| SIÉGER, verbe intrans. I. − Être assis à une place officielle, signe d'un pouvoir honorifique ou réel pour présider ou tenir séance. A. − 1. [Le suj. désigne une pers. (haut personnage, roi, pape, évêque)] Synon. de trôner.Le roi siégeait, habillé de pourpre et d'hermine, sur un trône très simple et cependant majestueux (Saint-Exup., Pt Prince, 1943, p. 438). − THÉOL. [Le suj. désigne Dieu ou les Bienheureux accueillis, selon la Bible, à ses côtés] [Le mendiant] siégeait avec les doux dans un Royaume Suave comme un cœur d'où découle tout baume. Et il siégeait avec les hommes dont les pleurs Lavèrent le regard et qui voient le bonheur (Jammes,Géorgiques, Chant 7, 1912, p. 78).[Dieu] demeure au ciel. Il y siège sur un trône, entouré des séraphins, qui forment sa cour et célèbrent sa sainteté (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 989). ♦ SYMBOLIQUE. Chez les Hébreux (...) l'homme qui déplorait la perte d'un objet chéri ou quelqu'autre grand malheur se tenait assis, et voilà pourquoi siéger et pleurer sont si souvent synonymes dans l'Écriture Sainte (J. de Maistre,Soirées St-Pétersb., t. 2,1821,p. 206, notes). − P. anal. et parfois iron. Occuper une place privilégiée au sein d'une assemblée ou occuper un siège d'une manière ostentatoire. Lui, avec un sourire, siégeait au haut de la table tout seul (Claudel, Agamemnon, 1896, p. 909).M'ame Bayard, qui siégeait à son comptoir, ne daigna pas tourner la tête (France, Crainquebille, 1904, p. 43): 1. Rendre des visites et en recevoir, siéger à des dîners d'apparat chez elle et chez les autres, ne manquer ni un bal, ni une exposition (...) être en représentation toujours, c'était encore, il y a quatre ans, l'unique affaire de cette femme à figure de déesse.
Bourget, Pastels, 1889, p. 72. ♦ [Le suj. désigne un animal] Du haut d'un excellent piano de Vienne où il [le chat] siégeait magistralement, il jeta sur la comtesse (...), ce regard mielleux et froid par lequel toute femme étonnée de sa beauté l'aurait saluée (Balzac, Fille Ève, 1839, p. 178). 2. DR. [Le suj. désigne un juge, un magistrat] Occuper une place déterminée pendant les séances au tribunal. Il revit, dominant l'estrade où les juges siégeaient sur trois fauteuils d'acajou, garnis de velours d'Utrecht rouge, les bustes de Chalier et de Marat (France, Dieux ont soif, 1912, p. 303). B. − Tenir séance, avoir un pouvoir électif et/ou délibérant dans une assemblée où l'on a été nommé soit à vie, soit pour un mandat déterminé. 1. [Le suj. désigne une pers.] a) Absol. Le règlement de la cour pourra prévoir que, selon les circonstances et à tour de rôle, un ou plusieurs juges pourront être dispensés de siéger (Charte Nations Unies, 1946, p. 117). b) Siéger à, au, dans.Je vais encore siéger dans ce vilain jury; vous ne sauriez croire l'expérience que j'ai acquise depuis huit jours en matière de forfaits (J.-J. Ampère, Corresp., 1856, p. 312): 2. Les gens qui s'étonnent de ne pas trouver parmi nous des politiciens usés, des académiciens somnolents, des hommes d'affaires manégés par les combinaisons, des généraux épuisés de grades, font penser à ces attardés des petites cours d'Europe qui, pendant la grande révolution française, s'offusquaient de ne pas voir siéger Turgot, Necker et Loménie de Brienne au Comité de Salut public.
