| SÛRETÉ, subst. fém. I. − Caractère de ce qui est sûr. A. − [Avec un compl. désignant un événement ou un phénomène] Caractère de quelque chose dont il ne fait pas de doute qu'il aura lieu, qu'il se produira. Synon. certitude.Villes en ordre sur la carte roulée et qu'une terre lente porte à lui avec la sûreté d'une marée (Saint-Exup., Courr. Sud, 1928, p. 7). B. − [En relation avec un subst. désignant une entité partic.] 1. [Le subst. désigne un animé] Capacité à agir d'une manière qui produise à tout coup l'effet recherché, qui atteigne le but visé. Synon. assurance.La sonate commença. Le petit homme la joua avec une sûreté imperturbable (Rolland, J.-Chr., Aube, 1904, p. 103). − [Avec un compl. indiquant le domaine d'action introd. par de ou dans + subst., par à ou pour + inf.] M. Théodore Rousseau unissant à une naïveté (...) une plus grande sûreté d'exécution (Baudel., Salon, 1845, p. 59).Jamais je n'ai mieux apprécié l'incomparable sûreté des chameaux à gravir les endroits les plus abrupts (Benoit, Atlant., 1919, p. 81): 1. Quelle sûreté dans le choix des mots! Quelle audace! Mais mon admiration pour Bossuet, il me faut l'ajouter aussitôt, semblable à celle que je porte à Hugo, s'en tient à la forme.
Gide, Journal, 1938, p. 1306. 2. [Le subst. désigne une entité abstr., un organe ou un objet] a) Propriété de ce qui fonctionne de manière fiable et conforme à son type. Les femmes ont des instincts d'une sûreté infaillible (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 624).L'Inconscient a une sagesse, une sûreté, une beauté à quoi la conscience libre n'atteint jamais, même à son suprême degré (Béguin, Ame romant., 1939, p. 137). − Sûreté de qqc.Il avait pris à ce métier la connaissance des lois, le goût des affaires, la sûreté de coup d'œil, l'habitude d'écrire, le don de bien parler (Lamart., Nouv. Confid., 1851, p. 57).Je voyais rarement Massart, mais je savais, avec cette sûreté d'intuition qui survit quelquefois à l'enfance, qu'il avait été (...) le vieil amant de ma mère (Nizan, Conspir., 1938, p. 234). b) P. méton. Propriété de ce qui témoigne de la capacité de quelqu'un à œuvrer de manière sûre. L'écriture de votre dernière lettre était altérée! Cette fois, je retrouve la sûreté de votre belle écriture (Sand, Corresp., t. 4, 1862, p. 307).Dans l'Évangile d'Ebon et le Psautier d'Utrecht, on trouve beaucoup de mouvement, un papillotement, une sûreté de trait qui rappelle l'art japonais (Maillet, Peint. relig., 1934, p. 32). II. − Gén. au plur. A. − Ce par quoi quelque chose est rendu sûr. Synon. assurance, garantie.L'homme fort ne prend aucune sûreté pour son avenir (Sand, Lélia, 1833, p. 281).Il ne tira ni argent ni sûreté d'avenir de cette femme (Goncourt, Journal, 1861, p. 951). − DR. CIVIL ♦ Garantie fournie pour l'exécution d'une obligation (d'apr. Cap. 1936). Le locataire qui ne garnit pas la maison de meubles suffisans, peut être expulsé, à moins qu'il ne donne des sûretés capables de répondre du loyer (Code civil, 1804, art. 1752, p. 318).Votre mari n'a pas de bon sens, disait Grandet en prêtant une somme à madame des Grassins, moyennant sûretés (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 183). ♦ Sûreté (réelle). Droit réel du créancier portant sur un bien ou un ensemble de biens appartenant au débiteur, qui confère au créancier le privilège d'être payé sur ces biens de préférence aux autres (d'apr. Cap. 1936, Romeuf t. 2 1958, cida 1973). Ma sœur, vous ferez cette affaire. Chesnel prendra ses sûretés sur