| INDUCTION, subst. fém. A. − [Correspond à induire B] 1. Domaines spéc. a) LOG. Type de raisonnement consistant à remonter, par une suite d'opérations cognitives, de données particulières (faits, expériences, énoncés) à des propositions plus générales, de cas particuliers à la loi qui les régit, des effets à la cause, des conséquences au principe, de l'expérience à la théorie. Anton. déduction.Procéder, raisonner par (voie d') induction; raisonnement par induction; lois établies par induction; induction et déduction, analogie et induction, déterminisme et induction, observation et induction, syllogisme et induction. L'induction n'est possible, en physique, que parce que le savant ne retient que le schéma général du phénomène, qui, étant simple, peut se reproduire indéfiniment (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 327).L'induction des lois à partir de l'expérience ne nous conduit pas à des conclusions absolument nécessaires (Gilson, Espr. philos. médiév.,1932, p. 36).V. analogie ex. 18 et déductif ex. : 1. ... l'induction proprement dite (...) est une opération intellectuelle. Celle-ci repose sur la croyance qu'il y a des causes et des effets, et que les mêmes effets suivent les mêmes causes (...). Elle implique d'abord que la réalité est décomposable en groupes, qu'on peut pratiquement tenir pour isolés et indépendants.
Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 215. ♦ Induction amplifiante, baconienne, ordinaire. Synon. extrapolation.Cf. amplifiant B. ♦ Induction aristotélicienne, complète, formelle, totalisante. V. énumération ex. 2. − P. méton. Conclusion, conséquence tirée par ce raisonnement. Inductions de la logique, du raisonnement; inductions cliniques, féminines, scientifiques; induction certaine, erronée; chaîne des inductions; série, suite d'inductions; faire part de ses inductions. Appuyé sur les mille inductions que l'étude universelle des choses fait jaillir de toutes parts, et qui convergent si puissamment au point de vue rationaliste (Renan, Avenir sc.,1890, p. 298).Le syllogisme qui mène Socrate à la mort plus sûrement que la ciguë, l'induction qui en forme la majeure, la déduction qui le conclut (Valéry, Variété II,1929, p. 92): 2. ... Madame Vauquer (...) disait, avec la logique sévère que l'habitude de tout supposer donne aux vieilles femmes occupées à bavarder pendant leurs soirées : « Si le père Goriot avait des filles aussi riches que paraissaient l'être toutes les dames qui sont venues le voir, il ne serait pas dans ma maison, au troisième, à quarante-cinq francs par mois, et n'irait pas vêtu comme un pauvre. » Rien ne pouvait démentir ces inductions.
Balzac, Goriot,1835, p. 39. b) MATH. Induction mathématique. ,,Opération consistant, une fois établi qu'il est légitime d'étendre une relation d'un terme au terme suivant de la même série, à généraliser en l'étendant de proche en proche à tous les termes de la série`` (Foulq.-St-Jean 1962). Synon. raisonnement par récurrence (dans le cas où les termes de la démonstration dépendent l'un de l'autre).Gentzen (...) parvint à démontrer la non-contradiction de l'arithmétique formalisée, en utilisant « intuitivement » l'induction transfinie jusqu'à l'ordinal dénombrable
Ε
̈ (Bourbaki, Hist. math.,1960, p. 63).Le nombre cardinal, qui a son origine dans le dénombrement des ensembles finis, a été étendu aux ensembles infinis et a conduit à la numération transfinie et à l'induction transfinie (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 16): 3. ... si, dans une série qui peut comprendre un nombre infini de termes, un ou plusieurs termes consécutifs sont soumis à une certaine loi, le terme suivant y sera pareillement soumis, par conséquent le terme qui vient après celui-ci, et ainsi de proche en proche; de sorte qu'il suffit de constater la loi pour un terme ou pour un nombre fini de termes : une induction rigoureuse l'étendant ensuite à toute la série des termes consécutifs, en nombre infini.
Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 379. 2. P. ext. Fait de remonter, par le raisonnement ou l'intuition, de certains indices à des faits qu'ils rendent vraisemblables, en une synthèse de pensée reconstructive allant de la cause à la conséquence ou inversement. Synon. analogie, inférence, raisonnement.Procéder, raisonner par (voie d')induction; d'induction en induction. J'étais déjà ici [à Nohant] à cette époque et je n'ai rien vu par moi-même [des journées de juin 1848], je ne puis donc juger que par induction (Sand, Corresp., t. 3, 1848, p. 88): 4. Avec tous les individus que je connais maintenant, ma pensée travaille singulièrement : je peux, à tels enfants, attribuer tels auteurs, par induction, à tels parents, telle existence.
