| SPÉCIAL, -ALE, -AUX, adj. et subst. I. − Adjectif. A. − Qui concerne, qui constitue une espèce, par opposition à ce qui est, dans le même domaine, général. Jusqu'à ce que toutes les parties de la science soient élucidées par des monographies spéciales, les travaux généraux seront prématurés (Renan, Avenir sc., 1890, p. 230).Au-dessus de l'ordre spécial de la nature, comme dit saint Bonaventure, il y a un ordre général qui dépend de la raison et de la volonté de Dieu (Gilson, Espr. philos. médiév., 1932, p. 175). ♦ Langue spéciale. ,,Aspect particulier d'une langue employée par un groupe d'individus: langue d'une classe sociale, d'une profession, du théâtre, des écoles, etc.`` (Mar. Lex. 1933, p. 170). ♦ Mathématiques spéciales, maths spé (fam.). La (les) classe(s) de mathématiques spéciales, deuxième année de classe préparatoire aux grandes Écoles scientifiques. Synon. arg. taupe.Il est nettement en avance. Nous lui gagnerions ainsi une année, qui lui sera infiniment précieuse lorsqu'il sera en mathématiques spéciales (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 133).Empl. subst., fam. La (les) spéciale(s). Il se rappelait ses propres fiançailles, quarante-huit ans auparavant, à Nevers, avec la fille du professeur de spéciales au lycée (Bourget, Actes suivent, 1926, p. 149). B. − Qui est particulier à une catégorie de choses, de personnes. Papier, uniforme spécial; avion, train spécial. Il fallait également constituer l'outillage spécial que demandaient les opérations de guerre de siège que nous allions, tout d'abord, être obligés de mener, avant de reprendre la guerre en rase campagne (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 5).Douze bouteilles d'eau minérale avec la petite clef spéciale qui sert à les déboucher (Prévert, Paroles, 1946, p. 254). − Spécial à.Considéré dans sa pleine réalité biologique, l'amour (c'est-à-dire l'affinité de l'être pour l'être) n'est pas spécial à l'homme. Il représente une propriété générale de toute vie, et comme tel il épouse, en variétés et en degrés, toutes les formes prises successivement par la matière organisée (Teilhard de Ch., Phénom. hum., 1955, p. 293). C. − Qui constitue une exception; qui répond à des circonstances qui sortent de l'ordinaire. Synon. extraordinaire.Fonds, pouvoirs spéciaux; engins spéciaux. Mais néanmoins l'on a vu la plupart des factions qui se sont emparées du pouvoir se défier de l'équité des jurés, et les surprendre, pour y substituer des commissions militaires, des cours spéciales, des cours prévôtales, tous ces noms qui servent de déguisement aux meurtres politiques (Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 221).Mais l'ennui l'obligeait à penser, et les condamnés ne pensent qu'à la mort. Un gardien emmena Hernandez au bureau de la police spéciale, et resta avec lui: l'officier n'était pas là (Malraux, Espoir, 1937, p. 644). ♦ Armes spéciales (p. oppos. à armes classiques). Armes nucléaires, bactériologiques et chimiques. Par ailleurs, un centre d'essai était créé dans le désert saharien, sous la responsabilité de la Défense nationale et du Commandement interarmées des Armes spéciales, avec un grand luxe d'instruments d'évaluation des essais (Goldschmidt, Avent. atom., 1962, p. 144). ♦ Édition spéciale et, p. ell., spéciale dernière. À midi, des éditions spéciales des journaux, des affiches et de larges pancartes de calicot promenées à travers la ville ont annoncé que les commerçants et industriels de Hongkong (presque toute la population européenne), réunis au grand théâtre hier, ont télégraphié au roi pour demander l'envoi en Chine de troupes anglaises (Malraux, Conquér., 1928, p. 126).Envoyé* spécial (p. oppos. à correspondant). En partic. [Pour introduire une rubrique ou une publication exceptionnelle] Album spécial consommation. La semaine dernière a commencé dans les idées-Elle un « Spécial régimes-retour-de-vacances ». Quatre de nos amies, quatre rondes, vous racontent au jour le jour le régime qu'elles ont choisi pour perdre les kilos de l'été (Elle, 27 sept. 1976, p. 128). ♦ THÉOL. Grâce* spéciale. D. − Qui se distingue par sa particularité; qui n'est pas commun. La psychologie si complexe du tuberculeux a été souvent décrite; encore n'a-t-on pas toujours suffisamment fait la part de la maladie et celle du milieu très spécial que lui offre le sana (Mounier, Traité caract., 1946, p. 220): Le poème qui va jaillir gardera-t-il l'accent de la plastique mélanienne, ou modifié dans ses inspirations et ses expressions coutumières par les paysages intérieurs que retient l'atavisme noir, par les paysages extérieurs que subit la nouvelle espèce, prendra-t-il un accent spécial où le son du départ ne se retrouvera pas?