nos biens pour le tout (Balzac, Cabinet ant., 1839, p. 41). ♦ Sûreté personnelle. Garantie donnée par une (ou plusieurs) personne(s) qui s'engage à payer à la place du débiteur si celui-ci fait défaut (d'apr. Baudhuin 1968). − ART MILIT. Places de sûreté. ,,Places qu'un prince, qu'un État donne ou retient pour la sûreté de l'exécution d'un traité`` (Ac.). − VÉN. Chasser en sûreté. [Le suj. désigne les chiens] Suivre la même trace (d'apr. Duchartre 1973, Baudr. Chasses 1834). B. − Vieilli. Mesure de précaution. Il était reconnu que Louvois, en campagne, prenait toutes les sûretés pour ce qui regardait sa précieuse personne (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 7, 1864, p. 74).Je prends mes sûretés en vue du pire, monsieur le vicomte, dit Jérôme, décidément hors de lui (Bernanos, Imposture, 1927, p. 385). − Proverbe. Deux sûretés valent mieux qu'une. Synon. vieilli de deux précautions valent mieux qu'une (v. précaution A 1). III. − A. 1. État ou situation de ce qui n'est pas en danger, de ce qui ne court aucun risque. Synon. sécurité. a) [Avec un compl. indiquant ce qui est préservé du danger]
α) Sûreté de + subst. − [Le subst. désigne un animé] Il manquait à la sûreté de Mmede Rênal de connaître les idées qu'on avait pu suggérer à l'homme duquel son sort dépendait (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 133). − [Le subst. désigne une activité] L'objet le plus important pour la sûreté de la navigation, est de fixer avec précision les latitudes et les longitudes des lieux où il abordera, et de ceux à vue desquels il pourra passer (Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. 43): 2. Paris (...) vit (...) passer le cortège splendide qui accompagnait à leur dernière demeure deux des noms de cette vieille aristocratie, les plus célèbres pour l'esprit traditionnel, pour la sûreté du commerce et le dévouement obstiné aux principes.
Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 210. − [Le subst. désigne un lieu] Le défaut de sûreté des chemins publics exigeoit cependant qu'il fût remis à un jour fixe (Nodier, J. Sbogar, 1818, p. 118).Le conseil de Bourgogne s'occupa aussitôt de pourvoir à la sûreté du duché (Barante, Hist. ducs. Bourg., t. 4, 1821-24, p. 418).
β) [Sans compl.] Dans presque toutes les maisons de Paris, il y avait à la porte d'entrée une petite ouverture carrée, avec un grillage très serré, de manière que les habitants de la maison pussent par avance reconnaître s'il y aurait sûreté pour eux à ouvrir (Mérimée, Chron. règne Charles IX, 1829, p. 197).Pour plus de sûreté, les gardes envahirent même les jardins (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 178). − Proverbes. La méfiance est la mère de sûreté ou Méfiance est mère de sûreté (Ac. 1835, 1878). La prudence est la mère de sûreté ou Prudence est mère de sûreté (Ac. 1935). V. prudence A 1 a ex. de Adam. b) Locutions
α) (Subst. +) de sûreté . Qui assure ou présente une protection. Appareil, chaîne, cheville, cran, fermoir, interrupteur, lampe, serrure, soupape, vase, verrou de sûreté. Ma porte fermée avec une clef de sûreté et mes volets cadenassés n'avaient pu laisser pénétrer personne (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Horla, 1886, p. 1090).La misère, la saleté et les maisons rouge-sang à deux ou trois étages, avec des courettes (...) et des escaliers de sûreté en fer qui servent surtout à étendre le linge (Morand, New-York, 1930, p. 75).V. loquet1ex. de Ledieu, Cadiat. − En partic. Épingle* de sûreté.
