| PÉNITENT, -ENTE, adj. et subst. I. − Adj., THÉOL. CHRÉT. [Corresp. à pénitence A 1 et A 3] A. − 1. [En parlant d'une pers.] Vieilli. Qui est contrit d'avoir péché, qui a le regret intérieur et effectif de ses fautes; qui pratique des exercices de pénitence. Synon. contrit, repentant.Pécheur pénitent; femme pénitente. David avoit jadis pleuré son péché dans ces lieux: de toutes parts on voyait sur les murs des vers écrits de la main du monarque pénitent, lorsqu'il versa ses larmes immortelles (Chateaubr., Martyrs, t. 3, 1810, p.85).Je voudrais bien me ranger à une meilleure vie. Je viens à vous, plein de contrition. Je suis pénitent. Je me confesse. Je me frappe la poitrine à grand coups de poing (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p.453). 2. Qui manifeste le repentir. Larmes pénitentes. Ces stances pénitentes d'une adorable ingénuité: Le ciel est par-dessus le toit (A. France, Vie littér., 1891, p.314).Dans la nuit d'un confessionnal, il jeta toutes ses faiblesses. Il heurta le bois vernis de son front pénitent (Mauriac, Enf. chargé de chaînes, 1913, p.218): 1. Madeleine repentie, elle expie dans d'austères pratiques les tendres péchés de sa jeunesse. Sa prunelle blanche prêche l'amour de Dieu, et son oeil tout pénitent ne pleure qu'eau bénite.
Sainte-Beuve, Tabl. poés., fr., 1828, p.138. B. − P. ext. [En parlant d'un inanimé] Consacré, voué à la pénitence. Tous [les habitants des nations de l'Orient], d'accord sur quelques points de son histoire, célèbrent sa vie pénitente [de Dieu], ses mortifications, ses jeûnes, ses fonctions de médiateur et d'expiateur (Volney, Ruines, 1791, p.158).Le couvent de chez Mmede Duras est un vrai cloître, rude, austère, pénitent (Sainte-Beuve, Portr. femmes, 1844, p.52). II. − Substantif A. − 1. RELIG. CATH. [Corresp. à pénitence A 2] Personne qui se confesse auprès d'un prêtre pour recevoir le sacrement de pénitence. Absoudre, confesser un pénitent. Hiltrude, la pénitente du pape Eugène (Hugo, Rhin, 1842, p.231).Rastignac s'était confessé à lui-même: il avait été le prêtre et le pénitent, le juge et l'accusé (Balzac, Splend. et mis., 1844, p.26).«Ouvre la porte de la pénitence... Donne-moi les larmes qui lavent l'impureté de mon coeur» implorent le prêtre et le pénitent ensemble (Philos., Relig., 1957, p.52-2). − Loc. verb. fam., vx. Avoir l'air d'un pénitent. ,,Avoir l'air contrit, humilié ou affecter cet air par hypocrisie`` (Ac. 1835, 1878). 2. HIST. RELIG. CATH. Personne qui, ayant gravement péché, se trouvait exclue de la participation aux sacrements et devait se soumettre en public à certaines pénitences avant d'être réintégrée dans la société des fidèles. Exclusion, réconciliation des pénitents. Dans la primitive église, le pénitent s'accusait à voix haute devant l'assemblée des fidèles (Coppée, Bonne souffr., 1898, p.181). B. − [Corresp. à pénitence A 3] 1. Personne qui fait pénitence, qui vit dans l'austérité. M. Le Noir de Saint-Claude, qui demeurait depuis environ quatorze ans (...) dans la petite maison de la cour (...) y vivant le plus qu'il pouvait en solitaire et en pénitent, et ne redevenant avocat la plupart du temps qu'en guêtres encore et en sarrau (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p.549). − En partic. Religieux, religieuse appartenant à un ordre ou à une congrégation voués particulièrement à la pénitence: 2. ... le souvenir et l'exemple du glorieux séraphin d'Assise, dont elle [St Élisabeth] était déjà fille comme pénitente du tiers-ordre, l'emporta dans son coeur (...) et elle se décida à embrasser sa règle dans toute sa rigidité primitive...
Montalembert, Ste Élisabeth, 1836, p.197. 2. Membre d'une confrérie laïque qui se livre à des exercices particuliers de pénitence, qui participe à des oeuvres de charité et qui porte dans certaines occasions une longue cagoule caractéristique. Pénitent blanc, bleu, gris, rouge; file, procession de pénitents. Les prières bourdonnantes des pénitents noirs qui accompagnaient un criminel au supplice (Bertrand, Gaspard, 1841, p.129).V. aussi infra ex. 4: 3. À la nuit close, les «pénitents» revêtus d'une robe monacale noire ou brune, la tête couverte d'une cagoule qui ne laisse voir que leurs yeux, chargent une longue et lourde croix sur les épaules de l'un d'eux ou portent un Christ mort, à la lueur des torches dans les rues du village (Auvergne).
