| PLÂTRE, subst. masc. A. − [Désigne une matière ou un matériau] 1. Pierre à/de plâtre ou plâtre (cru). Gypse. Carrière de plâtre; four à plâtre; cuire du plâtre. Je leur ai fait connoître l'usage du plâtre crud et moulu, pour l'amélioration des herbages (Crèvecoeur,Voyage, t.3, 1801, p.54).Ces sortes de femmes ne deviennent exigeantes qu'au moment où elles se sont rendues indispensables, ou quand il s'agit d'exploiter un homme comme on exploite une carrière où le plâtre devient rare, en ruine, disent les carriers (Balzac,Cous. Bette, 1846, p.284).Les pierres à base de sulfate de chaux ne sont pas utilisées dans les constructions: ce sont le gypse ou pierre à plâtre (sulfate de chaux hydraté) (Bourde,Trav. publ., 1928, p.80). 2. a) Matériau obtenu par la calcination partielle du gypse et qui, réduit en poudre et délayé dans l'eau, est utilisé à divers usages (bâtiment, arts, chirurgie, etc.). Si au-dessus de ces crampons qui réunissent entre elles les pierres d'une assise, il y a des lits épais de mortier, ces crampons, enveloppés ou non de plomb, s'oxydent très-rapidement, gonflent et font éclater les pierres. L'oxydation est encore plus rapide si les lits sont remplis de plâtre (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p.30).Deux bécassines empaillées sur la cheminée de marbre gris, à côté d'un gros coquillage, et une monumentale statue de Notre-Dame de Lourdes, en plâtre blanc, d'un terrible blanc bleuté (Bernanos,Soleil Satan, 1926, p.239).Images et musique pour extra-lucides (...) claires comme les différences entre la main droite et la main gauche, belles comme l'arrivée au dernier étage d'une maison neuve, inhabitée et qui sent le plâtre frais, la blancheur, l'oubli (Éluard,Donner, 1939, p.169).V. aussi infra ex. SYNT. Faire du plâtre; battre, tamiser, gâcher du plâtre; couler, mouler du plâtre; plâtre à plancher, à bâtiment, à enduit; plâtre à mouler ou à modeler; le plâtre d'une cloison, d'un mur, d'un plafond; façade, crépis, murs de plâtre; buste, masque, statue de plâtre, en plâtre; modèle en plâtre. ♦ Plâtre éventé. Plâtre qui ayant subi l'action de l'air, a absorbé l'humidité et ne fait plus prise. [Le blanc des Égyptiens] se compose seulement de plâtre éventé délayé dans une matière collante (Manuel du fabricant de couleurs, t.1, 1884, p.1).Le plâtre éventé se reconnaît à son aspect grumeleux, à son toucher humide (Judet,Fractures membres, 1948, p.12). ♦ Plâtre noyé. ,,Plâtre gâché avec une quantité d'eau trop grande`` (Jossier 1881). ♦ Plâtre au panier, plâtre ordinaire, plâtre gros. Plâtre non tamisé, mais seulement criblé au travers d'un panier et servant à faire les hourdis et les crépis: . À Paris, où le plâtre est très abondant, l'enduit atteint jusqu'à 3 centimètres d'épaisseur. Il se fait en deux couches, la première dite au plâtre gros, c'est-à-dire grossièrement pulvérisé; la seconde, au plâtre au sas ou finement pulvérisé, est finie au moyen d'un outil tranchant, le berthelet qui dresse les surfaces mieux que la truelle.
Arts et litt., t.1, 1935, p.2-11. ♦ Plâtre au sas, au tamis de soie. Plâtre plus ou moins finement tamisé servant à faire les moulures et les enduits. V. ex. supra. ♦ Plâtre de Paris. ,,Matériau à base de sulfate calcique`` (Barb.-Cad. 1963, 1971). ♦ Plâtre à mouler/à modeler. Plâtre fin utilisé dans la confection de moules pour fabriquer d'autres objets ou à la prise de moulage constituant l'objet définitif (d'apr. Lar. encyclop.). ♦ Plâtre-ciment. ,,Carbonate de calcium contenant de l'oxyde de fer et de l'argile`` (Duval 1959). Pour employer le plâtre-ciment dans les constructions auxquelles il est propre, c'est-à-dire celles qui sont ordinairement exposées à l'eau ou à l'humidité, on le mêle généralement avec partie égale de sable (Chesn.t.21858). ♦ Carreau de plâtre. ,,Élément préfabriqué pour cloisons, fait avec du mâchefer aggloméré au plâtre`` (Duval 1959). La région des impasses fangeuses, des ateliers en carreaux de plâtre, des baraques de chiffonniers (Romains,Hommes bonne vol., 1938, p.118). − Locutions. ♦ Battre qqn comme plâtre. Battre quelqu'un très violemment. Le malandrin décrépit se jeta sur moi, me pocha les deux yeux, me cassa quatre dents, et, avec la même branche d'arbre, me battit dru comme plâtre (Baudel.,Poèmes prose, 1867, p.218).L'autre jour, elle descendait un escalier. Un homme tombe sur elle et la bat comme plâtre en la traitant de femme saoule (Renard,Journal, 1905, p.1023). ♦ [Comme compl. de nom] De plâtreQui manque de transparence, de souplesse ou de mobilité; qui est figé, rigide ou opaque. Chaque torrent dépassé, on croit trouver l'Inn moins large et moins furieux. C'est tout le contraire. Ce fleuve qui précipite, sous nos yeux, ses vagues de plâtre, me fait penser aux anciennes migrations des barbares, à leurs cours torrentueux (Michelet,Chemins Europe, 1874, p.512).Il me semble que désormais, plus que la soif, j'éprouve les effets de la soif. Cette gorge dure. Cette langue de plâtre (Saint-Exup.,Terre hommes, 1939, p.239).Des corbeaux qui aiment ces temps de plâtre brûlants et guettent alors à la pointe des branches comme par temps de neige (Giono,Hussard, 1951, p.13).Qui manque d'efficacité, d'existence réelle. Après mon voyage en Espagne avec les cavaliers de Mina, j'étais venu affranchir ses compatriotes du joug absolutiste, soumettre le roi de plâtre (Adam,Enf. Aust., 1902, p.308). b) P. anal.
