| INTERPRÈTE, subst. I. − [Correspond à interpréter I] A. − Vieilli. Personne qui traduit un texte d'une langue dans une autre. Synon. traducteur.Les interprètes grecs de l'Ancien Testament, qu'on appelle les Septante (Ac.1835-1935). B. − Personne qui traduit les paroles d'un orateur, ou le dialogue de deux ou plusieurs personnes ne parlant pas la même langue et qui leur sert ainsi d'intermédiaire. Synon. vx drogman, truchement.Interprète assermenté; interprète juré près un tribunal; corps des interprètes militaires; école d'interprètes. Il fit appeler le derviche au quartier général (...) et entra en conversation avec lui au moyen d'un interprète (France, Pierre bl.,1905, p. 150): 1. ... dans un compartiment de troisième classe : un petit gars, de seize ans environ, (...) il comprend mal le français (...). Une femme d'une quarantaine d'années (...) se fait l'interprète du jouvenceau et la conversation s'engage avec mon voisin de droite...
Gide, Souv. Cour d'ass.,1913, p. 671. II. − [Correspond à interpréter II] A. − Personne qui explique, cherche à rendre clair un texte, une pensée dense, compliqué(e) ou ambigu(ë). Synon. commentateur.Interprète des textes sacrés. Comme l'ont pensé les interprètes les plus récents du freudisme, (...) nous y devions chercher [dans l'angoisse] les traces du conflit intérieur dont seraient chargés tous nos instincts (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 192): 2. ... il suffit quelquefois (...) de comprendre un tour obscur, de pénétrer une allusion érudite (...). Ses beautés ont souvent besoin d'être démontrées avant d'être senties. C'est ce rôle délicat d'interprète que nous avons tâché de remplir dans le volume consacré en entier à Ronsard et à ses œuvres...
Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr.,1828, p. 77. B. − Celui qui donne un sens symbolique, allégorique, mystique à quelque chose. Interprète des songes. [Le] médiateur Helcias, l'interprète des symboles, le ministre des pouvoirs occultes (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 378): 3. Ce qui suit, que le maître lui-même de ces lieux,
Que le puissant Loxias en ait cure,
Qui est le mire et le divinateur et l'interprète des prodiges
Et le purificateur des demeures qui lui sont ouvertes.
Claudel, Euménides,1920, I, p. 951. III. A. − Personne chargée de faire connaître les intentions, les désirs d'une autre. Synon. porte-parole.Les opinions religieuses ont ceci de particulier, qu'elles donnent un pouvoir illimité à ceux (...) qui les croient réellement les dépositaires et les interprètes de la volonté divine (Destutt de Tr., Comment. sur Espr. des lois,1807, p. 389): 4. Lorsque Louis XIII (...) fut à son tour emporté, on fit circuler certain sonnet fort dur (...). C'est Voltaire qui s'est fait l'interprète de la plupart des racontars. Il n'est pas impossible pourtant que l'épigramme prudente fût bien de Corneille...
Brasillach, Corneille,1938, p. 241. − Au fig., littér. [À propos d'un inanimé personnifié] Je vois la bassesse encore souillée de la fange où elle se traînait la veille, profaner aujourd'hui l'éloge, en se hâtant de s'en rendre l'interprète (Jouy, Hermite, t. 5, 1814, p. 197).C'est à elle [la nature] qu'il [le peintre] demande d'être son interprète d'élection; c'est elle qu'il charge de la tâche d'incliner l'âme à telle ou telle disposition (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 288). B. − [Correspond à interpréter III] 1. THÉÂTRE, CIN., MUS. Artiste qui joue un rôle ou un morceau de musique en traduisant de manière personnelle la pensée, les intentions d'un auteur ou d'un musicien. Un grand interprète de Wagner; être le principal interprète de cette pièce, de ce film. L'opérateur [dans la réalisation d'un film] tourne lorsque le metteur en scène [est] satisfait de l'ensemble de ses interprètes (Graffigny, Cin.,1923, p. 163).Supposons que l'œuvre lyrique ou symphonique soit défendue par des interprètes qui la traduisent avec une fidélité exemplaire (Arts et litt.,1936, p. 80-4).L'écriture vocale webernienne [de Webern] utilise des intervalles de plus en plus disjoints (créant ainsi d'incontestables obstacles pour l'interprète et l'auditeur) (Samuel, Art mus. contemp.,1962, p. 225). − [P. méton. du compl. déterminatif] :
5. Nous croyons au contraire que ce n'est pas l'audition, mais la lecture qui nous permet de contrôler la valeur d'une pièce et de vérifier si ses interprètes l'ont trahie ou embellie.
Mauriac, Journal 2,1937, p. 168. 2. BEAUX-ARTS. Artiste qui reproduit un modèle ou la nature de manière personnelle, selon sa propre vision des choses. L'artiste est l'interprète de la nature; c'est à lui de découvrir le sens voilé, le sens profond de ce poëme obscur, pour le traduire dans sa langue (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin,1876, p. 17).Émile Vernier, par l'universalité et la souplesse de son talent, incarne par excellence le type « d'interprète » lithographe (Chelet, Lithogr.,1933, p. 301). Prononc. et Orth. : [ε
̃tε
ʀpʀ
εt]. Passy 1914 [-prε:t]. Ac. 1694, 1718 interprete, ensuite -prète. Étymol. et Hist. 1. 1321, 14 sept. « crieur public » par interpreite coustumé (Lettres du prévot de Paris accordant 11 articles de statuts aux jongleurs et ménétriers ds R. de Lespinasse, Métiers de Paris, III, 581), attest. isolée; 2. a) fin xives. [ms.] « prophétesse » (Bersuire, Tit. Liv., B.N. 20312 ter, fo9 ds Gdf. Compl.); 1549 « celui qui transmet, explique la volonté des dieux » (Ronsard, Le Bocage, II, 53 ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, II, 159); b) 1466 « celui qui explique » bons interpres (P. Michault, Doctrinal du temps présent, 14, 282 ds Z. fr. Spr. Lit. t. 64, p. 56); 1564 interprete (Thierry); c) 1588 « (d'une chose) ce qui fait connaître une chose cachée » (Montaigne, Essais, éd. A. Thibaudet, III, XIII, p. 1235 : les songes sont les loyaux interprètes de nos inclinations); d)1636 « celui qui a charge de faire connaître les intentions d'un autre » (Tristan, Marianne, V ds Littré); e) 1847 « celui qui joue un rôle au théâtre, qui interprète une œuvre » (Balzac, Cous. Pons, p. 258 : Il fut à la fois Beethoven et Paganini, le créateur et l'interprète); 3. a) 1562 « celui qui traduit par écrit d'une langue dans une autre » (Bonivard, Advis et devis de noblesse, 163 ds FEW t. 4, p. 760a); b) 1596 « celui qui traduit oralement, truchement » (Hulsius). Empr. au lat. class.interpres, -etis « agent entre deux parties, intermédiaire; celui qui explique ». Fréq. abs. littér. : 705. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 196, b) 579; xxes. : a) 1 024, b) 1 050. Bbg. Gir.t. 2 Nouv. Rem. 1834, pp. 55-56. - Seleskovitch (D.). L'Interprète ds les conf. internat. Paris, 1968, 263 p. |