| SINCÈRE, adj. A. − [En parlant d'une pers.] 1. Qui exprime ses véritables pensées, ses véritables sentiments. Synon. franc3, loyal; anton. faux1, hypocrite, menteur.Richard, franc, sincère, facile à tromper parce qu'il étoit incapable de tromper lui-même (Cottin,Mathilde, t. 1, 1805, p. 94).Dites-vous cela sincèrement? Tarrou haussa les épaules. − À mon âge, on est forcément sincère. Mentir est trop fatigant (Camus,Peste, 1947, p. 1385). − [Avec un compl. prép.] Je serai toujours sincère avec vous (Chardonne,Épithal., 1921, p. 84). ♦ En partic. Être sincère avec soi-même. Ne pas se cacher la vérité. Et d'ailleurs, malgré les apparences, est-ce que je ne me trompais pas? Quand j'étais sincère avec moi-même, je savais bien que je ne me trompais pas, mais la vie m'était alors insupportable et je me raccrochais pour quelques jours à une hypothèse invraisemblable (Maurois,Climats, 1928, p. 100). − [P. méton.] Avoir l'air sincère, un regard sincère. Vous avez un air naïf et sincère qui a gagné ma confiance (Reybaud,J. Paturot, 1842, p. 66). 2. Qui est tel réellement, en toute bonne foi. Synon. véritable.Un ami sincère; sincère admirateur; partisan sincère. Il avait pour premier et sincère ami, un homme digne de l'estime générale (Baudry des Loz.,Voy. Louisiane, 1802, p. 123).Catholique non pratiquant, mais très sincère, (...) il [Napoléon] croyait avoir tout fait pour l'Église en restaurant le culte en France (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, Mém. veuf, 1886, p. 254). 3. Empl. subst. Personne sincère. Ils étaient comme tous les sincères des naïfs et des dupes (Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p. 384).Jean-Jacques s'en tirait une fois de plus par cette feinte: « C'est encore rendre hommage à la vérité que de déclarer qu'on veut la taire ». Ce sincère était trop rusé et une si bonne dialectique tient un peu de la fourberie (Guéhenno,Jean-Jacques, 1952, p. 68). B. − [En parlant d'une chose que l'on ressent ou que l'on exprime] Qui est réellement éprouvé, pensé, exprimé. Synon. véritable, vrai; anton. insincère (littér.).Sincère amour, croyance, dévotion, foi, piété; aspiration, aveu, chagrin, désir, désespoir, douleur, émotion, envie, gratitude, horreur, intention, passion, regret, repentir, vœu sincère; être digne de la plus sincère admiration; vouer une sincère affection à qqn; conviction profonde et sincère; compliment, éloge, louange, réponse sincère. Voulez-vous mon appréciation bien sincère sur cette page? Eh bien, j'y trouve que la littérature y tue la vie (Goncourt,Journal, 1887, p. 689).Wilde recouvrait ses sentiments les plus sincères d'un manteau d'affectation, ce qui le rendit insupportable à plus d'un. Il ne consentait pas à cesser d'être acteur (Gide,Si le grain, 1924, p. 584). − Synon. de réel.Une sincère expression de tendresse. Il fit un sincère effort pour écouter Joseph et ce que disait Joseph était pourtant extraordinaire (Duhamel,Passion J. Pasquier, 1945, p. 234). − [Dans des formules de politesse, dans le style épistolaire] Sincères félicitations; sincères condoléances; mes excuses les plus sincères; agréez mes sincères salutations; compliments, pensée sincère(s). Agréez (...) l'assurance très sincère de mon respect et de mon attachement (Courier,Lettres Fr. et Ital., 1809, p. 799).En vous suppliant de conserver le souvenir de ses sincères hommages. De Balzac (Balzac,Corresp., 1843, p. 617).V. agréer ex. 17. C. − Surtout en ARTS et LITT. Qui exprime une vérité, une réalité effectivement ressentie. − [En parlant d'une pers.] Créateur, observateur sincère. [Renoir] c'est tout autre chose qu'un virtuose, c'est un artiste profondément sincère et scrupuleux (Mauclair,Maîtres impressionn., 1923, p. 142): La critique de sincérité et d'exactitude (...). Peu importe qu'un homme soit sincère, s'il se trompe; l'état moral du témoin est indifférent à l'historien. Il est vrai que l'homme sincère a une chance de moins de nous tromper que le menteur; mais la sincérité a aussi ses illusions...
Rudler,Techn. crit. et hist. littér., 1923, p. 21. − [En parlant d'une œuvre artist. ou didact.] Quand l'œuvre est sincère (...), quand elle n'a point été conçue dans un but de gloire personnelle ou de profit (D'Indy,Compos. mus., t. 1, 1897-1900, p. 14).Un exposé clair et sincère des problèmes d'actualité (Becquet,Organ. loisirs travaill., 1939, p. 45). ♦ [P. méton.,] [en parlant de la manière de l'artiste] Art, style sincère; sincère contemplation de la nature; observation sincère. [David] c'était un peintre (...) scrupuleux, craignant toujours de remplacer l'expression directe et sincère par une habileté banale (Hourticq,Hist. art, Fr., 1914, p. 315). D. − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui est sincère. Le jour où elle [ma mère] repartait, jour de désespoir (...) je démêlais très bien le sincère au milieu du feint, sa tristesse qui perçait sous ses reproches gais (Proust,Plais. et jours, 1896, p. 143).Il n'était rien moins qu'aisé de discerner dans l'histoire d'Antisthène le vrai et le faux, le sincère et le feint (Milosz,Amour. init., 1910, p. 247). E. − [En parlant d'un document ou d'une consultation électorale] Qui n'a pas été altéré, faussé. Synon. authentique, véridique; anton. falsifié, truqué.Élections sincères. La comparaison méthodique entre les divers éléments (...) a permis de démasquer un très grand nombre de faux, et de préciser les circonstances où la plupart des documents sincères ont été produits (Langlois, Seignobos,Introd. ét. hist., 1898, p. 70).Si la réalité est conforme aux apparences, le document est sincère, on dit souvent authentique, mot amphibologique qui doit être employé avec précaution (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 671). Prononc. et Orth.: [sε
̃sε:ʀ]. Ac. 1694, 1718: -ce-; dep. 1740: -cè-. Étymol. et Hist. 1. a) 1441 « se dit d'une personne qui exprime sans détour ce qu'elle ressent » pur, sincère et net (Traité d'Emmanuel Piloti, sur le passage dans la Terre-Sainte ds Chevalier Cygne, éd. de Reiffenberg, t. 1, p. 319); cf. 1572 homme net et sincère (Amyot ds Littré); b) 1763 en parlant d'un écrivain (J. J. Rouss., Lett. à l'archev. de Paris, ibid.); 2. a) 1474 « qui est senti, pensé réellement, pur et net » union de sincere et inviolable foi (Traité entre la France et les cantons Suisses, 10 janvier ds Rec. gén. des anc. lois fr., éd. Isambert, Jourdan, Decrusy, t. 10, p. 698); b) 1797 « dans une formule de politesse, avec un sens atténué » (Sénac de Meilhan, Émigré, p. 1737); 3. 1804 « authentique » (d'un acte, d'un diplôme) inventaire ... sincère et véritable (Code civil, art. 1456, p. 267). Empr. au lat. class.sincerus « pur, intact, non fardé, non corrompu ». Fréq. abs. littér.: 3 103. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 335, b) 3 889; xxes.: a) 4 742, b) 4 560. |