| MODIFIER, verbe trans. A. − PHILOS. Donner (à une chose ou un être) un mode accidentel. Ainsi, toujours modifié selon le cours universel des choses, toujours à sa place, l'homme de la nature étoit toujours bien (Senancour,Rêveries,1799, p.93).La lumière ne part que d'un point du ciel, et l'air forme autour de la terre une sphère entière qui la rassemble et la modifie (Bern. de St-P.,Harm. nat.,1814, p.322): 1. ... je dis que je sens, que je suis modifié d'une certaine manière; il m'est évident que je n'exerce aucun pouvoir sur ma modification...
Maine de Biran,Influence habit.,1803, p.14. − Emploi pronom. réfl. Il dépend de nous, non pas de nous modifier immédiatement d'une manière agréable ou désagréable, mais de donner notre attention aux idées ou objets capables de nous modifier ainsi (Maine de Biran,Journal,1816, p.241). − GRAMM. [Le suj. désigne un constituant, en partic. un adv.] Apporter un changement, une précision au sens d'un constituant ou d'une proposition. Les premiers adjectifs, ce me semble, ont dû être de simples noms, que l'on aura mis à côté d'un autre, pour le modifier (Destutt de Tr.,Idéol. 2, 1803, p.121).La dénomination d'adverbe ne doit pas faire croire que ces mots ne modifient que les verbes; car ils modifient souvent des adjectifs (Destutt de Tr.,Idéol. 2, 1803p.132). B. − Changer certains traits, éléments ou certaines qualités de quelque chose sans en altérer la nature ou l'essence. Modifier légèrement, profondément (l'apparence, l'aspect de) qqc.; modifier un texte. Léonard n'avait rien modifié dans ses habitudes, mais tout était bien de soi-même, sans qu'il y mît d'effort (Estaunié,Empreinte,1896, p.64).Paragraphe 4 de l'article 443 du Code d'instruction criminelle, modifié par la loi de 1895 (Clemenceau,Vers réparation,1899, p.255): 2. Toute la fin de cet après-midi, elle l'employa avec fébrilité à agir: elle modifia l'arrangement de sa chambre, déplaça les meubles, mit de l'ordre dans l'armoire à linge du palier, refit tous les bouquets de la maison.
Martin du G.,Thib.,Belle sais., 1923, p.964. − Emploi pronom. Dans l'une des deux cellules formées, les chromosomes se modifient, se fragmentent en petits granules; dans l'autre, ils demeurent entiers (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p.44).La silhouette des femmes se modifie légèrement (Villard,Hist. cost.,1956, p.99). − En partic. 1. a) [P. réf. à un espace ou à un laps de temps] Modifier la dimension, la direction, la position de qqc. Il est donc probable que je modifierai mon itinéraire, de façon à passer par Bourges (Rivière,Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p.246).Il modifia, d'un coup de pouce, l'aplomb de son chapeau melon et poursuivit (Duhamel,Combat ombres,1939, p.29). ♦ [En parlant d'une entité abstr.] Les petits jeux de la chance ne pouvaient modifier sa destinée (Guéhenno,Jean-Jacques,1950, p.169).Nous ne voulons pas affaiblir le P. C. mais nous souhaitons qu'il modifie sa ligne (Beauvoir,Mandarins,1954, p.258): 3. ... les médecins ont employé des remèdes plus ou moins actifs pour modifier le cours de la maladie ou pour l'enrayer.
Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p.5. b) [P. réf. à un élément d'une hiérarchie, d'une série ordonnée, à une habitude] Modifier la durée, l'équilibre, l'intensité, la quantité de qqc. Nous avons modifié l'heure de votre dîner, à cause du train, fit le père Étienne (Huysmans,En route,t.2, 1895, p.303).Nous supposerons d'abord la surface du cristal parallèle au plan réticulaire réflecteur, quittes à voir ensuite comment les intensités sont modifiées quand cela n'a pas lieu (Friedel,Cristallogr.,1926, p.328).Ce sont surtout les minima de la température qui sont modifiés (Maurain,Météor.,1950, p.205).En partic. [En parlant d'un accord mus., d'une note] En changer la valeur. La tierce-mineure est souvent marquée par un bémol lors-même qu'elle est produite par une note qui n'est pas modifiée par ce signe (Fétis,Harm.,1849, p.134).L'altération est un signe qui modifie le son de la note à laquelle il est affecté (Danhauser,Théorie mus.,1872, p.19). ♦ [En parlant d'une entité abstr.] Les fonctions ψ
osont modifiées sous l'influence de l'addition de l'opérateur , présenté comme une perturbation effectuée sur (Daudel,Fond. chim. théor.,1956, p.9).La croissance des villes (...), l'extension des loisirs ont modifié les relations humaines, en particulier celles des parents et des enfants, et l'influence morale de la famille (L. Cros, Explosion scol.,1961, p.134). c) [P. réf. à une gradation dans le domaine des sensations ou des phénomènes perceptifs] [Les] grains du cuir dont elle modifie très légèrement la couleur (Closset,Trav. artist. cuir,1930, p.41).Au début, toutes les couleurs sont modifiées, leur ton fondamental reste le même, mais leur saturation décroît (Merleau-Ponty,Phénoménol. perception,1945, p.88). d) Emploi pronom. Pendant la nuit, la température se modifia, le froid devint plus vif (Verne,Tour monde,1873, p.196).Le ronflement se modifiait, traduit maintenant en rumeurs sourdes (Courteline,Ronds-de-cuir,1893, 5etabl., ii, p.175). 2. a) [À propos d'une idée, d'une opinion, ou d'un terme du même paradigme] En changer légèrement la nature par référence à un ensemble de valeurs intellectuelles. Modifier en bien, en mal. Cependant, si depuis deux ans vos idées sur le mariage ne sont pas modifiées, en cas de veuvage, ne faites pas une nouvelle tentative, elle ne réussirait pas mieux que la première (Dumas fils, Ami femmes,1864, iii, 10, p.142).L'expérience de la guerre 1939-45 a modifié, dans de nombreux pays, les idées couramment admises (Pineau,S.N.C.F. et transp. fr.,1950, p.118). ♦ Emploi pronom. Les opinions se modifient nécessairement; on ne connaît jamais suffisamment un maître pour en parler absolument et définitivement (Delacroix,Journal,1852, p.496). b) Vx. Changer légèrement la nature de quelque chose de façon à en réduire l'intensité, à en éliminer les excès. Synon. tempérer.La peine peut être modifiée par le juge lorsque l'obligation principale a été exécutée en partie (Code civil,1804, art.1231, p.221).On craint la force de l'élément populaire dont la troisième branche de la législature est composée, bien qu'il soit modifié par la sagesse et la dignité des membres de la chambre des communes (Staël,Consid. Révol. fr.,t.2, 1817, p.334). REM. Modifiant, -ante, part. prés. et adj.,rare. Qui modifie. Les faces modifiantes ou troncatures d'un cristal (Littré). Prononc. et Orth.: [mɔdifje], (il) modifie [-fi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1355 «transformer, en la réduisant, une peine...» (Bersuire, Tit. Liv., B.N. 20312 ter, fo46 vods Gdf. Compl.); 2. 1690 «apporter un changement sans altérer la nature de l'objet» (Fur.); 3. 1803 gramm. (Destutt de Tr., loc. cit.). Empr. au lat. modificare «régler, ordonner», sens réfl. «se modérer», francisé d'après les nombreux verbes en -fier. Fréq. abs. littér.: 2543. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3587, b) 3127; xxes.: a) 3116, b)4202. DÉR. Modificabilité, subst. fém.Caractère, état de ce qui se modifie. Le perfectionnement suppose toujours l'imperfection, qui partout augmente avec la complication (...). Néanmoins, cette loi générale de la modificabilité érige doublement la morale en art principal, soit pour son importance supérieure, soit aussi d'après le champ plus étendu qu'il offre à notre sage activité (Comte,Catéch. posit.,1852, p.108).L'angoisse qui, lorsqu'elle est dévoilée, manifeste à notre conscience notre liberté, est témoin de cette modificabilité perpétuelle de notre projet initial (Sartre,Être et Néant,1943, p.542).− [mɔdifikabilite]. − 1reattest. 1852 (Comte, loc. cit.); dér. sav. de modifier, sur le modèle des mots comme appliquer*/applicabilité*, déjà en angl. en 1827: modificability (v. NED). |