| SAIGNÉE, subst. fém. A. − MÉD., ART VÉTÉR. 1. MÉD. Évacuation d'une certaine quantité de sang (par ponction ou section d'une veine, généralement au pli du coude), notamment à des fins thérapeutiques. Arrêter une saignée; saignée faite à propos, formellement contre-indiquée; saignée thérapeutique; saignée générale; saignée par ouverture d'une veine (ou phlébotomie), d'une artère (ou artériotomie); saignée locale, capillaire (des petits vaisseaux capillaires à l'aide de ventouses scarifiées ou de sangsues). Il se trouve que le sang, dans les membranes du nez et des yeux, se filtre en quelque sorte par la pression qu'il exerce, ce qui délivre les poumons et le cœur à la manière d'une saignée naturelle (Alain, Beaux-arts, 1920, p. 154).Dans les deux cas la pratique de la méthode de respiration artificielle de Schoeffer s'impose, avec, comme complément, dans le cas du noyé cyanosé, la saignée par coupure au lobe de l'oreille (R. Vuillemin, Éduc. phys.,1941, p. 161). − BIOL. Saignée de laboratoire. Saignée visant à prélever sur un animal donneur une quantité de sang dont le sérum possède des propriétés spéciales (immunigènes ou hémostatiques) sans pour cela provoquer la mort du donneur (d'apr. Villemin 1975). 2. ART VÉTÉR. Saignée (thérapeutique). Saignée consistant à soustraire à des fins thérapeutiques une partie du sang de l'animal, de manière à décongestionner tel ou tel organe ou appareil. Les accidents de la saignée sont la piqûre de la carotide et la phlébite (Lar. encyclop.). 3. Domaine relig.[P. réf. aux relig. juive et musulmane] Saignée rituelle. Méthode de sacrifice des animaux de boucherie (Lar. encyclop.). B. − 1. P. méton. a) Pli formé par le bras et l'avant-bras où se pratique souvent la saignée; ouverture par laquelle se faisait cette dernière. Pratiquer une saignée, (recevoir) un coup sur la saignée. L'homme se détacha de sa compagnie (...) et s'arrêta devant l'Empereur, l'arme à la saignée (d'Esparbès,Grogne,1905, p. 6).Parade: prendre appui à la saignée des bras de l'adversaire et le repousser en arrière (R. Vuillemin, Éduc. phys.,1941p. 174). b) Quantité de sang ainsi retirée. Une grande saignée; saignée abondante, copieuse, légère; juger la saignée suffisante. La sœur Julie: Me saigner encore? Merci! La sœur Flavie: Quoi! Une petite saignée vous fait peur,quand Jésus-Christ a donné tant de son sang pour vous? (Montherl.,Port-Royal,1954, p. 994). 2. P. métaph. ou au fig. a) Pertes, sacrifices financiers consentis ou imposés. Nombreuses saignées dans le porte-monnaie; une rude saignée à la bourse (de qqn), à son coffre fort. Un malheureux million! Joseph était assez fort pour supporter cette petite saignée sans dommage (Duhamel,Passion J. Pasquier,1945, p. 193).En Espagne au moment de la conquête de l'Amérique, quand les doublons de Ferdinand le Catholique et d'Isabelle sont exportés à l'étranger en dépit de toutes les mesures par lesquelles on cherche à tarir cette saignée (L'Hist. et ses méth.,1961, p. 348). − Saignée économique, fiscale. Une nouvelle envolée [de l'essor de l'automobile] suivra la victoire [après la 2eGuerre mondiale], mais en traduisant, d'une façon générale, les pénuries dues à la terrible saignée économique que représentent cinq ans de conflit (Tinard,Automob.,1951, p. 336).Faire une saignée fiscale sur le bénéfice d'une entreprise (Quillet1965). b) Grande perte d'hommes du fait d'une guerre, de l'émigration. L'effroyable saignée de la Première guerre mondiale; (provinces) soumise(s) à une épuisante saignée. Si les catholiques étaient des hommes, des fils pieux et charitables, ils recommenceraient, d'une façon beaucoup plus sérieuse, la saignée qui fut si bénigne en 1572 (Bloy,Journal,1902, p. 113). c) [Dans un domaine affectif, psychol.] Étranges cures modernes de la neurasthénie, qui substituent à une maladie du moi une autre maladie, l'hypertrophie du moi! Que ne pratiquez-vous une saignée à leur égoïsme, ou, par quelque réactif moral, que ne ramenez-vous leur sang, s'ils n'en ont pas de trop, de leur tête à leur cœur! (Rolland,J.