α) Fam. et péj. Blanc de fard et p.ext. fard, poudre. Sait-on jamais le vrai avec ces créatures-là, reprit Morel; quand elles se sont ôté tout leur plâtre et tout leur coton, elles restent souvent plus délabrées qu'un vieil hôtel garni dont on a enlevé tous les meubles (Flaub.,Éduc. sent., 1845, p.53).Tout ce que la voilette, arrêtée au-dessus de la bouche, ne me dérobait pas, disparaissait sous la couche de plâtre et de peinture qui recouvre aujourd'hui le peuple entier des femmes (Mauriac,Journal 1, 1934, p.30).
β) Fam. [Pour évoquer la consistance trop ferme et l'aspect crayeux de certains fromages à pâte molle] Ce camembert n'est pas fait; c'est du plâtre (Rob.).
γ) Arg., vx. Argent (métal). Une tocante en plâtre (Vidocq ds Riv.-Car.1969). − P. ext. Argent (numéraire). Ils étaient d'ailleurs convaincus qu'on voulait nous, garder tout le plâtre pour pas partager avec eux! (Céline,Mort à crédit, 1936, p.532). ♦ En partic. Profit, petit bénéfice illicite. C'était moi quand même le patron... Ça c'est joliment appréciable! Une fois nourris mes pigeons j'étais absolument libre... Je me grattais toujours un petit plâtre sur les reventes au public (Céline,Mort à crédit, 1936, p.468). B. − P. méton. Ce qui est en plâtre. 1. Au plur. Ensemble des ouvrages, des revêtements en plâtre (d'une construction). Refaire les plâtres. Les plâtres se sont fendus, les planchers ont cédé, la mousse a verdi jusqu'aux alcôves (Zola,Nouv. Contes Ninon, 1874, p.19).On avait remis à neuf l'établissement, et les plâtres suaient. Le soir, avec le chauffage et la lumière, les murs de la loge coulaient en eau (Colette,Music-hall, 1913, p.35). − Loc. fig. Essuyer les plâtres. V. essuyer A 1 d. 2. BEAUX-ARTS. Objet, motif ornemental moulé en plâtre. Les plâtres de la corniche, de la frise. Ce chef-d'oeuvre du figuriste Sévallée et du peintre Guillot représentait un abbé assis et lisant. Rien ne manquait à son costume. De loin, on le prenait pour un personnage; de près, on voyait que c'était un plâtre (Bertrand,Gaspard, 1841, p.44).Chaque maison en creux en produit une en relief comme un plâtre qu'on ôterait d'un moule, ou une tour qu'on sortirait d'un puits (Gautier,Tra los montes, 1843, p.2). − En partic. a) Reproduction en plâtre, d'une statue, d'un motif ornemental. Je suis passé aux plâtres des métopes du Parthénon; ces plâtres avaient pour moi un triple intérêt (Chateaubr.,Mém., t.4, 1848, p.347).Un boursier nous parle de ses terres cuites, se sauve, revient et nous met dans les mains un plâtre moulé d'après un groupe de Marin (Goncourt,Journal, 1858, p.442). ♦ [Suivi d'un compl. désignant une pers. réelle ou un personnage mythique] Reproduction en plâtre de la statue ou du buste de cette personne. Ils tiennent leur buste immobile et leur cou tendu. On croirait voir des plâtres de Cicéron, de Démosthènes, de Cujas, allant par les rues (Balzac,Théor. démarche, 1833, p.638).Plagiat pour plagiat, j'aime mieux un beau plâtre pris sur la Diane chasseresse qu'un monstre de bois vermoulu décroché d'un grenier gothique (Musset,Lettres Dupuis Cotonet, 1836, p.670). ♦ [Suivi du nom de l'auteur de la sculpture originale] En parlant, il tendait la main vers un plâtre de Michel-Ange qui est sur la cheminée (Martin Du G.,J. Barois, 1913, p.538). ♦ Plâtre antique. ,,Figure, bas-relief de plâtre moulé d'après l'antique`` (Ac. 1835-1935). L'étude des plâtres antiques, le culte de la ligne sévère, étaient, pour eux [les peintres], depuis David, la grande affaire et l'unique pédagogie (A. Michel,Peint. fr. XIXes., 1928, p.119). ♦ Sing. à valeur de coll. Reproductions moulées en plâtre servant de modèles dans le dessin d'imitation. Dessiner d'après le plâtre. Anton. dessiner d'après nature (d'apr. Bég. Estampe 1977). b) Le plâtre de qqn. Moulage, masque en plâtre avec lequel on a pris l'empreinte du visage de quelqu'un; reproduction de ce moulage. On n'a pas son portrait, mais on a son plâtre, d'après lequel on le peindra, d'après lequel on fera son buste (Ac.1835-1935). 