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LÉGENDE, subst. fém.
A. − RELIG. CATH., vx.
1. Récit de la vie du saint du jour, lu au réfectoire et à l'église, en particulier à l'office de matines. Synon. leçon, lecture.Ces prélats chambardèrent de fond en comble le psautier, (...) biffèrent les légendes des saints (Huysmans, Oblat, t. 2, 1903, p. 187).
Vie de saint enjolivée de merveilleux par l'imagination et la piété populaire. La légende de saint Nicolas, patron de la Lorraine, qui ressuscita trois enfançons hachés dans un saloir (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 68):
1. ... je pris un livre (...); c'était un abrégé de la Vie des saints. J'ouvris au hasard. Je tombai sur la légende excentrique de saint Siméon le Stylite, dont Voltaire s'est beaucoup moqué... Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 178.
2. P. méton. Recueil, ouvrage contenant ces récits. Sur la table est ce livre où Dieu se fait visible, La légende des saints, seul et vrai panthéon (Hugo, Rayons et ombres,1840, p. 1039).Avant de se coucher, pour purifier son sommeil, elle s'imposait de relire la Légende (Zola, Rêve,1888, p. 164).
La Légende dorée. V. doré II C 2.
B. − P. ext.
1. Récit à caractère merveilleux, ayant parfois pour thème des faits et des événements plus ou moins historiques mais dont la réalité a été déformée et amplifiée par l'imagination populaire ou littéraire. Anton. histoire.La légende d'Hercule et d'Omphale envahit brusquement son imagination (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 343):
2. Une des légendes les plus répandues en Bretagne est celle d'une prétendue ville d'Is, qui, à une époque inconnue, aurait été engloutie par la mer. On montre, à divers endroits de la côte, l'emplacement de cette cité fabuleuse... Renan, Souv. enf.,1883, p. 1.
SYNT. Légende populaire; légendes des temps anciens, du Moyen Âge; contes et légendes; la légende du cheval de Troie, du Juif errant, de Faust, de Roland; légendes de la Table ronde; enfance bercée de légendes; imaginer, inventer une légende; conter, narrer, raconter, interpréter une légende; si l'on en croit la légende.
Loc. adj. De légende. Qui appartient à la légende ou qui a le caractère des légendes. Synon. légendaire.Héros, pays de légende; atmosphère de légende. Le sourire d'un guerrier de légende, son épée enchantée à la main (Barrès, Colline insp.,1913, p. 156).Testevel apparaît dès maintenant dans une lumière de légende. Il était fort, il était bon, il était doux (Duhamel, Maîtres,1937, p. 191).
MUSIQUE
α) Pièce instrumentale isolée ayant pour thème une légende. Légendes pour piano de Liszt; légendes pour orgue de Vierne, de Dupré; légende pour orchestre de Rimski-Korsakov (d'apr. Lar. encyclop.). La fantaisie en Ut, op. 17 de Schumann, pourrait être considérée comme un Triptyque avec sa Légende, sa Marche et son Adagio (Dupré, Improvis. orgue,1925, p. 103).
β) Ouvrage dramatique (variété d'oratorio ou d'opéra) ayant pour thème une légende. Je venais de diriger au théâtre de Dresde la seconde exécution de ma légende : la Damnation de Faust (Berlioz, Grotesques mus.,1859, p. 31).
2. Représentation d'un fait, d'un événement réel, historique, déformé et embelli par l'imagination. Synon. épopée.Légende épique, héroïque; accréditer, détruire une légende, avoir sa légende. Pasteur qui n'était pas tel que la légende commence de nous le représenter, mais plus vif, plus humain (Duhamel, Suzanne,1941, p. 170):
3. Et cependant la légende napoléonienne ne faisait que de naître. Déporté à Sainte-Hélène par les Anglais, Napoléon continua d'agir sur les imaginations. Le héros devint un martyr. Sa cause se confondit avec celle de la Révolution... Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 149.
[Sans compl. déterminatif ou sans adj., dans un sens gén.] La légende. L'histoire et la légende; entrer (vivant) dans la légende; la légende s'empare de qqn. Le paysan n'a d'autre histoire que la tradition et la légende (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 42):
4. ... par les circonstances exceptionnelles de son destin, dès son vivant, il [Beethoven] était livré à la légende. Et la légende s'en est donné! L'histoire de Beethoven est encombrée d'éléments romanesques. Rolland, Beethoven, t. 2, 1937, p. 518.