De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 533. − En partic. ♦ Siéger à l'Académie, à l'Institut. Avoir un fauteuil à l'Académie, à l'Institut. Les médaillés du salon, les plus réputés d'entre les « officiels », nantis de postes enviables, siégeant sous la coupole de l'Institut (...), sont raillés par les critiques comme de simples fonctionnaires (Arts et litt., 1936, p. 72-6). ♦ Siéger dans un (jury de) concours. Un médecin ayant siégé dans un concours pour un hôpital et une discipline donnée, ne peut siéger pour le même hôpital et la même discipline, lors des deux concours qui suivent (Organ. hospit. Fr., 1957, p. 14). 2. [Le suj. désigne un ensemble de pers. réunies en assemblée délibérante (pol., jur., sc., etc.)] a) Absol. Les plus importantes de ces réunions sont le Congrès international de botanique qui siège tous les 5 ans, le Congrès de zoologie, le Congrès de physiologie et le Congrès des anatomistes (Civilis. écr., 1939, p. 26-8).Pour qu'une commission puisse valablement siéger, il est nécessaire que le tiers des membres soit présent (Ginestet, Ass. parlem. eur., 1959, p. 101). b) Siéger à, au, en.Normalement le corps législatif siégeait en public, mais il était obligé de siéger à huis clos sur la demande de cinq députés, c'est-à-dire, pratiquement toutes les fois que le désirait le gouvernement (Lidderdale, Parlement fr., 1954, p. 27). II. A. [Le suj. désigne une instit., une admin., une société] Avoir son siège officiellement établi (à). L'agence Claparon siégeait alors dans un petit entresol de la rue Chabannais (Balzac, Homme d'affaires, 1845, p. 408).Quoi qu'il advienne, le gouvernement ne siégera plus à Paris. Dès lors Paris ne sera plus la capitale et le Paris que nous aimions deviendra de l'histoire (Flaub., Corresp., 1871, p. 234). B. − Avoir son lieu d'implantation (à, dans). 1. [Le suj. désigne un inanimé concr.] Synon. se situer, se trouver.En face de l'humble maison à cinq étages siège un hôtel (Verlaine,
Œuvres posth., t. 1, Souv., 1896, p. 267).Entre deux fenêtres siégeait, barbu et cornu, le Moïse de Michel-Ange (France, Pt Pierre, 1918, p. 214). 2. MÉDECINE a) [Le suj. désigne un mal, une douleur] Être localisé dans un endroit précis du corps. Omer apprit que le mal siégeait au ventre. Lui-même souffrait parfois d'indigestions (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 114).[Les crampes d'estomac] donnent une impression de torsion souvent pénible pouvant irradier vers le dos mais siégeant elles aussi dans la région de l'épigastre (Quillet Méd.1965, p. 131). b) [Le suj. désigne une maladie et/ou ses manifestations cliniques visibles] Sous ces cartilages saillants et gonflés, entre les deux yeux vitreux siégeait un coryza éternel (Drieu La Roch., Rêve bourg., 1937, p. 203).Il faut rapprocher de l'épidermomycose la dysidrose, qui a également des rapports étroits avec l'eczéma. Elle siège aux mains et aux pieds (...) et est formée par de nombreuses vésicules (Quillet Méd.1965, p. 309). 3. Au fig., littér. ou poét. a) [Le suj. désigne un inanimé abstr.] Synon. résider, régner. − Siéger à, sur.Pourquoi la pâleur siége à ton front soucieux; Pourquoi, tel qu'un voleur tu détournes les yeux (Barbier, ïambes, 1840, p. 151).Il était impassible et dur, et sur sa bouche Siégeaient l'amer mépris et le vouloir farouche (Leconte de Lisle, Poèmes barb., 1878, p. 327). − Siéger en.En lui siégeait une force élégante, irrésistible, qui dans l'antiquité en eût fait un modèle (Jammes, Mém., 1923, p. 135). b) [Le suj. désigne une pers.] Rester présent. Henri de Régnier est le pair de ces grands poètes [Lamartine, Vigny] et siègera dans notre admiration bien au-dessus des Parnassiens en apparence inaccessibles (Proust, Chron., 1922, p. 176). Prononc. et Orth.: [sjeʒe], (il) siège [sjε:ʒ]. Ac. 1694, 1718: sieger; dep. 1740: sié-. Étymol. et Hist. A. 1. a) 1611 « [en parlant d'une assemblée, d'une cour] tenir séance » (Cotgr.: Le Parlement siegeoit); 1778 (Ac.; Le Parlement vient siéger au Châtelet); b) 1832 « avoir à demeure son siège dans un endroit » (Raymond); 2. 1798 « avoir son origine, se trouver dans » (Ac.: ce n'est pas là que siège le mal). B. 1. 1611 « occuper un siège pontifical, abbatial... » (Cotgr.: le Pape siegeoit 12 ans); 2. 1690 « occuper un siège dans une assemblée délibérante » (Fur.: les juges viennent sieger dans les Juridictions); 3. av. 1719 « occuper un siège considéré comme honorifique » ici, empl. par image (Mmede Maintenon ds Lar. 19e: on croit que la félicité suprême siège sur les gradins les plus élevés); 4. 1798 « [en parlant d'une personne] résider, habiter » (Ac.). Dér. de siège*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 450. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 716, b) 705; xxes.: a) 635, b) 539. |