| RINCER, verbe trans. A. − [L'obj. désigne un inanimé] Passer à l'eau claire, généralement après un lavage ou un traitement quelconque. Rincer un carrelage. Du carrelage bicolore aux appareils de cuivre et d'acier, des ustensiles aux vitres, tout [dans la laiterie] est lavé, rincé, astiqué, tout rayonne (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 217).Il avait rincé le premier dentier, l'avait essuyé, l'avait mis dans l'étui à la place du second qu'il avait ensuite rincé, essuyé et mis dans sa bouche (Billy, Introïbo, 1939, p. 94). − [L'obj. désigne un récipient] Frotter ou nettoyer à l'eau claire. Rincer des bouteilles. Lecouvreur frotte au grès le zinc du comptoir, rince les verres, les essuie méticuleusement, les aligne sur les étagères (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 52).Machine à rincer. Synon. de rinceuse (infra dér.).V. goupillon ex. 2. − [L'obj. désigne du linge] Passer à l'eau le linge savonné et frotté pour enlever les produits de lavage. La lessive, ainsi « coulée », est rincée, tordue, battue au lavoir, où les langues sont aussi vives que les battoirs (Menon-Lecotté, Vill. Fr., 2, 1954, p. 58).Absol. L'eau un peu calcaire rince moins bien que l'eau de pluie (Lar. mén.1926, p. 194). B. − [L'obj. désigne la pers., une partie du corps] Mouiller abondamment à l'eau claire, généralement après un lavage. Rincer les cheveux. Rincée, poncée, récurée, épucée, elle eût été charmante, et, si j'en croyais les avertissements de ma nature, remarquable dans le plaisir (Montherl., Pte Inf. Castille, 1929, p. 593): Une police attentive l'aura ramassé [le pauvre] sur la voie publique, avec les débris des poubelles et les chiens errants, lavé, rincé, passé au phénol, habillé d'un complet de toile sorti tout chaud de l'étuve.
Bernanos, Gde peur, 1931, p. 444. − Au passif, au fig., fam. Être trempé par la pluie. En Grèce nous avons souffert un peu du froid. Nous avons été bien rincés par les pluies et par les neiges (Flaub., Corresp., 1851, p. 310). − Empl. pronom. J'ai de l'eau pour me rincer, j'ai de l'huile pour me graisser (Claudel, Soulier, 1929, 1rejournée, 2, p. 697). − Empl. pronom. réfl. indir. Se rincer les bras, les cheveux, les dents. Il se lava les mains, se les rinça à plusieurs eaux (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 89). ♦ Se rincer la bouche (avec un liquide). Garder dans la bouche un liquide que l'on recrache. Il achève de vider la bouteille, se rince la bouche avec la dernière gorgée qu'il souffle en pluie sur les cendres rouges (Bernanos, Mouchette, 1937, p. 1278). ♦ Loc. fig., fam. Se rincer l'œil*. C. − Expr. pop. 1. Rincer le gosier à qqn, rincer qqn. Lui servir à boire. Rincer ses amis. Entrez, vous autres, qu'on vous rince le gosier! (Zola, Débâcle, 1892, p. 365). − Empl. pronom. réfl. indir. Se rincer le bec, la dalle, le gosier. Boire. J'avais hâte de filer pour aller me rincer la gorge au bistro du coin (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 319). 2. Rincer qqn, qqc. Voler, piller quelque chose, soutirer à quelqu'un de l'argent. Elle a bien rincé le petit d'Esgrignon, tout de même! (Balzac, Homme d'affaires, 1845, p. 420).Quelle idée de se fourrer dans cette bande qui « rinçait » les maisons de campagne, à Bois-Colombes (Coppée, Coupable, 1897, p. 237). − Au passif. Être rincé (comme un verre à bière). Être ruiné complètement. Moi? J'ai été nettoyé l'an dernier, rincé comme un verre à bière! (Claudel, Part. midi, 1906, i, p. 990). Prononc. et Orth.: [ʀ