Frapié, Maternelle,1904, p. 100. − P. méton. Résultat de ce processus de pensée; conclusion, conséquence ainsi tirée. Synon. conjecture, hypothèse, supposition.Tirer une induction, mille/toutes sortes d'inductions; à force d'inductions; fait, expérience qui confirme une induction; ce n'est qu'une induction; cette induction est fausse; juger sur de simples inductions; induction erronée, fâcheuse, frivole, hasardée, hasardeuse, fondée. Elle semblait riche : sa peine devait donc être toute morale. Arrivé à ce point de ses inductions, l'étranger se demanda si sa compagne était une jeune femme ou une jeune fille (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 349).J'admirais une fois de plus la sûreté des inductions d'Ortègue, et son coup d'œil divinatoire. Le projectile était exactement où il avait dit (Bourget, Sens mort,1915, p. 105): 5. Mademoiselle Fouille a un amant et s'est rendue à Nice : Gustave est parti et revenu le même jour qu'elle : cela suffit-il pour affirmer devant Claire, au risque de la tuer, ce que M. Baslèvre croit la vérité, ce qui peut être une erreur? Des inductions habiles, des concordances troublantes, des probabilités même servent à créer une conviction : on n'a pas le droit, il est inique d'en user comme de certitudes.
Estaunié, Ascension M. Baslèvre,1919, p. 222. B. − ÉLECTR., PHYS. Production et transmission à distance d'énergie électrique ou magnétique dans des corps neutres ou dans un circuit, sous l'influence d'un aimant ou d'un courant. Le tesla, unité d'induction; lois, phénomènes de l'induction; effets d'induction; bobine d'induction; fil, flux d'induction; induction électrodynamique, électrostatique. On aura donc à surmonter une force électromotrice d'induction qui tendrait à diminuer l'intensité des courants (H. Poincaré, Théorie Maxwell,1899, p. 11).Les coefficients qui entrent dans l'expression des forces électromotrices d'induction peuvent être déterminés par l'application du principe de la conservation de l'énergie (H. Poincaré, Électr. et opt.,1901, p. 132): 6. Mais que feraient un Descartes, un Newton, ignorants qu'ils seraient de notre électromagnétisme, de l'induction et de tout ce qui fut découvert après eux, si l'on soumettait à leur examen, sans explication, une dynamo, leur disant seulement ses effets?
Valéry, Variété V,1944, p. 73. − En partic. 1. Induction + adj. ♦ Induction électrique. Synon. de excitation électrique (Siz. 1968).Induction électromagnétique. ♦ Induction magnétique. ,,Grandeur vectorielle caractérisant la perturbation apportée en un point par le voisinage d'un aimant ou d'un circuit parcouru par un courant`` (Électron. 1959, 1963-64). Synon. champ magnétique.Le gauss, le weber, unités d'induction magnétique. D'après notre hypothèse, l'induction magnétique en ce point se confond avec la force électromagnétique (H. Poincaré, Électr. et opt.,1901, p. 185).Des modes de rotation correspondant, comme les flux d'induction magnétique ou comme la chaleur latente, à des mouvements de conservation (Bremond, Poés. pure,1926, p. 161). ♦ Induction mutuelle. ,,Production d'une force électromotrice induite dans un circuit, provoquée par les variations du courant qui parcourt un autre circuit voisin`` (ibid.). Dans cette image, S représente l'éther qui entoure les deux fils; c'est l'inertie de cet éther qui produit les phénomènes d'induction mutuelle (H. Poincaré, Théorie Maxwell,1899, p. 10).Ces liaisons, engendrées par l'induction mutuelle des charges présentes dans les différentes parties de ces molécules, sont faibles (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 481). ♦ Induction propre. ,,Production d'une force électromotrice dans un circuit, provoquée par les variations du courant qui parcourt ce circuit`` (Siz. 1968). Synon. auto-induction (vieilli), self-induction.Le circuit formé par (...) [les] deux conducteurs [du condensateur] possède un certain coefficient d'induction propre (Turpain, Applic. prat. ondes électr.,1902, p. 6). 