3. CHIR. Plâtre chirurgical ou plâtre. Appareil de différents types, fait de tissu imprégné de plâtre à modeler et qui sert à immobiliser un segment de membre, un membre ou une partie du corps, dans le cas de fractures ou de certaines lésions. Faire un plâtre; avoir une jambe dans le plâtre; plâtre de marche. Le plâtre circulaire est sans danger entre des mains exercées; il est autrement précis et contentif que les gouttières. Faute d'en avoir la pratique ou dans l'impossibilité de surveiller constamment le blessé, il vaut mieux recourir aux gouttières classiques (Judet,Fractures membres, 1948, p.14).Le nerf peut être contusionné et même rompu au cours de la fracture de l'extrémité supérieure du péroné. Il peut également être comprimé par un plâtre de jambe trop serré (Quillet Méd.1965, p.370). ♦ [Suivi d'un adj. désignant la partie du corps immobilisée] Plâtre antibrachial (Lar. méd.t.31972). − P. méton. Être, mettre (qqn) dans le, un plâtre. Avoir, maintenir (chez un malade) une partie du corps immobilisée dans un plâtre. Sur le conseil d'Antoine, il avait fallu mettre Huguette dans un plâtre (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p.111). REM. Plaster, plasteur, subst. masc.,région. (Canada). [Anglicisme] Sparadrap. Marlo, mets-y un «plaster» sur la gueule, crie Jean-Louis qui a peine à retenir sa prisonnière (C. Bay,J'ai osé..., 1973, p.163 ds Richesses Québec 1982, p.1823). Prononc. et Orth.: [plɑ:tʀ
̥]. Ac. 1694 et 1718: plastre; dep. 1740: plâtre (accent circonflexe < amuïssement de s; maintient [ɑ] dans les dér.). Étymol. et Hist.1. a) Ca 1165 constr. plastre (Troie, éd. L. Constans, 14921); b) 2emoitié du xves. expr. je vous battray plus que plastre (Farce du Cuvier, 132 ds A. Tissier, La Farce en France de 1450 à 1550, t.1, p.70); c) 1694 plur. «légers ouvrages de bâtiments» (Corneille); d) 1842 expr. essuyer les plâtres sens propre et fig. (Ac. Compl.); 2. 1551 «objet moulé en plâtre» (D. Lottin, Rech. hist. sur la ville d'Orléans, t.1, p.397: plâtres peints et moulés du roy et de la reine); 1718 (Ac.); 3. 1647 «fard, maquillage» (Rotrou, Don Bernard de Cabrère V, 6 ds OEuvres, Paris, 1820, t.5, p.165 ds IGLF: D'un art mal agencé le plâtre et la peinture Sur sa pendante joue ont caché la nature); 1658 fig. (Balzac, De la cour, 5ediscours ds Littré); 4. 1872 chir. appareil en plâtre (Lar. 19et.8, p.696b); 1900 (Gide, Corresp. [avec Valéry], p.371: trois semaines de plâtre ... pour le bras gauche); 1928 (Martin du G., Thib., Consult., p.1080: nous lui ferons son plâtre samedi); 5. 1962 fam., en parlant d'un camembert (Rob.). Dér. par aphérèse de emplâtre* p.compar. de la consistance visqueuse du plâtre avec celle d'un emplâtre. Fréq. abs. littér.: 812. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 897, b) 1675; xxes.: a) 1491, b) 893. DÉR. Plâtrerie, subst. fém.a) ,,Emploi du plâtre. Travaux de plâtrerie`` (Littré). b) Usine où l'on fabrique le plâtre. Synon. plâtrière.Pantin multipliait les plâtreries, à cause des carrières de gypse de Romainville (J. Romains,Les Hommes de bonne volonté, t.IX, I, p.9 ds Rob.).− [plɑtʀ
ə
ʀi]. − 1resattest. a) 1334 plastrerie «ouvrage en plâtre» (L. Delisle, Actes normands de la Chambre des Comptes sous Ph. de Valois, p.71), b) 1858 «lieu où l'on fabrique le plâtre» (Chesn. t.2); de plâtre, suff. -erie*. BBG. −Quem. DDL t.2 (s.v. plâtre en ruine). Sculpt. 1978, p.563, 569. |