Souvent péj. Récit inexact concernant quelqu'un ou quelque chose. Synon. conte, fable, racontar, on-dit.Une légende circule, court, se forme sur qqn, sur le compte de qqn; ce n'est qu'une légende; c'est une pure légende. Il essayait, de temps en temps, de croire à la légende qui faisait du père de Swann un fils naturel du prince (Proust, Sodome,1922, p. 668).On laissait s'accréditer la légende que Chantilly était devenu une ville où on songeait plus au plaisir qu'à la guerre (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 391).
C. −
1. Inscription sur une médaille, une monnaie, un emblème ou un monument. Synon. âme, devise, exergue.Deux tombes plates d'abbés, très vieilles, dont il est difficile de déchiffrer les légendes (Nerval, Bohême gal.,1855, p. 96):
5. C'était une monnaie carlovingienne de quelque valeur artistique. Sur la légende heureusement conservée, on pouvait lire la date du règne de Charlemagne. Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 72.
2. Titre ou note explicative accompagnant une image, un dessin, une caricature. Légende d'un dessin, d'un croquis humoristique, d'une lithographie; légende humoristique, lapidaire. On le représentait sur la couverture, minuscule, accroché à la crinière du père Combes, avec cette légende : le Pou du Lion (Sartre, Nausée,1938, p. 122):
6. La nuit s'épaississait sur les murs, où brillaient encore, à demi perdues dans l'ombre, les grosses couleurs de quatre estampes représentant quatre scènes de la Tour de Nesle, avec une légende au bas, en espagnol et en français. Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 81.
Sans légende. [Placé souvent sous un dessin humoristique pour indiquer que celui-ci se passe de commentaire] Synon. sans paroles.
3. Liste explicative des signes conventionnels d'un plan, d'une carte, en permettant l'intelligence et l'utilisation, et placée à côté ou au bas du schéma :
7. Toute la nuit j'ai étudié la carte. (...) quelque part, j'ai découvert un petit cercle surmonté d'une croix semblable. Je me suis reporté à la légende et j'y ai lu : « Établissement religieux. » Saint-Exup., Terres hommes,1939, p. 228.
REM.
Légender, verbe trans.Accompagner (un dessin, une image, une carte) d'indications explicatives. Légender un plan. Vous ne voudriez pas tout de même que nous légendions cette page de Pellos! Elle parle d'elle-même (Match,7 janv. 1936, p. 4 ds Grubb, Fr. sp. neol., 1937, p. 47).Emploi abs., imprim. La machine à coter et à légender Gritzner s'adapte sur toutes les tables à dessiner (Industr. et techn.,1976,no324, p. 129 ds Clé Mots).
Prononc. et Orth. : [leʒ ɑ ̃:d]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1220 « vie de saint; recueil qui la contient » (Simon, Trois ennemis de l'homme, 2430 ds T.-L.); 2. ca 1235 « leçon qu'on lisait à l'office de matines et qui contenait la vie d'un saint » (G. Leclerc, Joies N.D., 774, ibid.); 3. 1400 « longue énumération » (Ch. de Pisan, Le Dit de Poissy ds Œuvres poét., éd. M. Roy, t. II, p. 177, v. 609); 4. 1558 « récit merveilleux et populaire » (B. Des Periers, Nouvelles Recreations, éd. K. Kasprzyk, p. 150); 5. 1853 « représentation souvent déformée, de faits ou de personnages réels » (Michelet, Hist. de la Révol. fr., éd. G. Walter, XVI, II, p. 741). B. 1. 1579 « inscription sur une monnaie » (H. Estienne, Précellence, éd. E. Huguet, p. 143); 2. 1598 « texte accompagnant et expliquant une image » (G. Bouchet, Serées, éd. C.E. Roybet, IV, 217); 3. 1797 « liste explicative des signes d'un plan, d'une carte » (Sénac de Meilhan, Émigré, p. 1619). Empr. au lat. médiév.legenda « légende, vie de saint » (1190 ds Latham) proprement « ce qui doit être lu » gérondif (neutre plur.) de legere, v. lire. Fréq. abs. littér. : 1 726. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 205, b) 2 826; xxes. : a) 3 760, b) 2 535. Bbg. Quem. DDL t. 1, 6 (s.v. légender).