| INCAPACITÉ, subst. fém. I. − Rare. État d'une chose qui ne peut contenir, défaut de capacité. Il [un grain de sable] se conserve par cette force qui est le fond même de son être, et sans quoi il s'abîmerait dans l'incapacité absolue du néant (Lacord., Conf. N.-D.,1848, p. 37).Les uns [des canaux] ont pour but d'unir entre elles des voies déjà existantes (...); les autres de suppléer à l'incapacité de certaines rivières en les longeant : ce sont les canaux latéraux (Albitreccia, Gds moyens transp.,1931, p. 78).Cf. capacité A. II. A. − Absolument 1. État d'une personne qui n'a pas les qualités, les aptitudes requises pour une activité, un état, une fonction. Incapacité absolue, notoire. Il a négligé toute instruction, toute étude, et il est tombé dans l'incapacité : devenu inapte aux affaires, il en a jeté le fardeau sur des mercenaires (Volney, Ruines,1791, p. 92).Un peuple qui (...) n'a pas su se prémunir contre les inondations et les famines a fait preuve d'incapacité ou tout au moins d'incurie (Gide, Journal,1932, p. 1121).Après quelques mois d'une exploitation rendue difficile par l'inexpérience et l'incapacité de ses rédacteurs, ce journal disparut (Coston, A.B.C. journ.,1952, p. 57). − P. méton. Il accusa le clergé non-seulement dans ses vices, mais aussi dans ses ridicules et ses incapacités (Péladan, Vice supr.,1884, p. 318). 2. Rare. État d'une chose qui n'a pas les propriétés requises pour une fonction. Certains étrangers pourraient être gênés par la relative incapacité de leurs moyens d'expression (Du Bos, Journal,1923, p. 285). − P. méton. Synon. de déficience.Si l'industrie humaine était tout à coup bornée à une seule espèce de produits, il surgirait aussitôt des incapacités nombreuses, et partant, la plus grande inégalité sociale (Proudhon, Propriété,1840, p. 227). B. − [Constr. avec un compl. prép. ou un adj.] 1. État d'une personne qui est incapable de (faire quelque chose). Anton. aptitude, capacité. a) [Le compl. désigne un acte ou un procès actif] État d'une personne qui n'est pas apte à, qui n'a pas la possibilité de (faire quelque chose). ♦ Incapacité à + inf.L'incapacité des majorités à se gouverner elles-mêmes (Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1267).Il était parti tôt ce matin, ravagé par le chagrin et par un autre sentiment (...) : une horreur profonde de leur vie, une horreur profonde en lui de son incapacité à les aider (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 449) : 1. La circulaire ministérielle du 10 février 1944 a précisé que, pratiquement, « les troubles du caractère sont décelés par l'incapacité de l'enfant à s'adapter à la discipline de la classe ».
Encyclop. éduc.,1960, p. 200. ♦ Incapacité de + inf.Ce dédain qu'elles affectent pour le plaisir, n'est que l'incapacité de le sentir (Bonstetten, Homme Midi,1824, p. 187).Vous dénoncez chez nos bourgeois cultivés des abus de sensibilité qui auraient entraîné une démission de l'intelligence et une incapacité de comprendre (Aymé, Confort,1949, p. 102) : 2. ... « il n'y a pas d'autre explication possible d'opinions contraires aux nôtres. » Si. Il y en a d'autres, messieurs, je vous assure. Au premier rang, votre propre incapacité de penser, de critiquer, de juger par vous-mêmes.
Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 537. (Être) dans l'incapacité de (faire qqc.).(Être) dans l'impossibilité de (faire quelque chose). S'étant déjà défait de quelques objets, il est dans l'incapacité de les restituer. Voilà les faits. Voilà sur quoi on ouvre une instruction contre lui (Lacretelle, Silbermann,1922, p. 125).♦ Incapacité de + subst. (rare).J'ai montré comment les espions de l'état-major étaient fatalement conduits à passer du rôle de fournisseurs de documents au rôle de fabricateurs, et j'en ai donné pour principale raison l'incapacité de critique chez l'acheteur, et la sécurité offerte par le secret d'état aux faussaires (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 280).Sentir sans cesse avec cette véhémence, avec cette apparence de profondeur et que tout de même cela ne constitue pas une continuité (...) : est-ce incapacité de prolongement du sentir, manque de ressentir (Du Bos, Journal,1923, p. 403). b) [Le compl. désigne un état ou une attitude psychol.] État d'une personne qui n'est pas apte à, qui ne peut (éprouver ou faire preuve de quelque chose). ♦ Incapacité à + inf. (rare).Je suis écœuré par leur incapacité à être à la fois ardents et sceptiques (Barrès, Cahiers, t. 3, 1904, p. 226). ♦ Incapacité de + subst.Toujours même situation physique et morale, même incapacité d'attention, mêmes efforts impuissants pour avancer l'ouvrage entrepris (Maine de Biran, Journal,1818, p. 113).Par conséquent