Plus vite... mieux. Comment êtes-vous soignés? − Plus tôt on descendra, mieux ça sera (Malraux, Espoir, 1937, p. 825). − Rare. [Dans un sens spatial] Trop tôt. Avant la limite souhaitée. Pas assez de décolletage; les corsages s'arrêtent trop tôt, là où ça devient blanc, ferme et rebondi (Colette, Cl. école, 1900, p. 309). 3. Expr. et loc. − Au plus tôt. Le plus rapidement possible, sans délai. Faire qqc., rendre un travail au plus tôt; partir au plus tôt. Un tel scandale doit, au plus tôt, prendre fin (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 205).Elle eut envie (...) de se déshabiller, sans rien dire, devant cet homme, pour que cela fût, au plus tôt, achevé (Daniel-Rops, Mort, 1934, p. 215). − Le plus tôt possible, le plus tôt que vous pourrez, le plus tôt sera le mieux. Dans les meilleurs délais, au plus vite. Nous sommes ruinés. Renvoie ton monde le plus tôt possible (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 393). − Plus tôt que plus tard. De préférence en avance qu'en retard, au plus vite. Le soldat français (...) ne reçoit point de coups de bâton (...) pour peu que cela gagne, adieu la schlague chez nous, personne n'en voudra. Il y faut remédier plus tôt que plus tard (Courier, Pamphlets pol., Livret de Paul-Louis Vigneron, 1823, p. 175).Loc. proverbiale. Mieux vaut plus tôt que plus tard. Il faut agir sans délai. Elle se dit enfin: « Il faut y aller, pourtant. Mieux vaut plus tôt que plus tard » (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Parapluie, 1884, p. 448). − Pas de si tôt (pas de sitôt ds l'Ac.). Pas pour le moment et peut-être jamais. V. sitôt.On n'a jamais réussi à arrêter le malheur, on n'y réussira pas de si tôt, en tout cas pas de notre vivant (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 205). − Si tôt dit, si tôt fait. [Var. de sitôt dit, sitôt fait]Cristi, ce n'est pas le moment de s'endormir; agissons. « Si tôt dit, si tôt fait! (...) » (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 244). − Avoir tôt fait de + inf.Ne pas mettre longtemps à. Synon. usuel avoir vite* fait de.Je la cherchai. J'eus tôt fait de la retrouver (Bourget, Disciple, 1889, p. 176).L'opinion a tôt fait de loger dans le même sac une femme qu'on courtise et une femme qui a succombé (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p. 174). − N'avoir... pas plus tôt... que (littér.). [Avec un temps du passé et annonçant la succession immédiate de deux faits] À peine... que. N'avoir pas plus tôt fait (telle chose) que. Une épidémie de fièvre typhoïde s'était déclarée sur une de nos fermes, et maman ne l'avait pas plus tôt appris, qu'elle était partie pour soigner les malades (Gide, Si le grain, 1924, p. 463). Rem. L'Ac. a adopté définitivement cette graph. en 1935, elle écrivait auparavant ne... pas plutôt... que. − Fam. [Pour marquer l'impatience du locuteur ou son agacement face à une chose trop longtemps attendue] Ce n'est/c'est pas trop tôt! Ah! ce n'est pas trop tôt!... Qu'est-ce que vous faisiez donc? (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 116).Et quand il fut bien sûr d'être arrivé, il déclara, terrible: − C'est pas trop tôt: j'allais gueuler! (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 85). ♦ Le plus tôt sera le mieux*. B. − [Exprimant l'antériorité] 1. [Le repère est un moment déterminé par une circon-stance précise] Un certain temps avant le moment de faire quelque chose, le temps pour que quelque chose ait lieu. Synon. de bonne heure*, en avance; anton. tard.Arriver tôt au théâtre, se rendre (trop) tôt à une invitation; lettre qui parvient assez tôt (à son destinataire); plus tôt que prévu. Pour comble, Simonne, ayant cru entendre sa réplique, fit trop tôt son entrée, au milieu du désordre (Zola, Nana, 1880, p. 1327).Dommage que ton frère Ferdinand soit parti un moment trop tôt, il aurait profité de la nouvelle (Aymé, Jument, 1933, p. 189). − Un peu, trop, assez tôt pour (+ subst. déterminé, inf. ou que + subj.).Préviens-moi assez tôt pour que je puisse venir te prendre en voiture à Beuzeville (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1898, p. 319).Omer partit assez tôt pour admirer toute la fête dont la servante promettait merveilles (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 10). ♦ [Dans des tournures impers.] Il est un peu, trop, assez tôt pour (faire qqc.); il est trop tôt pour en parler; c'est bien tôt pour une visite. Il n'est jamais trop tôt pour donner aux enfants des idées justes (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 119).Elle n'avait que dix-sept ans: mais nous pensions Robert et moi qu'il n'est jamais trop tôt pour le bonheur (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 28).V. jamais IV ex. de Camus. 