| SÈVE, subst. fém. A. − 1. BOT., BIOL. VÉGÉT. et lang. usuelle. Milieu intérieur fluide des plantes vasculaires dotées d'un double appareil circulatoire, s'écoulant dans les différentes parties par les vaisseaux conducteurs des tissus, et assurant leur nutrition et leur croissance. Un arbre foudroyé, sa sève monte plusieurs printemps de suite, ses racines n'en finissent pas de mourir (Martin du G.,Thib., Épil., 1940, p. 913).V. aubier ex. 2, circuler A 2 a ex., chlorophylle ex., gonfler A 2 ex. de Pesquidoux, greffe2A 1 ex. 1 et 3: Les vrais arbres du parc, les sorbiers, les lilas,
Les ébéniers qu'avril charge de falbalas,
De leur sève embaumée exhalant les délices,
Semblaient se divertir à faire les coulisses...
Hugo,Contempl., t. 1, 1856, p. 139. ♦ [À propos du flot de ce liquide] Sève ascendante (v. ascendant A 3). Synon. sève minérale (Agric. 1983).Sève élaborée, descendante. Liquide contenant des matières organiques et minérales issues de l'activité métabolique, de la photosynthèse, plus visqueux en raison de la transpiration, et circulant dans le liber des végétaux ligneux ou dans les vaisseaux des végétaux herbacés. On appelle sève brute le flot qui monte, sève élaborée le flot qui descend. Celui-là monte par les canaux du bois, celui-ci descend par les canaux du liber, de l'écorce (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p. 17). ♦ Première sève, grande sève (littér.), pleine sève. Sève qui monte au printemps, de février à août; p. méton., époque, saison où ce liquide est en travail. À la fin d'août, après la grande sève, quand les jeunes pousses avaient pris du bois, et que les bêtes ne pouvaient plus les brouter, nous entrions dans la forêt (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 26).Un jeune tilleul abattu en mai pendant la pleine sève (Menon, Lecotté,Vill. Fr., 2, 1954, p. 8). ♦ Sève d'août, seconde sève. Sève générant une nouvelle pousse des feuillages des arbres, notamment des vignes et des arbres fruitiers, au cours du mois d'août (d'apr. Fén. 1970); p. méton., époque où a lieu ce phénomène. Les fleurs femelles [du chêne] produisent des glandes qui commencent à se former après la deuxième sève (Baudrillart,Nouv. manuel forest., t. 1, 1808, p. 124). ♦ Sève montante. Sève de printemps. Il prend l'air du matin, regardant se lever l'astre frissonnant de la saison nouvelle et la sève montante empourprer les bourgeons à la pointe des arbres (Pesquidoux,Chez nous, 1923, p. 160).Sève descendante. Sève d'automne. Un matin presque froid (...) où la sève descendante entraînait les feuilles qui s'abattaient en tournoyant comme des oiseaux (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p. 99). ♦ Circulation de la sève. V. circulation A 2 a.Montée de la sève. V. montée ex. 4. ♦ (Arbre) en sève, en pleine sève. (Arbre) qui subit la poussée de ce liquide, au moment où il est le plus abondant et le plus actif, au printemps. Au printemps: à cette époque, la montée de la sève produit une surtension de l'écorce particulièrement favorable. C'est l'écorçage naturel ou écorçage en sève qui se pratique sur taillis abattu ou sur taillis sur pied (Bérard, Gobilliard,Cuirs et peaux, 1947, p. 58). − Littér., au plur. Cette terre africaine (...) à présent s'éveillait de l'hiver, ivre d'eau, éclatant de sèves nouvelles; elle riait d'un printemps forcené dont je sentais le retentissement et comme le double en moi-même (Gide,Immor., 1902, p. 395).La nation française fait songer à un arbre greffé plusieurs fois, de qui la qualité et la saveur de ses fruits résultent d'une heureuse alliance de sucs et de sèves très divers concourant à une même et indivisible existence (Valéry,Regards sur monde act., 1931, p. 122). − [À propos de certains arbres où l'on pratique une entaille dans le tronc, d'où s'écoule un suc utilisé après fermentation, comme boisson ou dans des applications industr. et pharm.] Sans regretter son sang qui coule goutte à goutte, Le pin verse son baume et sa sève qui bout, Et se tient toujours droit sur le bord de la route, Comme un soldat blessé qui veut mourir debout (Gautier,Poés., 1872, p. 260).La sève de l'hévéa se nomme latex (Chapelain,Techn. automob., 1956, p. 210).V. érable ex. 2, lagmi ex. SYNT. Sève d'un arbre, des arbres, des bois, des plantes; sève de mars, d'avril, de printemps, d'automne; la première sève, la dernière sève d'un arbre; odeur(s) de sève(s); sève jaune, laiteuse, sucrée, abondante, débordante; jeune, forte sève; ascension, montée, poussée de la sève (au printemps); flot, afflux, montée, poussée, bouillonnement de sève; départ de la sève, des sèves; sève en travail; arbre, bourgeon, tronc plein, gonflé, gorgé, engorgé, craquant, éclatant de sève; la sève bout, bouillonne, coule, circule, déborde, jaillit, monte, remonte. 2.
