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SUSPECTER, verbe trans.
A. −
1. Suspecter qqn.Porter ses soupçons sur quelqu'un; éprouver de la défiance à l'égard de quelqu'un, de son comportement. Voilà comme tu es, Paturot, s'écriait-il, un sceptique, un vil sceptique! Ô industriels! Vous ne savez que vous défier! (...) Suspecter la princesse palatine, oh! Jérôme!!! (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 188).Il ne suffit pas que les juges soient irréprochables, il faut encore qu'ils ne puissent pas être suspectés (Civilis. écr., 1939, p. 44-5).
2. [Le compl. désigne qqc. d'abstr.]
a) Mettre en doute des valeurs positives, des qualités; les diminuer, les nier; introduire un soupçon dans quelque chose. Suspecter la bonne foi, l'honnêteté de qqn; suspecter la parole, le témoignage de qqn. Blâmez mon inexpérience, mais ne suspectez pas mes intentions... Les bonnes intentions procèdent ouvertement. Or vos façons d'agir sont équivoques (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 233).Les longs entretiens de l'oncle [Raymond de Poitiers] et de la nièce [Aliénor] pouvaient certes s'expliquer (...), mais à tort ou à raison Louis suspecta la nature de ces entrevues. De fait, Alénior était coquette, légère et déjà fatiguée de son époux (Grousset, Croisades, 1939, p. 170).
b) Pressentir, conjecturer l'existence de. Suspecter la malhonnêteté, le vice. « Monte près de moi, » dit le suffète, suspectant quelque fraude (Flaub., Salammbô, t. 1, 1863, p. 66).
MÉD. Pressentir, supposer l'existence d'une maladie. L'examen du fond d'œil, électroencéphalogramme, ponction lombaire (...) seront indispensables si une lésion centrale ou cérébrale est suspectée (Quillet Méd.1965, p. 366).
B. − Suspecter qqn, qqc. de + compl. subst. ou inf.Tenir pour suspect.
1. [Le compl. d'obj. dir. désigne qqn] La police suspecte deux individus d'être les auteurs du crime de Châtillon-sur-Seine (Combat, 19-20 janv. 1952, p. 8, col. 7).
Plais. Jamais l'intimité n'avait été entre eux assez grande pour qu'il pût suspecter Edmond d'un sentiment humain (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 346).
2. [Le compl. d'obj. dir. désigne qqc.] Il ne faut point initier les serviteurs, quelque estimables et respectables qu'ils soient, à des détails trop délicats d'intérêt ou de sentiment. Je ne crois pas que, de ma part, cette restriction puisse être suspectée de préjugé aristocratique ni de morgue dans le caractère (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 436).Un cours d'exégèse où chaque verset des synoptiques était épié, sapé, suspecté d'interpolation (Mauriac, Chair et sang, 1920, p. 209).
Rem. Suspecter/soupçonner: ,,Très souvent, les deux mots sont pris l'un pour l'autre. Mais uniquement lorsqu'on soupçonne (ou suspecte) quelqu'un d'une faute ou d'un crime. Quand l'objet du soupçon n'a rien de peccamineux, on dit toujours soupçonner: Je soupçonne (et non je suspecte) Paul d'aimer Jeanne en secret. En outre, seul suspecter peut être suivi d'un inanimé avec le sens de « tenir pour suspect »: je suspecte son honnêteté, sa bonne foi. Avec soupçonner, on dirait: je soupçonne son honnêteté d'être feinte`` (Dupré 1972).
Prononc. et Orth.: [syspεkte], (il) suspecte [-pεkt]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1. 1532 « tenir pour suspect » suspecter (qqn) (Pierre Desrey, Mer des chron., fol. 225 vods Delb. Notes mss); 1726 terme de Palais (Desfontaines, Dict. néol. d'apr. G. von Proschwitz ds St. Neophilol. t. 27, p. 236); 1788 suspecter (qqn) de fraude; d'être en correspondance secrette avec l'ennemi (Fér. Crit.), encore rare au xviiies.; 2. 1783 suspecter (qqc.) « mettre en doute » (Corr. litt. secr., no41, 8 oct. d'apr. G. von Proschwitz, loc. cit.: suspecter l'extrême fidélité de...). Soit dér. de suspect*; dés. -er; soit empr. au lat. suspectare « soupçonner ». Fréq. abs. littér.: 171.