2. [Le laps de temps précédant le repère est indiqué d'une façon plus ou moins précise] Trop tôt de + compl. de temps; compl. de temps + plus, trop tôt.Quelques jours, un moment, des siècles plus tôt. L'action, commencée deux heures plus tôt, eût été finie à quatre heures, et Blucher serait tombé sur la bataille gagnée par Napoléon (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 405).Ils étaient arrivés trop tôt de trois heures sur l'heure prévue (Céline, Voyage, 1932, p. 54). − Au plus tôt. [Avec indication d'une date précise à venir et en envisageant le délai extrême] Pas avant (telle date). Dans huit jours au plus tôt; arriver lundi au plus tôt. Le docteur Bourgeois est-il venu le jour de l'accident? − Non. Le lendemain? − Je ne crois pas. − Donc, au plus tôt, le surlendemain (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 118). 3. [En corrél. avec tard] En avance par rapport à un moment donné, avant le moment juste, le bon moment. Être né trop tôt ou trop tard. Un jour plus tôt c'eût été un jour trop tôt. Un jour plus tard, c'eût été un jour trop tard (Audiberti, Quoat, 1946, 1ertabl., p. 35): J'aurais voulu vivre assez pour voir vos têtes au retour de la banque. Il s'agissait de ne pas te donner trop tôt ma procuration pour ouvrir le coffre, de te la donner juste assez tard pour que j'aie cette dernière joie d'entendre vos interrogations désespérées: « Où sont les titres? »
Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 14. − Loc. adv. [Empl. à une place très mobile dans la phrase] Tôt ou tard. Dans un temps indéterminé, proche ou lointain, mais qui arrivera sûrement. Synon. inéluctablement, inévitablement, d'un jour* à l'autre, un jour ou l'autre*.Il faut tôt ou tard obéir; apprendre la vérité tôt ou tard. Les autres se demandaient si le prochain obus (...) ne leur rendrait pas service en les débarrassant de leur angoisse, puisque tôt ou tard, mais sûrement avant la nuit, ils étaient sûrs d'y passer (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 23). ♦ [Lorsque le verbe est à un temps comp., la loc. adv. peut s'insérer entre l'auxil. et le part.] L'ennemi de cet homme [le traître] est lui-même; vous pouvez le combattre en vous servant d'armes loyales, il sera tôt ou tard méprisé (Balzac, Lys, 1836, p. 164). 4. [Le repère est le moment habituel, la portion déterminée du temps où une chose a lieu régulièrement] En avance sur le moment habituel. Synon. de bonne heure.Plus tôt que d'habitude. a) [P. rapp. à la journée, en partic. à la matinée] Téléphoner trop tôt; dîner tôt; le soleil se couche tôt en hiver. Elle se levait tôt, puis plus tôt, puis encore plus tôt. Elle voulait le monde à elle, et désert (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 15).[Le jour] tombait alors très tôt, car le mois de janvier s'achevait à peine (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 169). b) [P. rapp. à l'année, à la saison] Pâques est tôt, plus tôt que l'an dernier; récoltes qui mûrissent tôt; vendanger tôt; grappe tôt murie. Des gelées, qu'on n'attendait pas si tôt, ont roussi les dernières fleurs du jardin (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 124).Il ne faut pas mettre trop tôt les bœufs au pré. Ils s'y nourrissent, mais, quand vient le moment qu'ils s'engraissent, il n'y a plus d'herbe (Renard, Journal, 1901, p. 671). c) [P. rapp. à la vie hum., à l'âge] Aller tôt à l'école; se marier (très, trop) tôt; c'est trop tôt à leur âge. Sa loi la plus véritablement déterminante, un jour il l'a aperçue et formulée, tôt, à vingt-trois ans (Durry, Nerval, 1956, p. 8). Rem. Tôt sert à former des adv. de temps. V. aussitôt, bientôt, plutôt, sitôt, tantôt; il sert aussi à construire des noms comp.: couche-tôt*, lève-tôt (s.v. lève-). Prononc. et Orth.: [to]. Homon. taux. Ac. 1694, 1718: tost; dep. 1740: tôt. En présence des adv. aussi, bien, si, il est soudé à eux: aussitôt, bientôt, sitôt. Voir Ac. dep. 1835. Mais Ac. 1694: aussi-tost, si-tost (et bientost ou bien-tost dans les ex.); 1718: sitost en vedette, si tost dans le texte; 1740: bien tôt, si tôt; 1798 distingue: sitôt que, aussitôt que (dès que) et aussi-tôt ,,lorsqu'il y a comparaison (...) Il n'est pas venu aussi-tôt qu'il l'avoit promis``. Étymol. et Hist. 1. Ca 881 « vite, promptement, sans tarder » (Eulalie, 19 ds Henry Chrestomathie, p. 3); ca 1330 plus tost que plus tart (Guillaume de Digulleville, Pélerinage vie hum., 4582 ds T.-L.); 2. ca 980 « bientôt » (Jonas, éd. G. de Poerk, 23, p. 44); 3. ca 1160 « au bout de peu de temps et sensiblement avant le moment habituel ou normal » trop tost venuz (Enéas, 5759 ds T.-L.); d'où a) 1174-76 al plus tost qu'il purra (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, 3680, ibid.); 1549 au plustôst (Est., s.v. plus); b) 1176 tost ou tart (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 762); c) 1636 le plus tôt est le mieux (Monet Invantaire); d) 1696 [éd.] ne ... pas plus tôt ... que (La Bruyère, Les Caractères, De la société, éd. R. Garapon, 75, p. 176). Du lat. pop. tostum, neutre prés. adv. de tostus « grillé, rôti, brûlé », part. passé de torrere « griller, rôtir »; tostum a dû signifier d'abord « chaudement » d'où « promptement ». De même l'ital. tosto, l'a. prov. et le cat. tost (cf. FEW t. 13, 2, p. 121a). Fréq. abs. littér.: 5 299. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 6 588, b) 6 422; xxes.: a) 6 106, b) 9 801. Bbg. Quem. DDL t. 38. |