| RETIRER, verbe 1reSection. [Re- exprime l'inversion d'un mouvement centrifuge] I. − Empl. trans. A. − Vieilli. Retirer (qqc.) en arrière, vers soi, etc. 1. Inverser le sens d'un mouvement, en tirant vers soi. Les deux jolis ruisseaux s'arrêtaient alors et rebroussaient de cours; le lac les retirait à lui comme avec un effroi de tendre mère (Sainte-Beuve, Volupté, t. 1, 1834, p. 159). − Empl. abs. Gabrielle, défendant sa gaine en la maintenant des deux mains par le bord: Laissez-moi! Laissez-moi! Le Général, tirant à lui par le pompon: Mais jamais de la vie! Gabrielle, retirant à elle par les bords: Laissez-moi! (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, ii, 10, p. 54). 2. [Le compl. d'obj. désigne une partie du corps] Synon. de rétracter, rentrer.[Le cheval] releva deux ou trois fois la tête, roulant un œil déjà vitré, retirant en arrière ses lèvres blanches d'écume (Gautier, Tra los montes, 1843, p. 81): 1. ... l'animal a été obligé de faire d'autres efforts pour retirer en arrière ces griffes trop saillantes et crochues qui le gênoient; et il en est résulté, petit à petit, la formation de ces gaînes particulières, dans lesquelles les chats, les tigres, les lions, etc., retirent leurs griffes lorsqu'ils ne s'en servent point.
Lamarck, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 258. − [Le suj. désigne une plante] [Les plantes] fermaient leurs feuilles, elles crispaient leurs anthères, elles retiraient leurs pétales au fond de leur calice (Sand, Lélia, 1833, p. 125). B. − Retirer (qqc.) de quelque part 1. Ôter, sortir (une chose) de, en tirant. Retirer la clef de la serrure, la casserole du feu, deux blessés de dessous les décombres. M. le marquis ne reçoit personne, répondit le valet en avalant une énorme mouillette qu'il retirait d'un large bol de café (Balzac, Peau chagr., 1831, p. 197).Et maintenant, elle [la mère] reposait brisée, mais comme une gangue dont on a retiré le fruit (Saint-Exup., Terres hommes, 1939, p. 257). − [Le compl. désigne une partie du corps] Avant mon voyage, je lui prenais la main, elle la retirait; aujourd'hui je retire ma main, elle la saisit et la serre (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 79).C'était la honte qui l'empêchait maintenant de retirer son bras (Radiguet, Bal, 1923, p. 113). ♦ Retirer la tête. Dégager sa tête, en reculant. Diable! se dit-il tout à coup, en retirant la tête de la fenêtre, comme s'il eût craint d'être reconnu (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 157). − [Le compl. d'obj. désigne ce qui recouvre qqc.] Retirer sa cravate, sa veste. Elle appuie sa tête contre lui, mais son chapeau la gêne. Elle le retire d'une main incertaine et le pose sur ses genoux (Colette, Cl. Paris, 1901, p. 247).Elle ôta d'abord ses souliers, puis retira ses bas, comme on pèle un fruit, d'un geste long et brusque qui dénudait d'un coup sa chair (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 584). − Loc. fig. ♦ Retirer son épingle du jeu (usuel avec tirer, v. épingle B 1 b ex. de Ponge). Se dégager d'une affaire en récupérant sa mise. − Hé, dans ces affaires-là, chacun s'en tire comme il peut, chère enfant! dit Gigonnet (...). Il y a de gros bonnets qui pensent à retirer leur épingle du jeu. − Bon! bon! Je vais retirer ma noisette (Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 348). ♦ Retirer les marrons du feu (usuel avec tirer, v. marron1A 1). Je l'aime, moi, cette honnête bourgeoisie qui a pris la Révolution en horreur depuis qu'elle n'a plus rien à y gagner (...) Laissons-lui (nous, les nobles), retirer nos marrons du feu, ventre-saint-gris! (Augier, Fils Giboyer, 1862, p. 18). ♦ Retirer un poids de dessus (la conscience) à qqn. Ton petit billet de ce matin m'a retiré un grand poids de dessus l'estomach; allons, tant mieux! nom d'une balle! (Flaub., Corresp., 1861, p. 274). 