| MARÉCAGE, subst. masc. Terrain spongieux, saturé d'eau, impropre à la culture, où s'étendent des marais, et qui est d'accès difficile en raison d'une dense végétation aquatique verticale. Marécage immense; profond, vaste marécage; marécage boisé, inextricable, empoisonné, puant; couvert(e) de marécages; relent de marécage. Du gibier qui sent le marécage. Tout ce pays-là n'est qu'un grand marécage. Les saules, les oiseaux aquatiques se plaisent dans les marécages (Ac. 1835-1935). Plaine onduleuse encore mouillée, chaussée sinueuse, à travers des marécages et des limons, où les buffles enfoncent jusqu'aux genoux (Fromentin, Voy. Égypte, 1869, p. 90).Dans une autre [métairie] que traverse le gros ruisseau, où il déborde souvent, la terre, faute de fossés d'écoulement, est retournée aux alentours au marécage, encombrée de plantes aquatiques, si spongieuse qu'elle en est devenue élastique sous le pied (Pesquidoux, Livre raison, 1932, p. 217):1. Les jours mauvais pleuvent. (...) de toute cette eau qui glisse par terre, de toute cette pluie oblique, (d'autres en feraient des marais et des marécages pleins de fièvres et tout peuplés de sales bêtes dégoûtantes).
Péguy, Porche Myst., 1911, p. 270. − P. métaph. Je manque de la brutalité nécessaire pour faire mon chemin à travers les marécages de notre société actuelle, et je n'ai aucune envie de tenter l'aventure (Amiel, Journal, 1866, p.546).À la surface de ce marécage [la Chambre], des gaz infects venaient crever du plus profond des consciences (Barrès, Leurs fig., 1901, p. 171).Le Jugement dernier ne les éveillera pas [ses voisins au Panthéon] ou dans un tel état d'indifférence et de somnolence que Dieu, je pense, les replongera aux marécages de l'éternité inconsciente comme des poissons de vase indignes des eaux de lumière (Arnoux, Paris, 1939, p. 83): 2. Plût au ciel que le lecteur (...) trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt et sauvage, à travers les marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison; car, (...) les émanations mortelles de ce livre imbiberont son âme comme l'eau le sucre. Il n'est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre; quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger.
Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 123. − Au fig., péj. [En raison du caractère enlisant, fétide... de qqc.] Marécage de + subst. (abstr.).Je ne vois plus que cela en quoi je lui suis inférieur: elle a vingt ans, et elle est jolie. Et moi je suis un intellectuel, une vieille marmite à penser de trente-quatre ans. La conversation, un vrai marécage de platitude (Montherl., J. filles, 1936, p. 1034).Le soir, film inepte où deux grands artistes, Ingrid Bergman et Bing Crosby, l'une en religieuse, l'autre en pasteur, se noient dans un marécage de pureté morale (Cocteau, Maalesh, 1949, p. 144). REM. Marécagier, subst. masc.,hapax. Marchenoir (...) [avait] plusieurs fois exprimé très haut son mépris pour ce marécagier superbe [le directeur du Rilate] (Bloy, Désesp., 1886, p. 216). Prononc. et Orth.: [mɑ
ʀeka:ʒ]. Ac. 1694, 1718: marescage; dep. 1740: -ré-. Étymol. et Hist. 1remoitié du xiiies. (Raimbert de Paris, Ogier le Danois, éd. M. Eusebi, 6620). Dér. norm. ou pic. de maresc (v. marais); suff. -age*; cf. mareschage adj. «marécageux» (1213 ds Romania t. 65, 1939, p. 495; v. encore T.-L.). Fréq. abs. littér.: 290. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 204, b) 444; xxes.: a) 452, b)548. |