| PARENTHÈSE, subst. fém. A. − Procédé stylistique consistant à insérer dans le corps de la phrase principale un élément grammatical autonome (mot, proposition, phrase...) qui en précise le sens ou introduit une digression. Sa période (...) se déroule avec une lenteur processionnelle (...). Conjonctions, adverbes, parenthèses, tout y trouve place, tout fait nombre (Sainte-Beuve,Tabl. poés. fr., 1828, p.114): 1. Cette phrase [de Marcel Proust] (...) étourdissante dans ses parenthèses qui la soutenaient en l'air comme des ballons, vertigineuse par sa longueur, (...) vous engaînait dans un réseau d'incidentes si emmêlées qu'on se serait laissé engourdir par sa musique, si l'on n'avait été sollicité soudain par quelque pensée d'une profondeur inouïe...
Morand,Visit. du soir, 1949, p.11. − P. méton. Développement accessoire dans un discours, un texte. Introduire, ouvrir, fermer une parenthèse; longue, interminable parenthèse. Comme toutes les vieilles femmes dont la vie se passe en bavardages au coin du feu, (...) elle fit des parenthèses, elle raconta ses malheurs (Balzac,Splend. et mis., 1846, p.406): 2. J'ouvre ici une petite parenthèse pour demander pardon au lecteur de la précision méticuleuse avec laquelle, depuis quelques pages, je reproduis nos faits et gestes; mais je dois dire tout de suite que les événements les plus futiles ont une importance en réalité considérable...
G. Leroux,Parfum, 1908, p.87. − P. anal. Épisode plus ou moins long de l'existence, qui est considéré comme accessoire ou extérieur au déroulement normal de cette existence. Sa vie à elle s'enfonçait toujours plus dans l'Église, comme si son mariage n'avait été qu'une parenthèse (Jouve,Paulina, 1925, p.22).Une fois prononcé le oui nuptial, Costals s'attendait donc à subir une dépression. Il n'en fut rien. (...) sa folie le laissait étrangement calme. «D'une façon ou l'autre, cette parenthèse sera fermée dans deux ans...» (Montherl.,Lépreuses, 1939, p.1395). B. − 1. Chacun des deux signes typographiques en forme d'arc de cercle ( ), entre lesquels on place l'élément que l'on veut isoler; encadrement ainsi formé. − [L'élém. à isoler est un mot, une phrase, etc. (supra A)] Mettre un mot entre parenthèses. Tel était M. Creton (du Coche), dont le véritable nom eût dû s'écrire entre deux parenthèses, car il provenait d'une appellation familière (Champfl.,Bourgeois Molinch., 1855, p.16): 3. ... il est très peu vraisemblable (...) que la tendance actuelle du marché puisse se maintenir jusqu'à la date que vous avez indiquée, ouvrez la parenthèse, le 31 décembre prochain, fermez la parenthèse, point.
Camus,Cas intéress., 1955, 1ertemps, 1ertabl., p.603. − MATH. [L'élém à isoler est une expr. algébrique; la parenthèse indique qu'une même opération doit s'appliquer à toute l'expr.] Dans son algèbre (1572), Bombelli (...) introduisit (...) l'usage des parenthèses dans les calculs algébriques (Gds cour. pensée math., 1948, p.158). − LOG., LING. FORMELLE. [L'élém. à isoler est un mot ou un groupe de mots dans une phrase, les parenthèses indiquent graphiquement comment structurer la phrase en regroupant les constituants immédiats] Voir Mounin 1974. 2. P. anal. (de forme). [La peau d'un serpent] est très belle; marquetée sur le dos (...) de rectangles très réguliers gris clair, encerclés de noir dans une parenthèse plus pâle (Gide,Voy. Congo, 1927, p.757).La parenthèse parfaite des moustaches roux-gris (Malègue,Augustin, t.2, 1933, p.35). ♦ Expr. fam. Jambes en parenthèses. Jambes arquées. Ses jambes en parenthèses étaient prises dans une culotte chamois (Morand,P. de Saligny, 1947, p.122). C. − 1. Loc. adv. Entre parenthèses, par parenthèses. [Dans un discours, pour introduire une remarque n'ayant pas de rapport direct avec ce qui précède ou suit] Soit dit en passant, incidemment. La bonne dame, qui porte un nom à courant d'air, −entre parenthèses, −m'a écrit une lettre angoissée et pleine de réticences (Bourget,Actes suivent, 1926, p.139): 4. Je ne peux rien vous dire du Dernier Amour (dont la dédicace, par parenthèse, me vaut les plus aimables plaisanteries), par l'excellente raison que je n'en ai pas lu une ligne; j'attends que tout soit fini et en volume.