2. Prendre possession (de ce qu'on a laissé en dépôt, de ce qu'on a réservé). Retirer ses bagages de la consigne. Elle n'avait pas voulu retirer l'argent tout d'une fois (Zola, Assommoir, 1877, p. 486). − Récupérer, moyennant paiement, ce qui était engagé. Il avait ordre de lui compter la somme de quinze cents livres, pour retirer un billet qu'elle avait entre les mains (Restif de La Bret., M. Nicolas, 1796, p. 112).Vous avez vu, il lui a racheté ses chevaux, il lui a retiré ses bijoux (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 248). 3. Annuler (ce qui a été engagé dans le cadre d'une procédure, ce qui a été annoncé officiellement). Retirer sa candidature, sa plainte, un projet de loi. À défaut d'accord sur le prix, le propriétaire peut retirer son offre de vente (Gds ensembles habit., 1963, p. 9). ♦ Retirer un cheval (d'une course). Ne pas le faire participer à une course dans laquelle il était engagé. Des messieurs pointaient sur des programmes; Pichenette, retirée par son propriétaire, causait une rumeur (Zola, Nana, 1880, p. 1396). 4. Interrompre la distribution, la diffusion d'un produit. Retirer un billet de la circulation. ♦ Retirer une pièce du répertoire, de l'affiche, un film des programmes. Et bien, est-ce vrai? Votre pièce [de E. et J. de Goncourt] est retirée par ordre? Pourquoi? J'imagine que votre préface n'est pas étrangère à cela (Flaub., Corresp., 1865, p. 190). ♦ Retirer une marchandise de la vente, du commerce. Le fait qu'un tiers des viandes retirées de la consommation sont saisies pour tuberculose prouve la fréquence et l'importance de la maladie (Qq. aspects équip. agric., 1951, p. 39). 5. Retirer (un mot, un propos). Renoncer à affirmer (quelque chose). Synon. revenir sur, renier.Il y a des gens qui retirent volontiers ce qu'ils ont dit, comme on retire une épée du ventre de son adversaire (Renard, Journal, 1901, p. 711): 2. yvonne: Trop commode! Non, non, non... Je parlerai. Chacun son tour. Et, moi vivante, jamais tu n'épouseras cette ordure. michel, bondit: Tu vas retirer ce mot. yvonne, au visage de Michel: Ordure, ordure! ordure!
Cocteau, Parents, 1938, I, 4, p. 210. 6. Retirer qqn de.Faire quitter (à quelqu'un) un lieu, une institution qu'il fréquentait. Retirer ses enfants de l'école. J'accompagnai mon père et ma mère au couvent des Carmélites de la rue de Grenelle, pour en retirer ma sœur aînée, qui devait se marier quelques jours après (Jouy, Hermite, t. 2, 1812, p. 113). ♦ Faire retirer qqn (vx.).Lui faire quitter un lieu. Madame, continua-t-il en s'adressant à la reine, faites retirer cette jeune fille, elle n'est pas en état d'être vue (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 195). ♦ Laisser retirer (vx), laisser se retirer (mod.).Les mameluks lui mandèrent [au pacha] que, s'il voulait les laisser retirer avec leurs armes et leurs chevaux, on lui ouvrirait les portes de la ville (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 263). − Littér., au fig. Synon. de arracher, dégager, sortir (d'une situation difficile).Donc à Wagram, en 1809, je n'étais pas militaire, mais au contraire adjoint aux commissaires des guerres, place où mon cousin M. Daru m'avait mis pour me retirer du vice, suivant le style de ma famille (Stendhal, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 20): 3. Il la confessa donc, et le résultat de cette confession fut de retirer la jeune fille du désordre où plusieurs hommes considérables l'avaient entraînée; l'abbé Carron la mit à l'abri de toutes poursuites dans un couvent.