β) En sûreté. A l'abri du danger. Synon. à couvert, à l'abri.[John Mangles] entraîna Lady Helena et Mary Grant, qui furent bientôt en sûreté derrière les épaisses ridelles (Verne, Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 220).Ils seraient plus en sûreté chez Alexis que chez lui (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 244). − Vx. En sûreté de conscience. Avec la conscience tranquille. Est-il beaucoup plus humain de massacrer une famille de paysans allemands que vous ne connaissez pas (...) dont vous déshonorez en sûreté de conscience les femmes et les filles, parce que c'est la guerre? (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 649). 2. En partic. Situation d'un groupe social caractérisée par le fait qu'il est à l'abri du danger. Synon. sécurité, ordre. a) Sûreté de + subst.Le bourgeois s'inquiète de la sûreté de cette commune, il la trouve bien faible, bien mal garantie (Guizot, Hist. civilis., leçon 7, 1828, p. 6). ♦ Sûreté de l'État. Complot contre la sûreté de l'État. Il faut prendre des mesures sévères et différentes de celles qu'on a adoptées jusque ici, pour qu'il ne dépende pas des ministres de négliger impunément ce qu'exige la sûreté de l'État (Robesp., Discours, Guerre, t. 8, 1791, p. 63). b) Sûreté + adj.Je crois que la sûreté publique est surtout compromise, quand les citoyens voient dans l'autorité un péril au lieu d'une sauvegarde (Constant, Princ. pol., 1815, p. 72). − DR. Sûreté individuelle. ,,Élément de la liberté individuelle consistant dans la garantie contre les arrestations, détentions et pénalités arbitraires`` (Cap. 1936). Elle comptera sur l'avenir pour retrouver les formes qui garantissent l'ordre et la sûreté individuelle (Sand, Hist. vie, t. 1, 1855, p. 148). c) [Sans compl.] Mais nulle part les Français eux-mêmes n'étaient en sûreté contre ces nouvelles vêpres siciliennes (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 196).La division légère, destinée à l'exploration et à la sûreté éloignée, serait dotée d'engins plus rapides(De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 8). B. − P. méton. 1. Organisme de police chargé d'assurer l'information et la surveillance policière. L'ancien préfet d'Alger avait pris au même ministère la direction de la sûreté, et même l'on parlait de lui pour la préfecture de police (A. Daudet, Évangéliste, 1883, p. 152).Ce qu'ils ont fait de mon pauvre ami, le chef de la Sûreté Boïchlikof, est-ce recommandable, en vérité? (G. Leroux, Roul. tsar, 1912, p. 19). − Vx. Police de sûreté. Victorin recevait dans son cabinet une vieille femme (...) qui, pour parvenir jusqu'à l'avocat célèbre, mit en avant le nom terrible du chef de la police de sûreté (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 350). − P. anal. Sûreté militaire. Organisme militaire chargé d'assurer la surveillance policière des personnels militaires. Synon. sécurité militaire.Ce que vous faites, vous, c'est du langage convenu pour dérouter la Sûreté Militaire (Ghelderode, Pantagleize, 1934, iii, tabl. 9, p. 125). 2. Ensemble des locaux où se trouve le siège de la sécurité. Les portes de la Sûreté étaient gardées par des mitrailleuses (Malraux, Espoir, 1937, p. 545). Prononc. et Orth.: [syʀte]. Ac. 1694, 1718: seureté ; dep. 1740: sûre-. Étymol. et Hist. A. 1. 