| GRIMER, verbe trans. A. − Dans le domaine du théâtre et, p. ext., dans la vie quotidienne. 1. Vieilli. [Correspond à grime] [Au théâtre],,Peindre des rides sur le visage, transformer le visage en le vieillissant`` (Ac. 1932). Part. passé et emploi adj. Paulin Ménier, sérieux comme un avoué, faisant le gracieux et l'homme du monde, avec sa tête de bossu, ses traits marqués et comme grimés de rides (Goncourt, Journal,1861, p. 993).Les images mentales, surtout celles de nos rêves, ressemblent à des acteurs de pantomime plus ou moins grimés ou masqués (Warcollier, Télépathie,1921, p. 277). 2. [Le suj. désigne un animé; le compl. désigne une pers. (en partic. un comédien, p. méton. son visage)] Transformer (le visage d'un comédien) en (le) maquillant. Part. passé et emploi adj. Personnages bizarres, aux costumes hétéroclites, aux visages grimés (Balzac, Illus. perdues,1837, p. 92).Le théâtre était dans la serre (...) j'étais bien grimé et (...) M. Pourrat m'avait bien fait de la barbe avec du papier brûlé (Goncourt, Journal,1855, p. 217).La toile brilla de tous ses bleus, laissa voir tous les artifices du peintre, comme un visage grimé livre ses secrets sous le feu d'un projecteur (Colette, Naiss. jour,1928, p. 35). − [Avec un compl. introd. par en désignant le résultat obtenu] Je déguisais ma chère maîtresse en bardache, je la grimais en vieille salope sinistre et poivrée (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 105).Part. passé et emploi adj. Ce sourire fut partagé par des jeunes gens du second rang moins bien grimés en vétérans (Vigny, Mém. inéd.,1863, p. 88).On eût dit Camille grimé en vieillard (Zola, T. Raquin,1867, p. 171). − Emploi pronom. réfl. Modifier son visage en le maquillant. Venture s'était si bien grimé que son adversaire hésitait à le reconnaître (Ponson du Terr., Rocambole, t. 5, 1859, p. 276).Toujours se grimer, disait-elle, comme si l'art du comédien ne tenait qu'à des crayons (Duhamel, Suzanne,1941, p. 238) : Il n'y a pas, dans ce ménage, le maquillage usité chez les actrices et chez les filles, mais le simple compromis de nombre de femmes de la bourgeoisie qui, sans se grimer comme elles, se nuent tout bonnement la peau de poudre au bismuth, teintée en rose pour les blondes, en nuance Rachel pour les brunes.
Huysmans, Art mod.,1883, p. 113. ♦ [Avec un compl. introd. par en désignant le résultat obtenu] Le rôle d'un vieil alcade dans lequel il révéla pour la première fois son talent pour se grimer en vieillard (Balzac, Illus. perdues,1839, p. 338). 3. [Le suj. désigne un inanimé] Modifier le visage, l'apparence (de quelqu'un) en accentuant les traits, en vieillissant. La fatigue l'avait si bien grimé et le froid l'avait si bien enrhumé, qu'il avait l'air d'un poitrinaire authentique (Murger, Scène vie jeun.,1851, p. 233).Regardez un juge jauni par le mauvair air, grimé par l'impatience (Taine, Notes Paris,1867, p. 149). B. − Au fig. Transformer l'apparence de quelque chose, l'état habituel ou naturel de quelque chose. Synon. maquiller.[Avec un compl. introd. par en désignant le résultat obtenu] L'assassinat policier, grimé en suicide, de Stavisky au Vieux logis (L. Daudet, Brév. journ.,1936, p. 76). − Emploi pronom. S'imagine-t-on l'innocence contrainte à se grimer, la vertu contrefaisant sa voix, la gloire mettant un masque? (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 141). REM. Grimerie, subst. fém.,rare, péj. Pièce de théâtre comique. Bertrand, Suzette, Stanislas, toutes ces petites grimeries, assez drôles sous le régime des censeurs, n'ont pu supporter le grand air ni le grand jour de la liberté (Balzac,
Œuvres div., 1830, p. 253). Prononc. et Orth. : [gʀime]. Ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. 1823 « marquer (un acteur) de rides pour lui vieillir le visage » (Boiste); 2. 1827 « farder, maquiller pour le théâtre, etc., ou d'une manière outrancière » (Hugo, Préf. Cromwell, p. 44). Prob. dér. de grime* au sens de « grimace, ride ». Cf. encore grimer intrans. « faire des plis (d'une étoffe) » (1826 ds Fr. mod. t. 17, 1949, p. 292) et, peut-être aussi, dès 1803 : ,,grimer ou grincher, se dit de la croûte du pain inégale, éraillée`` (Boiste), que le FEW t. 21, p. 473b range parmi les mots d'orig. inconnue. Fréq. abs. littér. : 51. Bbg. Greimas (A.). Rem. pour servir à l'hist. des mots. Fr. mod. 1956, t. 24, p. 103. - Quem. DDL t. 2, 5. |