Sainte-Beuve, Volupté, t. 2, 1834, p. 157. C. − Retirer qqc. (à qqn) 1. Ôter, enlever. Retirer des vêtements, un pansement à qqn. Quand on lui retira son bandeau, il se trouva dans une chambre charmante, seul avec une inconnue décolletée et masquée (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p. 134). ♦ Retirer qqc. des mains (de qqn). Suzanne quitta la pose, vint jusqu'au jeune homme, lui retira des mains la palette avec précaution (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 209). − Loc. fig. ♦ Retirer une épine* du pied. Synon. arracher*, enlever, ôter une épine du pied. ♦ Retirer le pain de la bouche*. 2. Au fig. Cesser d'accorder (ce que l'on avait accordé, donné). Retirer son agrément, son amour, sa caution, sa confiance. Vous avez compté sur mon appui et je vous le retire (Staël, Corinne, t. 2, 1807, p. 269).Tout en le plaignant, [elle était portée à] lui retirer son cœur (Balzac, Annette, t. 1, 1824, p. 56).Empl. pronom. réfl. Ce qui ne se comprendra plus, car on s'est retiré tout moyen et tout fondement de généralisation (Renouvier, Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p. 38). ♦ Retirer la parole. Je mets aux voix l'exclusion temporaire de la salle des séances! Je vous retire la parole! glapit le fausset du président (Vogüé, Morts, 1899, p. 374). − Supprimer la jouissance (d'un titre, d'un droit), l'exercice (d'un mandat). Retirer la citoyenneté, la garde d'un enfant, le permis de conduire. Son avoué lui faisait craindre un procès de famille pour lui retirer son majorat (Maurois, Ariel, 1923, p. 159). D. − 1. Extraire (une substance) de. Divers produits [sont] retirés de ces huiles par l'acide sulfurique (Chartrou, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 16).Le traitement doit être mis en œuvre dès que la ponction lombaire a permis de retirer un liquide louche ou purulent, sans attendre les résultats du laboratoire (Quillet Méd.1965, p. 359).Empl. pronom. passif. L'opium (...) [peut] se retirer des différentes espèces de pavots, répandues presque en tous lieux par la nature (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 202). − P. ext. Récupérer. Pierret m'apprend que les belles tapisseries [de Rubens] se sont vendues à deux cents francs pièce (...) Un chaudronnier les a achetées pour les brûler et en retirer le métal (Delacroix, Journal, 1852, p. 447). 2. Au fig. Obtenir (un gain, un profit d'un investissement, d'une affaire, d'une activité économique). Teissier a fait des affaires toute sa vie; il en a retiré un capital considérable qui est bien à lui et que personne ne songe à attaquer (Becque, Corbeaux, 1882, iv, 6, p. 230).Dès le XIIesiècle, les ports du nord de la France, Boulogne, Calais, retirent de grands avantages de la pêche du hareng et de son commerce (Boyer, Pêches mar., 1967, p. 7). − P. ext. Obtenir (un résultat). Retirer de qqc. l'impression que... L'action, l'action dans le sens du bien, n'était pas inutile! Il en retira un allègement, une sensation d'exaltation et de bonheur immense (Van der Meersch, Invas 14, 1935, p. 144).Nous faisons de l'histoire comme on lit du Balzac (...) Dans les deux cas, nous retirons de notre aventure une leçon d'humanité (Marrou, Connaiss. hist., 1954, p. 250). E. − Vx. Retirer qqn.Lui accorder refuge, lui assurer un lieu de retraite. Synon. recueillir.Il (...) bâtit lui-même une espèce d'infirmerie, qu'il recouvrit de paille, dans le dessein d'y retirer les esclaves qui manquoient d'abri (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 509).Mon bonheur [Napoléon] eût été grand de retirer quelques vétérans civils et militaires (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 650). − Retirer qqn à soi. [Dans le lang. eccl.] Recueillir après la mort. Synon. rappeler, reprendre.Clélia prétendait qu'il