ε
̃se], (il) rince [ʀ
ε
̃:s]. Ac. 1694, 1718: rinser, -cer; 1740: rincer, -ser; dep. 1762: -cer. Étymol. et Hist. 1. Trans. a) ca 1210 « nettoyer en lavant et en frottant » cil natoie, levë et rince (Guiot de Provins, Bible, éd. J. Orr, 2414); b) 1530 « id. en parlant du linge » je rainceray ces drapeaulx (Palsgr., p. 691); en partic. 1828 « le tremper dans l'eau claire après l'avoir lavé » (Mozin-Biber); c) 1740 « mouiller (en parlant de la pluie) » (Ac.: D'un homme qui a été fort mouillé [...] Il a été bien rincé); 2. id. a) 1391 rainser « battre, rosser quelqu'un » (Let. remiss., in Reg., 141, ch. 13 ds Du Cange, s.v. rama1); 1750 rincer (Favart ds Larch. 1861, p. 235); b) 1821 « voler, duper » (Ansiaume, Arg. bagne Brest, f o8 v o, § 166); 3. pronom. a) 1673 se rincer la bouche « se laver la bouche avec un liquide que l'on recrache » (Nouv. traité de la civilité qui se pratique en France parmi les honnestes gens [3eéd.], Paris, Josset ds Havard 1890); b) 1865 fam. se rincer le corridor « boire » (Vie parisienne ds Larch. 1872, p. 103); 1866 se rincer la dalle (Delvau, p. 426); c) 1883 se rincer l'œil (Fustier, Suppl. dict. Delvau, p. 548 qui cite Chavette). Prob. issu p. dissim. de l'a. fr. recincier « rincer », ca 1200 rechinchier (Jean Bodel, Jeu st Nicolas, éd. A. Henry, 1374), du lat. pop. *recentiāre (dér. de recens au sens de « frais ») continué par des formes dial. d'Italie − de Ferrare par la plaine du Pô jusqu'au Piémont − au sens de « rafraîchir, laver » (à côté d'autres qui continuent *recentare); v. FEW t. 10, p. 142b. Fréq. abs. littér.: 165. DÉR. 1. Rinceur, -euse, subst.a) Personne qui a pour charge de rincer la vaisselle. Une rinceuse de vaisselle. (Ds Lar. 19e-Lar. encyclop.). b) Subst. fém. Machine à rincer les bouteilles comportant un ou plusieurs goupillons mus par une manivelle. Rinceuse mécanique, à main. Les bouteilles [vides] trempées passent à la rinceuse et à la brosseuse (Boullanger, Malt., brass., 1934, p. 536).− [ʀ
ε
̃sœ:ʀ], fém. [-ø:z]. − 1resattest. a) 1561 [éd.] rinceurs de godets et de pots « bon buveur » (Pronostication generalle ds Rec. des poés. fr. des XVeet XVIes., éd. A. de Montaiglon, t. 4, p. 41), en m. fr. seulement (v. ex. ds Hug.), b) α) 1611 « personne chargée de rincer » (Cotgr.),
β) 1904 subst. fém. « machine à rincer » (Nouv. Lar. ill.); de rincer, suff. -eur2*. 2. Rinçoir, subst. masc.a) Récipient dans lequel on met l'eau servant à rincer. Les rinçoirs, fabriqués en tôle galvanisée (...) servent pour le trempage et le rinçage des bouteilles (Brunet, Matér. vinic., 1925, p. 466).b) Lavoir où l'on rince le linge passé à la lessive. Je retombais dans le clapotis bourbeux du rinçoir, de l'auge (Arnoux, Zulma, 1960, p. 149).− [ʀ
ε
̃swa:ʀ]. − 1resattest. a) 1800 papet. « vase pour rincer » (Boiste), b) 1870 « bassin où on rince le linge ou la vaisselle » (Littré); de rincer, suff. -oir*. BBG. − Chautard Vie étrange Argot 1931, p. 187. − Nigra (C.). Metatesi. Z. rom. Philol. 1904, t. 28, p. 2. − Quem. DDL t. 16, 19, 25; 7 (s.v. rinceur). − Thomas (A.). Nouv. Essais 1904, pp. 326-327; p. 367. |