1135 « assurance » (Couronnement de Louis, éd. E. Langlois, 2561: Par dedenz Rome fu Guillelmes li ber, S'a Looïs son seignor coroné: De tot l'empire li a fait seürté); 1176-81 doner seürté que (Chrétien de Troyes, Chevalier au Lion, éd. M. Roques, 1918); 1225-50 doner seürté de (Lancelot du Lac, éd. E. Kennedy, I, p. 3, 25); 1474 lectres de sceureté (Arch. Nord B 1695, fol. 63 vods IGLF); spéc. terme de dr. a) 1273-80 seurtet « dans les Flandres, engagement pris sous serment devant le magistrat de respecter les biens et la personne de gens dont on est l'ennemi » (Reg. des Faides, 217, fo13 ro, Tournai ds Gdf.); b) 1685, 28 janv. « garantie fournie pour l'exécution d'une obligation » (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 173); 2. ca 1160 « disposition prise pour éviter un danger » seürté (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 8025); a) 1662 prendre ses sûretés (Molière, École des Femmes, I, 1); b) proverbes 1668 la méfiance est mère de sûreté (La Fontaine, Fables, éd. H. Regnier, t. 1, p. 258); id. deux sûretés valent mieux qu'une (Id., ibid., p. 328). B. 1. 1160-74 « situation de celui qui n'a rien à craindre » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, 2epart., 4223: chevalier ne vilain n'ont nulle seür(e)té Se ne fut en chastel ou en ferme cité); a) 2emoit. xiiies. [ms.] a seürté (1reContinuation de Perceval, éd. W. Roach, t. 1, 6769); b) 1422 en sceurté (Alain Chartier, Le Quadrilogue invectif, éd. E. Droz, p. 20: ilz me gardent bien de menger mon pain en sceurté); 1566 mener en seureté (L. Labé, I, 50 ds IGLF); 1579 estre en seureté (R. Garnier, La Troade, 2412, III, 79, t. 2, p. 160, ibid.); 1689, 24 juill. être en sûreté de + subst. (Mmede Sévigné, op. cit., p. 648); c) ca 1485 lieu de seureté (Mistère Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 4411); 1615 un port de seureté (E. Pasquier, Recherches de la France, p. 127 ds IGLF); 1636 ville de seurté (Monet: ville de seurté, accordée à quelcun pour sa seurté, ville de refuge); d) 1659 place de sureté « place qu'un État donne ou retient pour la sureté de l'exécution d'un traité » (La Rochefoucauld, Mémoires, éd. J. Gourdault, t. 2, p. 138); 2. 1561 « situation d'un groupe à l'abri du danger » (J. Grevin, César, p. 16 ds IGLF); 1585 seureté publique (N. Du Fail, Contes d'Eutrapel, II, 162, ibid.); 1798 chambre de sûreté (Rapport de gendarme ds Disc. et rés. affaire Orgères, II, 1, 76); 3. fig. 1576 la seureté de la conscience (N. Du Fail, Appendice, II, 380 ds IGLF); 1656, 10 avr. en sureté de conscience (Pascal, Provinciales, VI, éd. L. Lafuma, p. 109). C. 1. Ca 1165 « confiance » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 24584: quel seürté Poons aveir en vos dès ore?); 2. ca 1225-50 « qualité d'une personne qui éprouve et manifeste la confiance » (Lancelot du Lac, p. 388: Mais tex estoit sa costume que tozjorz ampiroit sa force a ore de midi, et si tost comme midis tornoit, si revenoit a doble et cuers et seürtez et force); 3. ca 1225 « qualité d'une personne sur laquelle on peut compter » (Gautier de Coinci, Miracles de Nostre Dame, D 82, 2572, éd. V.-F. Koenig, t. 4, p. 540: Nostre Dame est no seürtez); 4. dernier quart xves. « certitude » (Jean Molinet, Faictz et Dictz, éd. N. Dupire, p. 428: tu mourras, c'est ta seureté); 1675 avoir sûreté de + inf. (Corneille, Suréna, III, 2). D. 1636 « efficacité » (Monet: seureté: certitude d'agir sans faillir); spéc. id. seureté de la main (ibid.). Dér. de sûr*; suff. -(e)té*; la forme mod. est une réfection, très rare av. le début du xvies., de l'a. et m. fr. seürté (v. supra, et aussi un empl. isolé ds Froissart, Prison amoureuse, éd. A. Fournier, 26), dér. de seür sur le modèle du lat. securitas « exemption de soucis, tranquillité de l'âme » (v. sécurité). Fréq. abs. littér.: 3 946. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 946, b) 1 754; xxes.: a) 1 816, b) 1 654. Bbg. Gall. 1955, p. 40. − Quem. DDL t. 13, 15, 21, 27. |