ne fallait pas tenter Dieu; que ce fils si chéri était le fruit d'un crime, et que, si encore l'on irritait la colère céleste, Dieu ne manquerait pas de le retirer à lui (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 477). II. − Empl. pronom. A. − 1. [Le suj. désigne un être animé] Se mettre à l'écart de, s'éloigner de, sortir de. a) Se retirer de.Se retirer du passage, du chemin de qqn. Des demi-cloisons, placées pour couper le vent lorsque les glaces étaient abaissées, ménageaient des coins d'ombre que les amoureux avaient choisis (...). Ils s'étaient retirés du mouvement, les heures ne comptaient plus (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p. 168). ♦ Rare. [Avec un adv. de lieu, au lieu du compl. en de] Jeanne le vit et poussa un cri de joie... Il était vivant! Et puis elle se retira brusquement en arrière et retomba sans force et sans voix sur un siège (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 415). − Loc. fig. ♦ Se retirer de la lice. [Forster] me dit qu'il s'est retiré de bonne heure de la lice et blâme les artistes qui s'exposent trop longtemps à la critique (Delacroix, Journal, 1861, p. 321). ♦ Se retirer du monde. Cesser de mener une vie mondaine, publique. Tous appartenaient à la monarchie tombée, et s'étaient retirés du monde avec elle (Fromentin, Dominique, 1863, p. 68).Mener une vie d'anachorète, faire retraite dans une institution religieuse. C'est l'histoire d'un bonhomme qui s'est retiré du monde pour devenir un saint (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 85). ♦ Se retirer (d'un mauvais pas, d'une situation fâcheuse, etc.) (vieilli). Se sortir de, se dégager de. Je découvris quelque chose de blanc et de glacé, qui semblait attendre un moyen de se retirer de cette fâcheuse situation (Janin, Âne mort, 1829, p. 133). ♦ Se retirer de table avant le dessert (pop.). Interrompre le coït. Comment (...) ne pas avoir d'enfant? − C'est bien simple: mon homme (...) se retire de table au moment du dessert (Rossignol, Dict. arg., 1901, p. 94). b) Se retirer à, dans, sous, etc.Le reporter s'était retiré au fond d'un obscur couloir, après avoir sommairement noté les incidents de ce jour (Verne, Île myst., 1874, p. 43). − Se retirer dans ses appartements ou absol. se retirer. Quitter une compagnie, une société de gens pour s'isoler chez soi, dans ses appartements privés. V. appartement ex. 6. − Se retirer sous sa tente*. Au fig. Cesser de participer à. À l'heure où l'avion était encore dans les limbes, où Ader, découragé par l'incompréhension de l'armée, s'était déjà retiré sous sa tente, c'était le dirigeable qui paraissait être l'avenir (P. Rousseau, Hist. techn. et invent., 1967, p. 355). c) Empl. abs. Sortir. La comtesse rentre, suivie de Charles, qui pose sur un siège les vêtements du baron et se retire (Hermant, M. de Courpière, 1907, i, 8, p. 8).[Napoléon] n'était pas bien à dîner; il n'a pu faire ses parties d'échecs accoutumées; il s'est retiré souffrant aussitôt après la première partie (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 381).[Dans une formule par laquelle on donne congé] − Non, monsieur, non... Je vais vous dire encore... − Vous pouvez vous retirer (Saint-Exup., Vol nuit, 1931, p. 131). 