Menon, Lecotté, Vill. Fr., 1, 1954, p.59. III. − Subst. masc., spéc. A. − GLACIOL. Pénitents (de neige). Lames de neige sèche, à la surface du névé, qui se développent jusqu'à dépasser la taille d'un homme et sont propres aux névés et aux glaciers des montagnes tropicales ou subtropicales sèches (d'apr. George 1970). Les pénitents font songer aux confréries de pénitents blancs qui défilent encore en Espagne pour les processions de la Semaine Sainte, d'où leur nom (L. Lliboutry, Traité de glaciol., Paris, Masson, t. 1, 1964, p.372): 4. Les phénomènes d'ablation sont à l'origine, à la surface des glaciers, d'un microrelief dont une des formes les plus caractéristiques sont les pénitents de neige (...). Ce sont des reliefs en saillie, de forme grossièrement conique (...). Ils forment toujours des champs parfois très denses, où la circulation entre les pénitents est malaisée.
J. Tricart, A. Cailleux, Traité de géomorphol., Paris, t. 3, 1962, p.38. B. − JEUX (de société). [Corresp. à pénitence B 1 c] Personne qui, au cours d'un jeu, se voit attribuer une pénitence: 5. Le joueur qui ordonne la pénitence s'adjuge généralement le rôle de guide et, prenant alors par la main celui qui a failli, il le prie de tenir un chandelier et l'entraîne dans le cercle formé par les assistants. Chaque fois qu'il arrive devant une dame il l'embrasse galamment et, par compensation, essuie avec son mouchoir la bouche du pénitent qui tient le chandelier.
D'Allemagne, Récr. et passe-temps, 1904, p.191. C. − MINES, vx. Homme qui était chargé dans les mines d'enflammer préventivement le grisou avant que ce gaz ne fût en trop grande quantité dans les galeries (D'après Mots rares 1965). Autrefois (...) un homme (...) enflammait (... ) les accumulations [de grisou] (...) [Son] costume, [son] capuchon de cuir (...) lui avait fait donner le nom de pénitent (Haton de La Goupillère, Exploitation mines, 1905, p.989).Malgré les descentes fréquentes du pénitent pour enflammer les poches de grisou, (...) il [le piqueur ou le traîneur] sait le danger d'un éboulement, d'une irruption de gaz ou d'une venue d'eau (E. Schneider, Charbon, 1945, p.169). Prononc. et Orth.: [penitɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. Ac. 1694 et 1718: pe-; 1740: pe- mais «Pécheur pénitent``; dep. 1762: pé-. Étymol. et Hist. I. Subst. A. Ca 1200 «châtiment, punition» (Chevalier au cygne, 67 ds T.-L.), ex. isolé et leçon isolée du ms. BN fr. 1621, cf. The Old French Crusade Cycle I, Beatrix, éd. J. A. Nelson, 1875, paiemens (cf. var.). B. 1. a) 1598, 19 juin «membre d'une confrérie de laïcs pratiquant la pénitence» (doc. Arch. Hte-Garonne E 920: la Confrairie de Mr St Hierosme des Poenitans Bleus [de Toulouse]); b) xvies. «personne qui fait pénitence» (Vaux-de-vire d'Olivier Basselin, éd. P. L. Jacob, Paris, 1858, XXX, p.54: [Eau] Beuvrage de pénitent); 2. 1636 «personne qui va en confession» (Monet); 3. 1902 spéc. glaciol. pénitents des neiges (Écho des Alpes, no9, pp.339-40 ds Quem. DDL t. 27). II. Adj. 1. 1370-72 «qui se repent» (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, VII, 12, p.388: non penitent ou non repentant); 2. 1603 «(d'une chose) qui exprime la pénitence; voué à la pénitence» (M. Régnier, Satires, XIII, 30, éd. G. Raibaud, p.173: Son oeil tout pénitent ne pleure qu'eau bénite). Empr. au lat. paenitens «qui regrette, qui se repent» (part. prés. du verbe impers. paenitet, v. pénitence) employé comme subst. dans la lang. chrét. au sens de «celui qui se repent» (av. 257, St Cyprien) et de «pénitent; pénitent public» (ves.), Blaise Lat. chrét. Cf. la forme adaptée peneänt «pénitent» subst. (ca 1150, Wace, St Nicolas, 1204 ds T.-L.) et adj. (1170 Horn, 3949, ibid.: un paumer pen[ë]ant). Le sens I B 3 est empr. à l'hispano-amér. penitente «reste de glaces et neiges de glaciers» (dans la Cordillère des Andes; cf. Al.). Fréq. abs. littér.: 485. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 956, b) 722; xxes.: a) 530, b) 540. |