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PIÉTÉ, subst. fém.
A. − Vx. Synon. de pitié.Vierge de piété. (Dict. xixeet xxes.).
Mont-de-piété*.
B. −
1. Attachement fervent à Dieu; respect des croyances et des devoirs de la religion. Piété sincère, vive; accès, esprit de piété. La piété s'oppose à la dissipation d'âme, qui est le défaut et la grâce de la nation française (Staël, Corinne, t.2, 1810, p.17).Dans l'expression, il [le Pérugin] était parvenu à rendre la piété, non pas passionnée, il est vrai (...) mais cette piété qui consiste à sentir son âme devant Dieu (Stendhal, Hist. peint. Ital., t.2, 1817, p.399).V. bigotisme ex.2:
1. ... la profonde piété de saint Louis a peu de traits communs avec les inquiétudes de Philippe Auguste, souvent mélangées de quelque superstition craintive et beaucoup plus encore de scepticisme ou de mordante ironie. Faral, Vie temps st Louis, 1942, p.26.
PATHOL. Pierre* de piété.
2. Sentiment de respect pour les dieux, pour les pratiques de leur culte. Je suppose que Rome (...) s'adresse ainsi à votre éternité: «Grand prince, ayez égard à cette vieillesse où ma piété envers les dieux m'a fait parvenir. Libre comme je le suis, je m'en tiendrai toujours à la religion de mes ancêtres (Chateaubr., Martyrs, t.3, 1810, p.7).Les Katchinas sont des semi-divinités qui sont l'objet principal de la piété des Indiens Pueblos du Nouveau-Mexique (Jeux et sports, 1967, p.10):
2. ... la piété du polythéiste hellène était l'adoration des passions, des crimes, des vices de chacun. En sacrifiant, Alexandre et César n'étaient point pieux. L'amant d'Éphestion et la maîtresse de Nicomède pouvaient adorer Jupiter et Ganimède sans se repentir, puisqu'au contraire ils adoraient ainsi ce symbole de leur passion divinisée. Vigny, Journ. poète, 1852, p.1296.
3. P. méton. Expression, manifestation relative à la piété. Piété publique. Je me le disais avec une sorte de satisfaction non pas d'orgueil, mais de charité, en voyant toutes ces jeunes piétés épanouies (Sainte-Beuve, Volupté, t.2, 1834, p.226).L'émotivité est aussi à la source de diverses aberrations religieuses. Toutes les exaltations s'y nourrissent, depuis les délires hystériques collectifs, rituels dans quelques sectes, jusqu'aux fièvres malsaines de certaines piétés (Mounier, Traité caract., 1946, p.740).
4. Par personnification. Au chant VIedu Lutrin, il avait mis ces vers dans la bouche de la Piété qui se plaint à Thémis du relâchement des derniers siècles (Sainte-Beuve, Port-Royal, t.5, 1859, p.344).La Piété antique est le prototype de l'Orante, cette femme debout, les bras levés, qui symbolise à la fois le défunt et la piété (Maillet, Peint. relig., 1934, p.15):
3. De ton toit (...) Regarde s'envoler (...) L'Innocence, la Foi, la Paix, vierges augustes, Et la Piété sainte et le coeur des Lois justes. A. France, Poés., Noces, 1876, p.201.
C. − Sentiments humains alliant l'affection au respect. Piété paternelle, conjugale:
4. Les Anciens donnaient aux vertus domestiques le nom de piété: l'obéissance du fils envers le père, l'amour qu'il portait à sa mère, c'était de la piété, pietas erga parentes; l'attachement du père pour son enfant, la tendresse de la mère, c'était encore de la piété, pietas erga liberos. Tout était divin dans la famille. Sentiment du devoir, affection naturelle, idée religieuse, tout cela se confondait et ne faisait qu'un. Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p.119.
En partic.
1. Amour respectueux des enfants pour les parents. L'amour filial, qu'on appelle aussi à juste titre la piété filiale a moins de force que l'amour paternel (Simon, Devoir, 1854, p.181):
5. ... on ne demande point autre chose au petit enfant que de profiter des bonnes choses qui l'entourent, comme lait, air pur, eau du bain. Il croît en masse et en vigueur, et c'est sa manière de dire merci. Telle est la gratitude substantielle, la première en tous, et le modèle de toutes. Le mot gratitude est fait de grâce, et rien n'égale la grâce de l'enfant. Ce qui restera après des années de ce riche amour, on le nommera piété filiale, et ce mot est encore parmi les plus forts. Alain, Propos, 1924, p.593.
2. Respect envers les morts. La piété publique lui composa de royales funérailles, et l'opinion, voulant exprimer la pensée commune, rencontra pour parler de lui des expressions qui venaient du coeur de tous (Lacord., Éloge fun. Drouot, 1847, p.7):
6. ... nous aperçûmes des fosses fraîches, marquées d'une croix de bois grossière que la piété des fossoyeurs improvisés ornait d'un casque, parfois d'une pipe, d'une photo de femme ou d'une fourragère. Ambrière, Gdes vac., 1946, p.32.
3. Attachement à la patrie, à certaines abstractions. Cette piété qui s'attache aux lieux est aussi une portion du noble sentiment qui nous unit à la patrie (Nerval, Bohême gal., 1853, p.215).Au premier étage un musée, entretenu avec piété par la Société des Fils de la Révolution, montre orgueilleusement des meubles d'époque, une antique cheminée ornée de drapeaux confédérés en faisceaux (Morand, New-York, 1930, p.53):
7. La piété envers la patrie dans laquelle nous sommes nés, et avons été nourris, est, comme la piété envers les parents, une vertu qui se rattache à la justice: nous sommes débiteurs à l'égard de notre patrie selon les bienfaits de toute sorte.... Maritain, Primauté spirit., 1927, p.135.
REM.
Pieuseté, subst. fém.,rare, synon. péj.Tu sais que j'ai été élevé avec elle [une religieuse] (...) une pieuseté! Mon enfant! Incroyable (La Varende, Centaure de Dieu, 1938, p.164).
Prononc. et Orth.: [pjete]. Homon. piéter. Ac. 1694 et 1718: pieté; dep. 1740: piété. Étymol. et Hist. 1. Fin du xes. «pitié» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 200: pïeted); 2. 1541 «fervent attachement au service de Dieu, aux devoirs et aux pratiques de la religion» (Calvin, Institution de la religion chrestienne, éd. J.-D. Benoît, l. III, chap.II, 10, p.27); 3. av. 1628 «attachement fait de tendresse et de respect» (Malherbe, trad. de Sénèque, Traité des bienfaits ds OEuvres, éd. L. Lalanne, t.2, p.193). Empr. au lat. pietas (v. pitié), d'abord au sens dér. de «pitié», pris au sens du lat. class. Fréq. abs. littér.: 1634. Fréq. rel. littér.: xixes. a) 3104, b) 2040; xxes.: a) 2311, b) 1816. Bbg. Marchand (H.). Archivum linguisticum. 1939, t.23, pp.95-98. _Wartburg (W. von). Z. rom. Philol. 1942, t.62, p.152.