| PROMISCUITÉ, subst. fém. A. − Vieilli ou littér. Mélange ou entassement confus, assemblage disparate de choses abstraites ou concrètes. Toute une saleté de matériel hors d'usage, amenée là à coups de balai, des quatre coins de la maison, et achevant d'y pourrir en paix dans une promiscuité dernière (Courteline, Ronds-de-cuir, 1893, 1ertabl., 2, p.29).Hier j'ai mal agi puisque c'était hier et je pressens aujourd'hui le jugement sévère que je porterai sur moi demain. Pas de promiscuité, surtout: je tiens mon passé à distance respectueuse (Sartre, Mots, 1964, p.198): 1. En dépaysant les oeuvres d'art, on les altère; en les entassant, on les déprécie. Belles dans leur cadre original, elles deviennent insignifiantes et vulgaires dans la promiscuité des salles de musées où, trop nombreuses, elles s'étouffent.
Réau, Archives, bibl., musées, 1909, p.2. B. − Assemblage, voisinage de personnes de moeurs, de milieux, de races ou de sexes différents dont le contact paraît choquant ou contraire à la bienséance. Promiscuité honteuse, avilissante; vivre dans la promiscuité. L'étrange éducation que la jeune femme donnait à l'enfant; les familiarités qui firent d'eux des camarades; plus tard, l'audace rieuse de leurs confidences, toute cette promiscuité périlleuse finit par les attacher d'un singulier lien, où les joies de l'amitié devenaient presque des satisfactions charnelles (Zola, Curée, 1872, p.481).À mesure que l'heure approche, la foule des ivrognesses augmente. La caisse est assiégée, il y a des contestations aux portes. Le guichet va s'ouvrir. Et Marie, la femme d'Yves, est là aussi, dans cette promiscuité immonde, tenant le petit Pierre par la main (Loti, Mon frère Yves, 1883, p.359). − En partic. Rapprochement sexuel de personnes contraire à un code moral ou une loi. Synon. concubinage, collage (pop.).Les couvents de femmes, fouillés en 1848 par mes amis (...), témoignèrent de la vérité du bruit qui courait, qu'elles vivaient dans une étonnante promiscuité avec leurs prêtres et moines, livrées indistinctement à tous et souvent enceintes (Michelet, Journal, 1861, p.575).Les vieilles accusations de promiscuité flottaient encore autour de ce ménage et la prude Mary en souffrait (Maurois, Ariel, 1923, p.241).Il me fallait, le soir venu, les promiscuités érotiques de ces splendides accueillantes pour me refaire une âme (Céline, Voyage, 1932, p.283). − ANTHROPOL. Promiscuité (sexuelle). Relations sexuelles soumises, chez les peuples primitifs, à des règles impératives. La maison des hommes Bororo est ouverte aux hommes mariés, celle des Sherenté est réservée aux célibataires; c'est un lieu de promiscuité sexuelle chez les Bororo, la chasteté y est impérative chez les Sherenté (Lévi-Strauss, Anthropol. struct., 1958, p.140). C. − Mod. Proximité, entassement de personnes résultant d'une situation particulière (généralement d'une exiguïté de lieu), ressentie comme désagréable ou néfaste moralement ou physiquement. Promiscuité de caserne, de palier, de prison, de table. L'étude de la philosophie me paraissait alors exiger un recueillement peu compatible avec l'atmosphère des classes et la promiscuité des camarades (Gide, Si le grain, 1924, p.518).Tous ces facteurs, auxquels s'ajoutent pour certains l'hérédité, le mauvais exemple, les promiscuités dues à l'exiguïté du logis, les suggestions de la rue, constituent le danger moral auquel sont exposés nombre de jeunes (Encyclop. éduc., 1960, p.202): 2. Des années de vie commune et de promiscuité animale avaient étouffé en nous, je ne dis pas la vraie délicatesse (au contraire, pour beaucoup nous étions devenus fort susceptibles à la moindre nuance du coeur), mais du moins cette délicatesse des moeurs qui naît du confort, de l'espace et de la liberté, toutes richesses fabuleuses qui nous apparaissaient alors comme d'un autre monde.
Ambrière, Gdes vac., 1946, p.158. Prononc. et Orth.: [pʀ
ɔmiskɥite]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist.1. 1731 «assemblage d'individus, de sexes ou de milieux différents, dont la réunion à un caractère disparate ou contraire aux bienséances» (Terrason, Sethos, t.2, p.239); 2. 1832 «mélange confus» (Balzac, L. Lambert, p.37). Dér. sav. de promiscuus «mêlé, indistinct, confondu», dér. de promiscere «mêler avant» (de pro «avant», v. pro- et de miscere «mélanger», v. miscible). Fréq. abs. littér.: 129. Bbg. Gohin 1903, p.262. |