2. Subst. + d'induction ♦ Coefficient d'induction. Synon. usuel inductance.Courant d'induction. Courant électrique inverse, temporaire, obtenu en faisant passer le courant électrique. Synon. électricité d'induction.Les courants d'induction prennent naissance dans la bobine par suite de la variation de magnétisme du noyau mobile (A. Leclerc, Télégr. et téléph.,1924, p. 158). ♦ Appareil, moteur à induction, machine d'induction. Générateur de courants électriques produits par induction; moteur à courant alternatif. On vérifie cette loi [de Faraday] en employant (...) une machine d'induction (H. Fontaine, Électrolyse,1885, p. 16).Les appareils de mise de feu [aux coups de mine] peuvent être (...), soit une petite batterie d'accumulateurs, soit un appareil à induction (J. Cahen, Bruet, Carrières,1926, p. 108). C. − [P. anal. de B] Déclenchement d'un phénomène, d'un processus. 1. BIOL. ,,Déclenchement d'un phénomène sous l'influence d'un autre phénomène ou d'une action extérieure`` (Husson 1970). Synon. détermination (recommandé par l'Académie des Sciences). − En partic., EMBRYOL. ,,Processus de régulation qui commande et contrôle l'orientation des phases successives de la différenciation cytologique et de l'organisation morphologique de l'embryon`` (Thinès-Lemp. 1975). Troubles de l'induction; rôle des organisateurs dans l'induction; induction vitale. Se forment, dans la région dorsale de l'embryon, les centres nerveux, qui, à leur tour, susciteront − par « induction » secondaire − la formation des yeux, des oreilles, etc. (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p. 41).V. lyser ex. de P. Morand, Confins vie, 1955, p. 123 : 7. ... la différenciation générale de l'embryon est, dans l'ensemble, le résultat d'une série d'inductions successives coordonnées. Le mécanisme élémentaire de ces inductions différenciatrices se ramène graduellement à (...) l'action de substances agissant comme des catalyseurs, qui (...) commandent (...) l'activité et la différenciation particulière des cellules.
Caullery, Embryol.,1942, p. 122. Rem. ,,L'Académie de Médecine admet le terme dans le sens « phénomène dont la manifestation ne suit la cause qu'avec un certain retard en pouvant persister après la cessation de la cause » et le rejette au sens de « détermination »`` (Méd. Flamm. 1975). 2. CHIR. ,,Premier temps de l'anesthésie générale`` (Garnier-Del. 1958, Monc. 1971). Induction de l'anesthésie. ,,Induction brutale (par inhalation ou injection intra-veineuse), progressive (par voie rectale ou perfusion); produits d'induction`` (Dub.). 3. PSYCHOL. Induction psychomotrice. ,,Processus par lequel une réaction observable (« induite ») est provoquée par une attitude ou un comportement particulier (l'« inducteur ») de telle sorte que l'induit réponde à l'inducteur dans le sens où celui-ci l'orientait involontairement ou volontairement. La suggestion est un cas particulier de l'induction volontaire`` (Mucch. Psychol. 1969). Taine (...) avait expliqué comment devant un paysage on ne peut s'empêcher de « se conformer à la pensée sourde qui semble pénétrer toutes les choses et les unir. » Par analogie avec l'électricité, Féré avait parlé ingénieusement d'induction psycho-motrice (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 432). REM. Inductomètre, subst. masc.,phys. Appareil servant à mesurer les courants induits. (Dict. xxes.). Prononc. et Orth. : [ε
̃dyksjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. 1290 « suggestion » (Drouart La Vache, Livre d'Amours, éd. R. Bossuat, 3126); 2. 1370-72 log. induccion (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, livre I, chap. 10, p. 123); 3. 1924 bot. induction (Gatin). II. 1813 induction phys. (H. Davy, Elémens de philosophie chimique, p. 116 ds Mack. t. 1, p. 202). I empr. au lat. inductio, -onis « action d'amener » et terme de log., dér. du supin inductum de inducere, v. induire. II prob. empr. à l'angl. induction de même sens (1812 ds NED), de même orig. que I. Fréq. abs. littér. : 510. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 782, b) 1 635; xxes. : a) 409, b) 378. Bbg. Bertini (M.-T.), Tallineau (Y.). Pt vocab. L'Informat. nouv. 1977, no80, p. 23. - Quem. DDL t. 5. |