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MATÉRIALITÉ, subst. fém.
A. − Caractère de ce qui est matière.
1. Fait d'être constitué de matière. Invinciblement l'image matérielle frappe de matérialité son sujet (Cousin, Hist. philos. XVIIIes., t.2, 1829, p.368).V. abstraction ex. 32, âme ex. 141:
1. ... me voilà vivant! Bien vivant! Non comme ce Pinamonte, ce mime de la vie que je fus jadis sur la scène du monde, sans cesse étonné d'être un peu plus qu'un fantôme, palpant, au milieu de la rue et de la foule, la soie de sa culotte ou les boutons d'or de sa veste, afin de se bien convaincre de sa matérialité! Milosz, Amour. initiation, 1910, p.170.
Caractère, existence sensible. Il suffisait d'écarter doucement ces coups de lance trop vifs pour que la présence de son père lui fût rendue mieux que dans la matérialité du premier chagrin (Malègue, Augustin, t.2, 1933, p.30).
− P. méton., souvent au plur. Chose matérielle. Libérée du poids, de la solidité, de l'utilisation, de toutes les matérialités du monde (Malègue, Augustin, t.2, 1933, p.480).
2. [En parlant d'un événement] Circonstances matérielles qui constituent l'événement, indépendamment des motifs ou des intentions; ses caractères objectifs, tangibles et incontestables. M. Périvier étant décidé à ne poser aux témoins cités par les prévenus que des questions visant nettement et uniquement la «matérialité» de l'ordre qui aurait été donné aux juges du conseil de guerre qui acquitta le commandant Esterhazy (Clemenceau, Iniquité, 1899, p.341).Il est, au contraire, possible d'établir indiscutablement la matérialité de ces faits en interrogeant les parents plus âgés des malades (Freud, Introd. psychanal., trad. par S. Jankélévitch, 1923, p.396).
B. − Caractère d'où résulte une tendance à ne s'attacher qu'aux valeurs matérielles. L'épaisse matérialité des moeurs (Faure, Espr. formes, 1927, p.112):
2. Non seulement la matérialité brutale de notre civilisation s'oppose à l'essor de l'intelligence, mais elle écrase les affectifs, les doux, les faibles, les isolés, ceux qui aiment la beauté, qui cherchent dans la vie autre chose que l'argent... Carrel, L'Homme, 1935, p.387.
− Domaine artist.Manière réaliste et sensuelle de représenter les choses. La matérialité somptueuse de Rembrandt à ses débuts (Faure, Hist. art, 1921, p.52).
Prononc. et Orth.: [mateʀjalite]. Ac. 1740: materialité; dep. 1762: -té-. Étymol. et Hist. 1. 1470 «caractère matériel, concret, de quelque chose» (Le Livre de la discipline d'amour divine, fo97a, éd. 1537 d'apr. Vaganay ds R. Ét. rab. t.9, p.312); 2. 1834 «intérêt pour les choses concrètes et le monde physique, état d'esprit matérialiste» (Balzac, Rech. absolu, p.113). Dér. sav. de matériel*; suff. -(i)té*. Fréq. abs. littér.: 144.