| LEVÉE, subst. fém. I. − [Correspond à lever I] Action de lever. A. − Action de hausser, de déplacer de bas en haut. 1. [En parlant d'objets] Course, espace parcouru par un organe soulevé par intermittence. Levée d'un clapet, d'un piston, d'une soupape. (Ds Ac. Compl. 1842, Poignon 1967, Lar. Lang. fr.). − Vieilli, THÉÂTRE. Levée de la toile. Lever du rideau. (Ds Rob.). − Levée des couples. ,,Action de les dresser sur la quille du navire`` (DG). Le mot couple de levée [d'un navire] vient de ce qu'autrefois les couples de construction (...) devaient, une fois terminés et posés à plat sur le sol être levés au moyen d'appareils spéciaux pour être amenés sur la cale à leur position définitive (Croneau, Constr. nav. guerre, t. 1, 1892, p. 37). − HIST. ROMAINE. Levée de(s) boucliers. Manifestation des soldats romains en opposition ouverte avec leur(s) chef(s). Au fig. Manifestation d'opposition violente et générale d'un groupe vis-à-vis d'une autorité ou d'une personne dont on critique les décisions, les opinions, etc. Synon. tollé.Peu de temps après le 18 brumaire, dit Lousteau, vous savez qu'il y eut une levée de boucliers en Bretagne et dans la Vendée (Balzac, Muse départ.,1844, p. 117). 2. Au fig. [En parlant de pers.] Action de se soulever. Synon. insurrection, soulèvement.Levée des paysans. C'est la levée des bourgeois qui s'arment de tout ce qui se trouve sous leur main (Guizot, Hist. civilisation, Leçon 7, 1828, p. 21). B. − Action d'enlever, de retirer. Levée d'un appareil (chirurgical). La levée des scellés se fit en présence des créanciers, et le notaire de la famille se mit à procéder régulièrement à l'inventaire de la succession (Balzac, E. Grandet,1834, p. 179). ♦ Levée du corps. Action d'enlever, par autorité publique, le corps du mort pour l'emporter au lieu où il sera inhumé ou exposé; cérémonie qui se déroule à cette occasion. Ces harangues extraordinaires finies, les parents poussèrent trois cris; trois sons des conques funèbres annoncèrent la levée du corps (Chateaubr., Natchez,1826, p. 468).Pas une minute, depuis la levée du corps jusqu'au scellement du fourgon, à la gare, je ne pensai à la morte (Léautaud, Pt ami,1903, p. 152). − P. anal. ♦ Levée de plan. Action de lever, de relever un plan. Il existe de fort bons préceptes pour la levée des plans et des cartes marines (Freycinet, Voy. terres australes,1815, p. 401). ♦ Levée de titres. ,,Fait de prendre livraison des valeurs mobilières achetées à terme`` (Barr. 1974). − DR. Levée de jugement. ,,Acte par lequel une partie qui a obtenu un jugement s'en fait délivrer une copie par le greffier`` (Cap. 1936). Levée d'option. ,,Fait pour le bénéficiaire d'une promesse de vente de se porter définitivement acquéreur aux conditions convenues`` (Barr. 1974). − P. anal. Action de faire cesser. Levée du blocus, de séance, du siège; levée d'excommunication, d'hypothèque. La mère revient de Madrid où elle sollicite la levée du séquestre de biens (...) que son mari y acheta (Dumas père, Angèle,1834, I, 6, p. 115). ♦ DR. PÉNAL. Levée d'écrou. ,,Inscription sur le registre d'écrou de la prison au moment où un prisonnier est libéré`` (Jur. 1971). ♦ Au fig., PSYCHOL. La levée des résistances et le retour du contenu inconscient qui en résulte s'effectuent régulièrement dans le sommeil (Freud, Abr. psychanal., trad. par A. Bermann, 1949, p. 23). C. − Action de ramasser, de recueillir, de rassembler. Levée des impôts, des taxes. Le duc (...) annonça (...) qu'il ne ferait aucune levée extraordinaire d'argent sur son peuple (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 125). ♦ Levée des lettres. Opération des agents de la poste lorsqu'ils retirent les lettres de la boîte publique où elles ont été jetées; ensemble des lettres retirées à chaque levée. Levée du matin; heures des levées. Il vérifiait le timbre de la poste qui portait les dates des heures de levée et de distribution (Balzac, Splend. et mis.,1846, p. 435). ♦ JEUX. Cartes qui ont été jouées et qui sont ramassées par celui qui a gagné. Faire une, deux levée(s); compter les levées. Son partenaire et lui (...) ayant fait les treize levées, terminèrent cette belle traversée par un chelem admirable (Verne, Tour monde,1873, p. 41). ♦ Vieilli. Levée des fruits, des graines. Leur récolte. La levée des fruits lui appartient (Ac. Compl.1842). − P. anal. Appel aux armes, enrôlement. Levée des troupes; levée en masse. Appel de tous les hommes valides pour défendre le pays. Ce fameux décret de la Convention ordonnant la grande levée en masse et même le soulèvement de toute la France, pour écraser nos ennemis (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 167). II. − [Correspond à lever I] Le résultat de l'action de lever; ce qu'on lève ou ce qui est levé. A. − Matériau levé et entassé sur un même plan, artificiellement ou naturellement. 1. ,,Remblai de terre, de pierres, de maçonnerie élevé pour se défendre,, (Lar. Lang. fr.). − En partic. Grandes routes remblayées, construites par les Romains ou plus récemment. La levée ou la chaussée de Brunehaut (Ac. Compl.1842). 2. Remblai retenant les eaux d'un cours d'eau pour empêcher l'inondation et servant de chaussée. Synon. digue.Nous avions gagné la levée d'Héliopolis, construite jadis pour mettre cette ville à l'abri des plus hautes inondations (Nerval, Voy. Orient, t. 1, 1851, p. 328).Il sait (...) que Péguy c'est ce petit garçon de dix, douze ans qu'il a longtemps connu se promenant sur les levées de la Loire (Péguy, Clio,1914, p. 175). 3. a) Levée alluviale. ,,Bourrelet d'alluvions sur le bord du lit d'un cours d'eau ou d'un chenal de marée`` (Lar. Lang. fr.). b) Levée de galets. ,,Amas de galets qui se forme à une certaine distance de la côte`` (Lar. Lang. fr.). B. − Spécialement 1. COMM. Levée de compte. Prélèvement effectué par un commerçant sur sa propre caisse. (Ds Rob.). Levée de numéraire (Littré). 2. COUT. Ce qu'on prélève d'une pièce de tissu pour faire un habit, une chemise, etc. Il y a là la levée de deux chemises (Littré; ds Lar. Lang. fr.). 3. VITRERIE. Bande de verre coupée par un vitrier pour obtenir la vitre aux dimensions voulues. Levée des bandes (Littré; ds Lar. Lang. fr.). III. − [Correspond à lever II] Action de se lever. A. − [En apparaissant] La levée du jour, de la houle, du vent. Le vaisseau s'étoit trouvé en danger la nuit précédente, par la levée d'une forte brise de l'est (Chateaubr., Essai Révol., t. 2, 1797, p. 388). − Vieilli. Une levée de soleil (Ac. Compl.1842).Synon. lever de soleil. B. − [En sortant de terre, en poussant] La levée du blé; accélérer la levée des jeunes plants. Je devais être attentif à la levée de mes topinambours (Malot, Sans fam.,1878, p. 51). C. − Action de fermenter. La levée du pain (Lar. Lang. fr.). Prononc. et Orth. : [l(ə)ve]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1erquart xiiies. « impôt » (Reclus de Molliens, Charité, 54, 11 ds T.-L.); b) 1559 milit. « enrôlement » (Amyot, Vie des hommes illustres, Coriolan, t. 1, 151 ro); 1793, 14 août levée en masse (cité ds F. A. Aulard, La société des Jacobins, t. 5, p. 351 ds Ranft, p. 100); c) 1680 « cartes ramassées par un joueur » (Rich.; v. aussi levé); d) 1808 « action de lever les lettres mises à la boîte » (Boiste); e) 1867 comm. « somme retirée dans une banque ou un établissement de crédit » (Littré); f) 1936 dr. levée de jugement (Cap.); 2. a) 1269 leveie « remblai de terre, de pierres, de maçonnerie » (M. Canat de Chizy, Doc. inéd. pour servir à l'hist. de la Bourgogne, p. 95); b) 1537 « digue élevée le long d'un cours d'eau » (Avis des officiers de la maistrise d'Orl., ap. Le Clerc de Douy, t. II, fo8 vo, A. Loiret ds Gdf. Compl.); 3. ca 1389 lievee de bouclier « démonstration d'arrogance » (Philippe de Mezieres, Songe du vieil pelerin, éd. G. W. Coopland, chap. 270, t. 2, p. 375); 4. a) 1549 « action de faire cesser » (Est. : les levees de la Cour); b) 1679 levée du scellé (J. Savary, Parfait négociant, 2, 376 ds FEW t. 5, p. 278b); c) 1690 levée du corps (Fur.); d) 1765 « suppression » (Encyclop. : levée des défenses ou d'une opposition); e) 1842 levée d'écrou (Reybaud, J. Paturot, p. 440); f) 1936 levée d'option (Cap.); g) 1949 psychanal. levée des résistances (Freud, loc. cit.). Part. passé fém. subst. de lever1*. Fréq. abs. littér. : 334. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 318, b) 523; xxes. : a) 600, b) 506. |