Flaub.,Corresp., 1866, p.228. 2. Au fig. Mettre (qqn, qqc.) entre parenthèses. Négliger, exclure, faire abstraction de. Il faut empêcher [pour Sade] que la jouissance dégénère en attachement, il faut la mettre entre parenthèses et la durcir (Camus,Homme rév., 1951, p.62).Elle commençait (...) à ne plus penser à vous pendant ce séjour parisien, car si elle parvenait à vous mettre entre parenthèses pendant ces quelques jours écoulés, (...) alors ce voyage (...) lui apparaîtrait comme une réussite (Butor,Modif., 1957, p.188). − PHILOS. Mise entre parenthèses. ,,Dans le vocabulaire de la phénoménologie: action par laquelle l'esprit, sans rejeter la croyance spontanée au monde des existences et au monde des valeurs, s'abstient de toute affirmation à leur égard et suspend son assentiment`` (Foulq.-St-Jean 1962). Le phénoménologue (...) ayant mis le monde «entre parenthèses» ne l'a pas perdu pour cela. La distinction conscience-monde a perdu son sens (Sartre,Imagination, 1936, p.153). Prononc. et Orth.: [paʀ
ɑ
̃tε:z]. Ac. 1694 et 1718: -these; dep. 1740: -thèse. Étymol. et Hist. 1. 1478-80 «phrase accessoire formant un sens distinct et séparée de la phrase où elle est insérée» (Guillaume Coquillart, Le Blason des armes et des dames, 402, éd. M. J. Freeman, p.265); 1578 par parenthèse «sans rapport avec ce qui précède» (H. Estienne, Deux dialogues du nouv. langage fr. italianizé, II, 180 ds Quem. DDL t.18); 1832 entre parenthèses (Hugo, N.-D. Paris, p.265); 2. 1626 «signes dont on enferme les mots d'une parenthèse» (J. Pussot, Journalier, p.269, E. Henry et C. Loriquet ds Gdf. Compl.); 3. 1687 «digression» (Fontenelle, Oracles, préface ds Littré). Empr. au lat. parenthesis, empr. au gr. π
α
ρ
ε
́
ν
θ
ε
σ
ι
ς «action d'intercaler». Fréq. abs. littér.: 430. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 598, b) 587; xxes.: a) 431, b) 744. DÉR. Parenthétisation, subst. fém.,ling. Représentation graphique de la structure d'une phrase en constituants immédiats au moyen d'un système de parenthèses emboîtées les unes dans les autres. L'une des raisons qui a conduit à introduire la notion de parenthétisation (ou structure en constituants) dans la théorie grammaticale est qu'elle permet de rendre compte systématiquement de divers types d'ambiguïtés grammaticales (J. Lyons,Ling. gén., trad. de Fr. Dubois-Charlier et D. Robinson, Paris, Larousse, 1970, p.192).− [paʀ
ɑ
̃tetizasjɔ
̃]. Rob. 1985 donne en ce sens parenthésage, subst. masc. et considère parenthétisation comme var., chez des linguistes théoriques. − 1reattest. 1968 ling. (Lar. encyclop. Suppl.); dér. sav. de parenthèse, suff. -(a)tion*. BBG. −Quem. DDL t.13, 19. |