-Chr., Amies, 1910, p. 1210). C. − Empl. spéc. 1. [Avec idée d'écoulement] a) ARBORIC. Extraction par incision, de divers sucs végétaux circulant dans certains organes de plantes (latex, résine, jus sucrés). Les saignées [des hévéas] doivent être arrêtées dès que l'on constate que la proportion de gomme contenue dans le latex diminue (Graffigny,Industr. caoutch.,1928, p. 30).Les matières sucrées du commerce sont extraites des sucs de quelques plantes seulement, par pression, par diffusion ou même par incision ou saignée de la plante: canne à sucre, betterave à sucre, érable, sorgho, palmier (Brunerie,Industr. alim.,1949, p. 23). − P. méton. L'incision faite à cet effet. Les gemmeurs des Landes pratiquent la saignée dans le tronc du pin à hauteur d'homme (Lar. Lang. fr.). b) Rigole pratiquée pour tirer de l'eau ou la faire écouler. Faire une saignée dans un étang, dans un cours d'eau (ruisseau, rivière), au travers d'un accotement (surélevé par rapport à la chaussée), dans une canalisation; assainir au moyen de saignées; faire des saignées pour dessécher un marais. On (...) [dirige] les eaux [de la cour à marchandises] (...) en plaçant (...) un caniveau (...) avec saignées transversales à travers la voie (Bricka,Cours ch. de fer, t. 1, 1894, p. 268).Le renard se régale encore de vers blancs. Les gros vers à peau tendue, que l'on voit cheminer en ondulant, après les semailles, le long des saignées (...) c'est là qu'on le chasse (...). Il arrive, suit la saignée, et absorbé par les vers, marche dans le piège et s'y prend (Pesquidoux,Chez nous,1923, p. 140). 2. [Sans idée d'écoulement] a) Gorge, gouttière pratiquée dans un objet. Aussi leur préfère-t-on [aux fleurets creux] souvent les fleurets hélicoïdes qui portent une saignée hélicoïdale (Bresson,Manuel prospect.,1923, p. 266). b) Entaille plus ou moins longue.
α) CARR. [Gén. en forme de triangle et de peu de profondeur, pratiquée dans la masse pour amorcer une encoignure ou une tranche] Ces saignées [faites sur les deux faces des gradins d'une carrière] sont tracées d'abord sur la partie supérieure jusqu'à rencontrer une fente naturelle de la roche (J. Cahen, Bruet, Carrières,1926, p. 71).
β) CONSTR. [Dans une maçonn. pour dégager une pièce de charpente ou de menuiserie, pour amorcer un sondage ou encore pour encastrer des tuyaux, des fils électriques, etc.] [Dans le chauffage indirect par l'eau chaude] les conduites de distribution formant en même temps surfaces chauffantes sont disposées dans des sortes de saignées verticales pratiquées dans les murs (Ser,Phys. industr.,1890, p. 872). Prononc. et Orth.: [sε
ɳe], [se-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 « coup qui fait saigner » (Enéas, 3650 ds T.-L.); 2. 1216 sainnïe « ouverture d'une veine pour tirer le sang » (Guillaume Le Clerc, Fergus, 66, 3, ibid.); p. métaph. et fig. 1660 « ce que l'on tire comme le sang » (Molière, Précieuses, 12); 1694 c'est une rude saignée qu'on lui a faite « on a tiré de lui beaucoup d'argent » (Ac.); 3. xiiies. sainée « partie interne du bras où se fait la saignée » (Gaufrey, éd. F. Guessard et P. Chabaille, 5721); 4. 1555, 8 mars fig. « rigole » (Journal du Sieur de Gouberville ds Poppe 1936, p. 40); 5. 1796 « incision faite à un arbre » (Encyclop. méthod., Art aratoire et du jard.). Part. passé subst. de saigner*. |