| MÉFIANCE, subst. fém. Disposition d'esprit qui conduit à se méfier de quelqu'un ou de quelque chose; état d'une personne qui se méfie. Synon. défiance; anton. confiance.Méfiance maladive; méfiance à l'égard, à l'endroit, contre, envers qqn/qqc.; avoir, éprouver de la méfiance; dissiper, éveiller, exciter la méfiance de qqn. La présence de notre hôte semblait le gêner, et une certaine méfiance les éloignait l'un de l'autre sans que j'en devinasse positivement la cause (Mérimée,Carmen,1847, p.8).Elle avait pour le papier noirci une méfiance de paysan: tout cela n'était bon qu'à vous faire perdre votre temps et à vous attirer des ennuis (Rolland,J.-Chr., Révolte, 1907, p.508):. L'imagination d'une jeune fille n'étant glacée par aucune expérience désagréable, et le feu de la première jeunesse se trouvant dans toute sa force, il est possible qu'à propos d'un homme quelconque, elle se crée une image ravissante. (...) Plus tard, détrompée de cet amant et de tous les hommes, l'expérience de la triste réalité a diminué chez elle le pouvoir de la cristallisation, la méfiance a coupé les ailes à l'imagination.
Stendhal,Amour,1882, p.21. − [Constr. avec un compl. prép. de indiquant l'objet de la méfiance] Rare. Le «tu est malheureusement laide» de ma mère m'obsédait, malgré les démentis qui lui avaient été donnés pendant ma vie d'infirmière. Ma méfiance de moi demeurait profonde (Maurois,Climats,1928, p.161).En Allemagne, dès qu'on s'écarte des milieux militaires, on constate une méfiance assez générale de l'armée et du nationalisme (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p.342). − [En fonction de déterminant] Air, atmosphère de méfiance. La biologie, qu'ils ne savent pas, (dont ils se méfient tout de même, d'instinct, le seul instinct qu'ils aient, l'instinct de méfiance) (Péguy,V.-M., comte Hugo,1910, p.815).Cette hostilité [au suffrage universel] est attribuée à un esprit de méfiance et de crainte à l'égard des masses populaires, à l'idée que des électeurs bourgeois, des «citoyens qui possèdent», sont plus conservateurs que les autres (Bainville,Hist. Fr., t.2, 1924, p.165). − Loc. adv. ♦ Avec méfiance. Agir avec méfiance. Il la regardait d'un air joyeux, d'un air de bonne humeur. La vieille le considérait avec méfiance, cherchant le piège (Maupass.,Contes et nouv., t.1, Petit fût, 1884, p.147).Il regarde avec méfiance le confessionnal vide, si proche. La porte close au rideau vert l'invite (Bernanos,Soleil Satan,1926, p.305). ♦ En méfiance. Induire, mettre qqn en méfiance. Pécuchet également conçut des doutes, et ils prirent en méfiance les historiens. La révolution est, pour les uns, un événement satanique. D'autres la proclament une exception sublime. Les vaincus de chaque côté, naturellement, sont des martyrs (Flaub.,Bouvard, t.1, 1880, p.122).[M. Mentré]: «J'ai toujours été en méfiance vis-à-vis des modernes philosophes du sentiment et de la vie. Je ne puis croire qu'ils soient convaincus (...)» (Thibaudet,Réflex. Litt.,1936, p.121). ♦ Par méfiance. Il ne fit aucune attention à moi (...). D'ailleurs, les premiers jours, il se comporta de la sorte envers tous; mais c'était sans doute par méfiance et non par timidité (Lacretelle,Silbermann,1922, p.26). ♦ Sans méfiance. Être sans méfiance. Le véhicule arrive donc dans les pattes du costaud qui pérorait sans méfiance (Queneau,Pierrot,1942, p.30). Rem. On relève qq. emplois rares au plur. avec une valeur de résultatif. Considérez que chacun de ces tyrans connaissait personnellement chacun des républicains dont il savait être exécré (...), que plusieurs de ces tyrans périrent par l'assassinat, et vous comprendrez les haines profondes, les méfiances éternelles qui donnèrent tant d'esprit et de courage aux Italiens du XVIesiècle (Stendhal, Abbesse Castro, 1839, p.141). Les deux époux se rendaient-ils compte que leur seule présence (...) pouvait suggérer aux malveillants des ironies, pire encore, et aux fidèles, comme moi, des tristesses, des craintes, des méfiances? (Bourget, Sens mort, 1915, p.31). − Proverbe. Méfiance est mère de sûreté. Il faut se méfier pour n'être pas trompé. Prononc. et Orth.: [mefjɑ
̃:s]. Ac. 1694, 1718: meffiance; dep. 1740: méfiance. Étymol. et Hist. xves. (Chronique rimée ds Bouteiller, La Guerre de Metz, 392). Dér. de méfier*; suff. -ance*. Fréq. abs. littér.: 830. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 667, b) 666; xxes.: a) 897, b) 2063. |