2. Au fig. a) Se retirer (des affaires). Cesser d'avoir une activité économique (en parlant d'un entrepreneur). Retirés des affaires, les paisibles rentiers des deux villes se croisaient, tout bonnement, sur la route en rentrant chez eux (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 252). ♦ P. iron. [Le suj. désigne un brigand, un gangster, une prostituée] Vous n'êtes pas homme à vous retirer des affaires! − Excusez-moi, répondit-il avec une certaine hauteur: j'ai dit adieu au brigandage, et pour toujours (About, Roi mont., 1857, p. 284). − Empl. abs. Cesser d'exercer. Synon. se démettre, démissionner.Dans un régime conventionnel, la subordination de l'exécutif ne lui permet pas de poser la question de confiance. Il est à la disposition de l'Assemblée, il doit se retirer si celle-ci lui retire sa confiance, mais il ne peut poser des conditions à l'Assemblée (Vedel, Dr. constit., 1949, p. 464). ♦ [Avec un compl. circ. de lieu] Je suis toujours d'accord pour donner un coup de main aux corps francs, je leur passe des renseignements chaque fois que je le peux... L'argent, c'est autre chose... Ce serait reconnaître qu'ils sont plus capables que nous de l'utiliser avec efficacité, dans ce cas autant passer la main et nous retirer à la campagne (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 181). b) Vieilli. Se retirer de qqn.Prendre ses distances vis-à-vis de quelqu'un. Synon. se détacher, s'éloigner, se détourner.Il l'avait aimée d'abord d'un amour inquiet et charmant, comme tout sentiment qui s'ignore; puis, en voyant Hélène se retirer brusquement de lui, d'un amour silencieux et farouche (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 310).Nous fûmes laborieux. D'où vient qu'on se retire de nous? Faut-il qu'un honnête homme fasse, une fois au moins, scandale, pour se ménager une vieillesse? (Bernanos, Joie, 1929, p. 628). 3. [Le suj. désigne une armée] Reculer. Synon. battre en retraite*.Tous les convois de la 2earmée se sont retirés en très bon ordre. Le 20ecorps se reconstituera rapidement, le 16eassez rapidement, le 15eplus difficilement. On ne parle plus de se retirer au delà de la Moselle (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 286). − Au fig. Elle me dit aussi que ce couple, bien qu'il fût toujours en désaccord, ne s'était jamais disputé, chacun se retirant lorsque l'autre avançait (Lacretelle, Am. nupt., 1929, p. 63). 4. [Le suj. désigne un fluide, de la lumière] Abandonner un lieu temporairement occupé. Synon. refluer.La mer se retire. Insensiblement la clarté du jour se retira de ces douces vallées, et les riantes couleurs des prairies s'éteignirent dans un pâle crépuscule (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 44).Les eaux s'étaient retirées en laissant des taches de fange à tous les murs et à tous les arbres (About, Roi mont., 1857, p. 221). − Au fig. Qu'as-tu mon Calyste? lui dit sa mère à l'oreille. − Rien, répondit-il en montrant des yeux d'où la lumière et le feu de l'amour s'étaient retirés (Balzac, Béatrix, 1839, p. 200).J'ai eu tort de demander cela. La vie se retire complètement de son visage (Sartre, Nausée, 1938, p. 177). B. − Vieilli. [Le suj. désigne une substance] Se contracter, se recroqueviller. Ses fibres tenaces se prêtent à tous les efforts; elles obéissent à la main, et s'allongent sans peine: rendues à elles-mêmes, elles se retirent vivement, et reprennent leur première forme (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 203).La pièce, en cuisant et se retirant, tourne un peu (Al. Brongniart, Arts céram., t. 1, 1844, p. 169). − P. métaph. Le monde [le long d'une ligne de chemin de fer] s'étire s'allonge et se retire comme un accordéon qu'une main sadique tourmente (Cendrars, Du monde entier, Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France, 1913, p. 44). C. − Vx. Se retirer sur.Récupérer son profit sur. Synon. se rattraper sur.Ceux qui, malgré la foule immense des malheurs particuliers, attribuent un certain genre de bonté à la nature, la considèrent comme un spéculateur en grand qui se retire sur le nombre (Staël, Allemagne, t. 5, 1810, p. 156).Vu le grand nombre d'exemplaires, Engelmann diminuera ses profits en se retirant sur la quantité (Mérimée, Lettres Delessert, 1840, p. 2). III. − Empl. intrans., vx. Retirer à, de.Ressembler à. Synon. usuel tirer sur.Qu'ils étaient beaux vraiment ces vieux dragons horrifiques, endentés jusqu'au fond de la gueule, vomissant des flammes, couverts d'écailles, avec une queue de serpent, des ailes de chauve-souris, des griffes de lion, un corps de cheval, une tête de coq, et retirant au basilic! (Flaub., Champs et grèves, 1848, p. 354).Mais je vous dis, moi, que si Mariette est bonne aussi (...) c'est d'une manière qui ne retire pas de la vôtre (Sand, Fr. le Champi, 1848, p. 173). 2eSection. Empl. trans., rare. [Re- exprime l'itération] I. − A. − Exécuter un nouveau tirage (d'une œuvre imprimée, d'une photographie). Tu tiens le succès, le grand succès. On en demande cinq cents par jour, je retire à dix mille, et ça ne fait que commencer (L. Daudet, Qd vivait mon père, 1940, p. 17). B. − Tirer à nouveau au sort. (Dict. xixeet xxes.). II. − Exécuter un nouveau tir (Dict. xixeet xxes.). REM. 1. Retirade, subst. fém.,vx. a) Fortif. Synon. de réduit, retranchement (Dict. xixeet xxes.).b) Synon. de retraite.[Le jeune Béarnais:] Avant la retirade du soir et la prière (...) on jouerait un peu (D'esparbès, Roi, 1901, p. 49). 2. Retiraison, subst. fém.,transp. ,,Enlèvement d'une marchandise`` (Termes nouv. Sc. Techn. 1983). Synon. retrait. 3. Retirance, subst. fém.,vx. a) Lieu de retraite, gîte. Ma grand'mère me donne-t-elle la moindre chose, si ce n'est la retirance et le manger? (Sand, Pte Fad., 1849, p. 164).b) Ressemblance. [Le Champi] surprit dans la mignonne figure de cette mignonne jeunesse une retirance assez marquée de la figure chagrinante du défunt meunier (Sand, Fr. le Champi, 1848, p. 122). 4. Retirée, subst. fém.,vx. ou région. Gîte, hébergement. [Marie à M. le curé:] On refusait partout de me donner la retirée (Fabre, Oncle Célestin, 1881, p. 395).Rare. Marée descendante. Il pensa que le lendemain de Noël on serait au vingt-septième jour de la lune, et que par conséquent la haute mer serait à trois heures vingt et une minutes, la demi-retirée à sept heures quinze, la basse mer à neuf heures trente-trois, et la demi-montée à douze heures trente-neuf (Hugo, Travaill. mer, 1866, p. 124). 5. Retirure, subst. fém.,fond. Cavité dans une pièce résultant de la contraction ou d'une quantité insuffisante de métal. Synon. retassure. (Ds Chesn. t. 2 1858, Fonderie 1979). Prononc. et Orth.: [ʀ
ətiʀe], (il) retire [-ti:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Trans. et intrans. A. Trans. 1. 1160-74 « faire revenir en arrière, ramener à soi par un mouvement de retrait » ses rednes... retire (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 3973); [1585 retirer son espingle du jeu (Contes d'Eutrapel ds Dochez 1860)]; 1595 retirer son espingle (11 déc., Lett. miss. de Henri IV, t. IV, p. 475 ds Gdf. Compl., s.v. espingle); 2. a) ca 1485 « tirer quelqu'un d'un lieu où il était entré » (Myst. V. Testament, éd. J. de Rothschild, t. 3, p. 13, vers 17819: sa, la main pour vous retirer); en partic. 1667 [éd.] retirer du tombeau (La Fontaine, Oraison de St Julien, 196 ds
Œuvres, éd. H. Regnier, t. 4, p. 256); b) ca 1485 « tirer quelqu'un d'une situation fâcheuse » retirer de misère le povre estat d'humanité (Myst. V. Testament, p. 32, vers 18259); 3. a) ca 1590 [éd.] « faire quitter à quelqu'un par voie d'autorité une place » retirant ses soldats (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, II, III, p. 360); b) 1742 retirer une pièce « en faire cesser l'étude ou la représentation » (Alexandre ds Fér. 1788); 4. 1636 « rentrer en possession de quelque chose qui était déposé quelque part, moyennant certaines formalités » retirer son argeant deuers le banquier (Monet); 1690 retirer son enjeu (Fur.); 5. 