même rêverie incessante, mêmes accablements profonds, mêmes gaietés soudaines, même innocence de cœur, même incapacité d'ambition, mêmes paresses (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 95). c) [Le compl. désigne une activité, une sphère d'activité] État d'une personne qui n'a pas de dispositions pour (quelque chose). ♦ Incapacité de + subst. (désignant une personne par son activité).Je revois tout cela avec mon absolue incapacité d'élève et ma faiblesse épouvantée en récréation (Barrès, Cahiers, t. 1, 1896, p. 18). ♦ Incapacité pour, en + subst.Dans la classe des ouvriers, cette incapacité pour plus d'un emploi rend plus dure, plus fastidieuse et moins lucrative la condition des travailleurs (Say, Écon. pol.,1832, p. 99).Mon incapacité en matières d'argent, ou plutôt la répulsion qu'elles me causent est arrivée chez moi à un tel point que cela frise l'imbécillité ou la démence (Flaub., Corresp.,1872, p. 383). ♦ Incapacité + adj.Incapacité intellectuelle, morale, pratique. On reconnaît à l'instant l'impuissance d'induction et l'incapacité analytique, le manque d'initiative et d'instinct classificateur (Amiel, Journal,1866, p. 395).Sa sincérité n'est que la preuve de l'incapacité critique qui le disqualifie (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 137).Seuls peuvent être dispensés les jeunes gens atteints d'incapacité physique (Serv. milit. et réf. arm.,1963, p. 54) : 3. Malgré mon incapacité musicale, qui désolait mon grand-père, j'étais très-sensible à l'harmonie majestueuse et royale du latin; cette grandiose mélodie italique, me rendait comme un rayon de soleil méridional.
Michelet, Peuple,1846, p. 27. 2. Rare. État d'une chose qui n'a pas les propriétés requises pour (faire quelque chose). Cette incapacité [de l'œil] de jouir du soleil est, si je ne me trompe, l'unique suite du péché originel que nous soyons tenus de regarder comme naturelle (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 94).Gluck avait voulu prendre parti contre lui et ce qu'il avait dit de l'incapacité de la langue française à porter la musique (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 315). C. − Spécialement 1. MÉD. LÉGALE. Incapacité de travail. État d'une personne qui, à la suite d'une maladie ou d'un accident, se trouve empêchée totalement ou partiellement de travailler, d'accomplir certains actes. Incapacité totale, absolue, partielle. L'avoué (...) veut me faire donner des dommages et intérêts pour incapacité de travail pendant huit jours, attestée par le médecin (Villiers de L'I.-A., Corresp.,1870, p. 161).Les caisses régionales couvraient les risques ayant une fréquence moins grande ou donnant lieu à des prestations plus stables : incapacité permanente de travail, invalidité, vieillesse (Réforme Séc. Soc.,1968, p. 5). 2. DR. Incapacité (de + subst. ou inf.).Inaptitude légale à jouir d'un droit ou à l'exercer par soi-même. Les personnes capables de s'engager ne peuvent opposer l'incapacité du mineur, de l'interdit ou de la femme mariée, avec qui elles ont contracté (Code civil,1804, art. 1125, p. 204).Une assemblée nationale constituante (...) est élue (...) par tous les Français et Françaises majeurs sous la réserve des incapacités prévues par les lois en vigueur (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 571) : 4. La personne protégée est frappée d'une incapacité d'exercer elle-même des actes graves. C'est l'incapacité d'exercer. La loi connaît une deuxième incapacité qui retire à l'individu la possibilité même d'avoir ses droits, c'est l'incapacité de jouissance.
M. Vanel, Pt Manuel de Dr., t. 1, 1956, p. 70. REM. Incapacitant, -ante, adj. et subst. masc.(Produit chimique) qui a pour effet de mettre un individu temporairement hors d'état de combattre. Une série de gaz « anti-émeutes », les « incapacitants », dont font partie les actuels « gaz lacrymogènes » (Le Nouvel Observateur ds Gilb.1971). Prononc. et Orth. : [ε
̃kapasite]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1534 dr. « inaptitude légale à jouir d'un droit » (Coutumes de Nivernois, chap. XXXI, art. 25 ds Nouv. Coutumier Gén., t. 3, p. 1155a : si l'inhabilité ou incapacité est perpetuelle); 2. 1544 « état de celui qui est incapable » (G. d'Aurigny, Livre de police humaine, trad. I. Le Blond, 243a, éd. de 1553 ds R. Et. rab. t. 9, p. 309 : l'incapacité de sa jeunesse); 3. 1810 dr. incapacité de travail (Code pénal, art. 309). Dér. de capacité*; préf. in-1*. Cf. lat. chrét. incapacitas « impossibilité de comprendre » (Blaise). Fréq. abs. littér. : 411. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 637, b) 309; xxes. : a) 678, b) 629. Bbg. Jourjon (A.). Rem. lexicogr. R. Philol. fr. 1917-18, t. 30, p. 75. |