| PÈGRE, subst. A. − Subst. fém. sing. Groupe social formé par les voleurs, les escrocs, les souteneurs, les voyous. Solidarité et silence sont aussi fidèlement observés par les membres de la S.G., que dans la pègre, ou, comme on dit, dans «le milieu» (L. Daudet,Police pol., 1934, p.77).J'ai eu des malheurs. Aussi me voilà tombé dans la pègre: je ne me relèverai jamais (Queneau,Loin Rueil, 1944, p.163): . ... Trauttenbach avait longtemps vécu dans la pègre berlinoise, et (...) il avait conservé, dans ce milieu interlope, des relations dont il avait déjà tiré profit pour la cause.
Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p.421. ♦ La haute pègre. Les voleurs, les escrocs de haute volée. J'ai vu plus d'une fois des hommes s'accuser de crimes qu'ils n'avaient pas commis, pour acquérir le droit de dire qu'ils appartenaient à la Haute Pègre (Vidocq,Voleurs, t.2, 1836, p.129).V. fanandel ex. ♦ La basse pègre ou la petite pègre. Les voleurs, les truands sans envergure. Les grands voleurs le méprisent [le voleur à l'étalage] (...), le relèguent dans la basse pègre (Intérieur prisons, 1846, p.53).Si l'on excepte la petite pègre tatouée, il faut convenir que la légende s'effrite: les complets de coupe excentrique et les bouchons de carafe, qui intéressaient beaucoup trop les indicateurs sont en voie de disparition (H. Bazin,Tête contre murs, 1949, p.213). − [Avec déterm. indéf.] Groupe de truands. Une pègre en délire se bousculait dans le passage (Carco,Jésus-la-Caille, 1914, p.44).Descendons au bar, ici on ne s'entend pas, et quelle pègre nous coudoie! (Mauriac,Chemins mer, 1939, p.134). B. − Subst. masc., arg., vieilli. Voleur, escroc. [L.] est le pègre émérite qui a dévalisé l'appartement du maréchal Magnan (A. Humbert,Mon bagne, 1880, p.9). ♦ Pègre de la Haute. Membre de la haute pègre. L'association des Pègres de la Haute a ses lois, lois qui ne sont écrites nulle part, mais (...) exactement observées. Aussi le Pègre de la Haute qui n'a pas trahi ses camarades (...) reçoit des secours en prison, au bagne, et quelquefois même jusqu'au pied de l'échafaud (Vidocq,Voleurs, t.2, 1836, p.10).Le pègre de la haute ne volera pas un objet de peu de valeur (...) et méprise les voleurs de bagatelle auxquels il donne le nom de pégriot, pègre marteau (Moreau-Christophe,Français peints par eux-mêmes, Les Détenus, t.4, 1841, p.1). ♦ Bourreur de pègres. Code pénal (d'apr. Carabelli, [Lang. pègre]). Abatteur, balanceur de pègres. Tribunal (d'apr. Nouguier, Notes sur Nouguier, s.d., p.2). Prononc. et Orth.: [pεgʀ
̥]. Att. ds Ac. 1935. Ds Hugo, N.-D. Paris, 1832, p.296, sous la graph. peigre, subst. masc. désignant un individu. Étymol. et Hist. 1. 1797 subst. masc. paigres «voleurs» (Mercier, Le Nouveau Paris, t.2, p.74 ds Brunot t.10, 1, p.237); 1821 pègre «id.» (Ansiaume, Arg. Bagne Brest, fo7 ro, § 92); 2. 1829 subst. fém. la paigre «le corps des voleurs» (Mém. d'un forban philosophe, p.86 ds Fr. mod. t.13, p.272); 1828-29 La Haute Pègre (Vidocq, Mém., t.2, p.418). Orig. incertaine, d'apr. Sain. Sources Arg. t.2, p.415, suivi par FEW t.8, p.425a, dér. de pega, pego «poix, glu», du lat. picare «poisser, enduire de poix», cf. arg. marseillais pego «larron des quais, voleur», proprement «avoir de la poix aux doigts» donc «dérober» (v. aussi Mistral). Fréq. abs. littér.: 39. DÉR. Pégriot, subst. masc.,arg. a) Apprenti voleur, voleur de petite envergure, petit voyou. Vous ne me prenez pas pour un de ces pégriots n'ayant pas, les trois quarts du temps, un patard à leur service (Raban,Myst. Palais-Royal, t.1, 1845, p.11).Au lieu de vous détester les uns les autres, que le pégriot serve, sans orgueil, le pègre de la haute, en attendant qu'il le devienne à son tour (Vidocq,Vrais myst. Paris, t.3, 1844, p.361).V. supra B ex. de Moreau-Christophe.b) Soldat des bataillons disciplinaires d'Afrique (d'apr. Cellard-Rey 1980). − [pegʀio]. − 1reattest. 1828-29 «mauvais voleurs» (Vidocq, Mém., t.3, p.125); dimin. de pègre, suff. -(i)ot*. BBG. −Chautard Vie étrange Argot 1931, p.286. _ Sain. Argot 1972 [1907], p.40, 241, 261, 293, 302. |