Faure, Espr. formes, 1927, p. 72. ♦ Rien de spécial à dire, à faire. Je vous ai demandé de venir dîner dans cette île parce que j'ai pensé que le cadre vous plairait. Je n'ai du reste rien de spécial à vous dire. Mais j'ai peur qu'il ne fasse bien humide et que vous n'ayez froid (Proust, Guermantes 1, 1920, p. 388). E. − Fam. Qui sort des normes habituellement admises; qui étonne, intrigue. Synon. bizarre, singulier.C'est spécial. Le marronnier noir avec ses bourgeons blancs et roses prêts à éclater m'a singulièrement attendrie. Est-il assez faubourien et spécial en son genre! (Frapié, Maternelle, 1904, p. 210). − P. euphém. Mœurs spéciales (mœurs homosexuelles); avoir des goûts spéciaux. Certaines d'entre elles, au lieu de faire la retape dans la rue, attendaient le client dans des maisons spéciales, un peu analogues à des hôtels garnis, et appelées « bordels » (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 269). II. − Substantif A. − masculin 1. [Surtout au Québec] ,,Article, objet exceptionnel ou vendu à un prix spécial`` (Rob. 1985). Synon. offre* spéciale.Spécial du jour. 2. SPORTS. ,,Coup ou prise favorite, dans les sports de combat, les arts martiaux`` (Rob. 1985). Tâche de lui placer ton spécial dès le début (Rob.1985). B. − féminin 1. Bière de qualité supérieure. Demander, servir une spéciale. La lager représente, à l'heure actuelle, quelque 75 % de la production globale. Sa faveur baisse toutefois au profit de la spéciale, au houblonnage plus typé − ce qui lui confère une amertume plus intense et plus fine − et au volume d'alcool supérieur (4,8 à 5,7 %) (A. Perrier-Robert, A. Mbaye, La Bière, Paris, Larousse, 1988, p. 65). 2. Huître d'une qualité particulière. Une douzaine de spéciales. Le prix dépend de l'origine et du calibre, lié à la durée de l'élevage: une « plate », plus rare, ou une « spéciale », plus longue à élever, sont plus chères qu'une huître courante (CourtineGastr.1984). 3. SPORTS. Épreuve chronométrée dans des rallyes automobiles. Il a gagné la dernière spéciale. La dernière spéciale, Calcatoggio (22,45 km) allait être déterminante (L'Est Républicain, 29 avr. 1991, p. 16, col. 2). Prononc. et Orth.: [spesjal], plur. masc. [-o]. Ac. 1694, 1718: spe-, dep. 1740: spé-. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 especïel « particulier à une espèce, par opposition à général » (Eneas, 6480 ds T.-L.); ca 1165 special « qui a des propriétés spécifiques » (Troie, éd. L. Constans, 23315); 2. a) 1789 pouvoir spécial (Sieyes, Tiers état, p. 84); b) 1816-24 génie spécial (Chateaubr., Mél. pol., t. 2, p. 125); 3. 1865 commerce spécial (Littré, s.v. général). Empr., comme terme didact., au lat.specialis, propr. « relatif à l'espèce, particulier ». Fréq. abs. littér.: 3 086. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 676, b) 4 858; xxes.: a) 5 456, b) 4 956. Bbg. Blochw.-Runk. 1971, p. 190. − Dauzat (A.). Spécial, spécialiste chez Taine. Fr. mod. 1944, t. 12, p. 280. − Foulet (L.). Spécial, spécialiste. Fr. mod. 1945, t. 13, pp. 139-141. − Quem. DDL t. 22, 24. |