ŒNOL. Parfum aromatique joint à la force d'un vin, dont l'impression persiste après l'absorption de ce vin. C'est encore [le vin] un reginglard, mais il a déjà de la profondeur, de la sève et un petit second goût de fleur (L. Daudet,Médée, 1935, p. 106). B. − Au fig. 1. Élan vital. Synon. activité, allant, ardeur, énergie, entrain, force, fougue, vie, vigueur, vitalité, vivacité; (au fig.) jeunesse, sang, feu. a) [En parlant d'une pers. du point de vue physiol. ou, p. méton., d'une partie du corps] − [En tant que qualité marquant un trait physique ou un comportement] La sève de la jeunesse; être plein, gonflé, débordant de sève. Ces poètes navigateurs (...) savaient quels doux monstres à figures de vierges tentaient en ce bas lieu toutes les formes de la vie et dépensaient en jeux cruels les premières sèves naissantes (Maurras,Chemin Paradis, 1894, p. 202).Je fus (...) heureuse surtout de voir le gentil malade renaître peu à peu... Ses chairs se regonfler et refleurir son visage, sous la poussée d'une sève neuve (Mirbeau,Journal femme ch., 1900, p. 135). − [En tant que vertu morale] La rude vie du paysan est (...) utile à l'entretien de la nation (...) par la forte sève du tempérament et du caractère que donne à l'homme le contact de la terre (Blondel,Action, 1893, p. 185).Son cœur était en deuil. Mais une telle sève était en lui que sa confiance dans l'art n'en fut pas ébranlée (Rolland,J.-Chr., Révolte, 1907, p. 390).V. jeunesse II A 1 a et II B ex. de Fromentin. SYNT. Sève ardente, brûlante, bouillonnante, débordante; forte, verte sève; déborder, regorger de sève; infuser à qqn une sève neuve. b) [En parlant d'une œuvre intellectuelle ou artist., d'un style] Énergie créatrice. Synon. âme, souffle, vie.Sève chrétienne, intellectuelle, populaire. L'Or du Rhin d'un bout à l'autre est un délice pour l'oreille et un amusement pour les yeux (...). La sève, la jeunesse, la poésie, la musique, l'inspiration y coulent à pleins bords (Claudel,Fig. et parab., 1936, p. 185). 2. Principe vital, essence. La sève du monde, de l'univers; la sève universelle. Le peuple m'a révélé la substance humaine, et mieux que cela, l'énergie créatrice, la sève du monde, l'inconscient (Barrès,Jard. Bérén., 1891, p. 126).Fallait-il donc frapper si fort pour que le sang et l'eau jaillissent? Ô blessure vraiment royale! Ô sève de Dieu qui s'épanche! (Claudel,Corona Benignitatis, 1915, p. 398).V. âme ex. 35. − [Comme symbole de vie, de génération] V. arbre II A 3 c rem.Dazéma appartenait au même maître. Comme ils s'y étaient multipliés, avec cette générosité de sève des familles d'autrefois, comme une pépinière, ils y manquaient de place (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p. 144). REM. 1. -sève, élém. de compos.a) 2. Appel-sève, subst. masc.,arboric., hortic. ,,Sur un arbre destiné à être greffé, (...) petite branche conservée près de l'extrémité des branches rabattues; (...) sa végétation appelle la sève et continue à la faire circuler dans les branches prêtes à recevoir les greffons`` (Bén.-Vaesk. Jard. 1981). b) Tire-sève, subst. masc.,arboric., hortic. On cherche à maintenir sur chaque cépée de taillis un ou deux tire-sève qui limiteront le développement des jeunes rejets (Cochet,Bois, 1963, p. 107). Séveux, -euse, adj.a) Bot. Propre à la sève. Couleurs séveuses de l'écorce. Les canaux séveux qui ravissent d'étonnement les naturalistes (Bern. de St-P.,Harm. nat., 1814, p. 87).b) Littér.
α) Qui concerne la sève. Ce beau ton vert sombre des rameaux séveux (Pesquidoux,Livre raison,1925,p. 8).
β) Qui concerne la pleine sève, la montée de la sève. Les pluies torrentielles de la saison séveuse (Pesquidoux,Chez nous, 1923, p. 179). Prononc. et Orth.: [sε:v]. Ac. 1694, 1718: seve; 1740-1835: séve; dep. 1878: sève. Étymol. et Hist. 1. 1erquart xiiies. [ms.] « suc nourricier des plantes » (G. Schessinger, Die altfr. Wörter im Machsor Vitry, n o157, p. 73); 1remoit. xiiies. pomme cuite sanz seve (De la fole et de la sage ds Nouv. Rec. Fabliaux, éd. A. Jubinal, t. II, p. 76); mil. xiiies. fig. « le sens symbolique » De l'E vous conterai le seve (Huon de Cambrai, ABC, 71 ds T.-L.); 2. 1413 « force, vigueur, ici en parlant d'un adolescent » (Christine de Pisan, Livre des faits et bonnes meurs du sage roy Charles V, éd. S. Solente, I, 9, p. 24); 1697 « principe vital » (Boss., Etats d'orais., V, 9 ds Littré); 3. 1538 « qualité distinctive de certains vins » (Est.). Du lat. class. sapa « vin cuit (jusqu'à réduction de la moitié, selon Varron, ou des deux tiers, selon Pline) »; devait signifier propr. « suc, sève ». Fréq. abs. littér.: 1 021. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 375, b) 1 595; xxes.: a) 1 802, b) 1 229. Bbg. Gohin 1903, p. 248 (s.v. séveux). − Stimm (H.). Fränkische Lehnprägungen im französischen Wortschatz. In: [Mél. Gamillscheg (E.)]. München, 1968, p. 606. |