1832 « enlever ce qui a été mis pour couvrir, protéger » retirer son chapeau (Delavigne, Louis XI, II, 13, p. 84). B. 1. [xiiies. « reprendre à quelqu'un ce qui avait été accordé; le dépouiller de ce qu'il possédait » tous les biens sont retirés et ravis (Th. de Navarre ds Dochez 1860)] 1875 retirer les morceaux [de pain] de la bouche de qqn (Zola, Faute Abbé Mouret, p. 1428); 2. xives. « tirer d'une chose ce qu'elle produit » (Valenciennes, acte du xives. relevé par M. Caffiaux ds La Curne); 3. 1553 « cesser d'accorder à quelqu'un un avantage » retirer sa miséricorde de nous (La Bible, s.l., impr. J. Gérard, II Macc., 6, 16); 4. a) 1664 « cesser de présenter quelque chose » retirer sa parole « se dégager d'une promesse » (Molière, Mariage forcé, 8); b) 1771 retirer sa prière (Volt., Lett. Schomberg, 13 mars ds Littré); 5. 1536 « conduire quelqu'un en lieu sûr pour qu'il y trouve asile » (M. Du Bell[ay] ds Littré). C. Intrans. 1538 retirer à « ressembler à » (Est.). D. Trans. 1. 1611 « tirer de nouveau avec une arme » (Cotgr.); 2. 1718 « tirer de nouveau au sort » retirer une loterie (Ac.); 3. 1886 « effectuer un nouveau tirage d'un ouvrage » (Goncourt, Journal, p. 566). II. Pronom. A. 1. a) xves. « s'éloigner du lieu où l'on se trouve » (Perceforest, t. I, f o50 ds Littré, s.v. vent); b) ca 1485 « aller s'établir dans un endroit tranquille pour s'isoler » Apart je me retiray (Myst. V. Testament, p. 423, vers 27042); en partic. 1559 part. passé adj. vie retirée « qui s'écoule à l'écart du monde » (Amyot, Numa, 9 ds Littré); fin xvies. id. « (d'un endroit) à l'écart, peu fréquenté » (D'Aub., Hist., I, 186, ibid.); 1588 [éd.] « qui vit à l'écart du monde » retiré et casanier (Montaigne, op. cit., I, XIII, p. 266); c) 1580 « rentrer en soi-même, s'absorber dans ses pensées » retirez-vous en vous (Id., ibid., I, XXXIX, p. 247); 2. 1538 « cesser d'exercer une activité » (Est.); cf. ca 1590 [éd.] se retirer de toute occupation civile et militaire (Montaigne, op. cit., I, XXXIV, p. 242); d'où 1811 part. passé adj. « qui a cessé toute activité, qui a pris sa retraite » tel bon marchand... retiré des affaires (Jouy, Hermite, t. 1, p. 141). B. 1. a) Ca 1485 milit. « faire mouvement vers l'arrière » (Myst. V. Testament, p. 331, vers 24904); cf. 1579 retirez vous, soldats (Garnier, Troade, V, 2409, t. 2, p. 160); b) 1688 « se porter légèrement en arrière, s'écarter de » (Saci, Bible, Job, XXIX, 8 ds Littré); 2. a) ca 1500 « en parlant de la mer, s'éloigner du rivage » ici part. passé adj. mer retirée « marée basse » (Commynes, Mém., éd. J. Calmette, I, 204); 1691 se retirer (Ozanam, p. 361); b) 1553 « (d'une rivière) rentrer dans son lit après avoir débordé » (La Bible, Gen. 8, 3); c) 1580 « (d'un liquide), couler en sens contraire du sens normal » le sang retiré (Garnier, Antigone, III, 1073, t. 3, p. 39); 3. a) 1508 [éd.] se retirer de qqc. « renoncer à s'y adonner » se retirent de plusieurs vices (Eloy d'Amerval, Le Livre de la diablerie, éd. Ch. Fr. Ward, p. 138); b) 1553 « s'éloigner de quelqu'un, cesser de le fréquenter » (La Bible, Psaumes, 6, 9); c) 1672 le Seigneur se retire « il n'accorde plus sa grâce » (Saci, op. cit., Juges, XVI, 20 ds Littré); 1691 Dieu se retire (Racine, Athalie, I, 1); 4. 1530 « se resserrer sur une ou deux dimensions » ma bourse de cuyr s'est retirée (Palsgr., p. 705); 5. 1687 « (en parlant de choses abstraites) disparaître peu à peu » (Fontenelle, Oracl., III, 5 ds Littré). Comp. du préf. re-* et de tirer*. Fréq. abs. littér.: 7 055. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 12 452, b) 11 597; xxes.: a) 8 198, b) 8 231. Bbg. Hope 1971, p. 149, 219 (s.v. retirade). |