| GIBECIÈRE, subst. fém. A. − 1. [Au Moyen Âge] Bourse large et plate qui se portait à la ceinture (cf. Ac. 1835, 1878). Synon. aumônière. 2. Vx. Bourse souple fermée par des cordons, portée devant soi, attachée comme un tablier, et servant aux tours de passe-passe, au jeu de gobelets. Je sais bien qu'un aussi grand joueur de gobelets doit infailliblement, dans un moment tel que celui-ci, tirer du fond de sa gibecière quelque tour extraordinaire (J. de Maistre, Corresp., t. 4, 1812, p. 241). ♦ Tours de gibecière. Tours de passe-passe, de prestidigitation. L'apôtre du somnambulisme avait choisi la salle des exercices d'une maison d'éducation pour théâtre de ses tours de gibecière (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 146). − Loc. fig. Avoir plus d'un tour dans sa gibecière. Avoir beaucoup de ruse, d'habileté, d'adresse, n'être jamais à court d'expédients. Synon. avoir plus d'un tour dans son sac.Ce n'était pas (...) une imagination fertile en expédients; toutefois (...) le marquis avait déjà plus d'un bon tour dans sa gibecière (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 264).Le d'Estrigaud est un rusé coquin, je vous en réponds, et il a plus d'un tour dans sa gibecière (Augier, Contagion,1866, p. 486). − Au fig. [P. allus. littér. à Montaigne] Gibecière de la mémoire. Mémoire, conscience, réceptacle de souvenirs. Quelques traits de mœurs que je pourrais conserver dans la gibecière de ma mémoire (Du Camp, Nil,1854, p. 30).Tels épisodes si marquants qui gonflent ma gibecière d'expériences (Du Bos, Journal,1927, p. 188). − Arg. des voleurs. Poche de toile secrète portée sous le tablier ou la jupe. Et en moins de rien, montres, bijoux, argent, tout passait dans sa gibecière, c'était le nom qu'elle donnait à une poche secrète que recouvrait son tablier (Vidocq, Mém., t. 3, 1828-29, p. 242). B. − Usuel. Grand sac en cuir ou en toile, porté en bandoulière, utilisé par les chasseurs pour mettre les munitions et le petit gibier, par les pêcheurs pour transporter le poisson et les ustensiles de pêche, ou par les bergers pour mettre leurs provisions. Gibecière garnie; vider sa gibecière. Il tirait d'une belle gibecière en cuir un hareng saur écrasé entre deux pains d'épice, dont il m'offrait la moitié (Goncourt, Ch. Demailly,1860, p. 212) : Et il portait sa carabine en bandoulière, par-dessus la gibecière qui lui battait les reins de son filet de résille blanche. Il montait vers la forêt, très raide et très droit malgré ses soixante ans.
Moselly, Terres lorr.,1907, p. 63. − En gibecière. En forme de gibecière ou en bandoulière. Élena avait troussé sa courte jupe en gibecière pour emporter les escargots ramassés (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 128). C. − [P. anal. de forme] Vieilli 1. Cartable d'écolier porté sur le dos ou en bandoulière. Boucler sa gibecière. Ce matin-là, nous marchions tous deux sur la voie du collège, tenant chacun par un côté la courroie de ma gibecière (A. France, Pt Pierre,1918, p. 273).La gibecière sous le bras, le petit Chardonnereau arrive de l'école (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 148). 2. Sacoche portée en bandoulière, utilisée par les livreurs, les commis, les postiers, etc. Les agents des expéditeurs, portant en sautoir des gibecières de cuir, attendaient la recette (Zola, Ventre Paris,1873, p. 696).Voilà ma lettre. Mets-la dans ta gibecière (Martin du G., Vieille Fr.,1933, p. 1088). 3. MODE. Sac de dame ou portefeuille en cuir en forme de gibecière. Sac façon gibecière. Gibecière-portefeuille en cuir verni (cf. Obs. modes, no5, 1820, p. 53).Ce sac de peau fait en gibecière divisé en trois compartiments, si connu des voyageurs (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 725).Gibecière de voyage à laquelle étaient suspendus pêle-mêle un dictionnaire anglais-français, une longue-vue, un étui à cigares (Ponson du Terr., Rocambole, t. 4, 1859, p. 8). Prononc. et Orth. : [ʒipsjε
ʀ]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1280 gibechiere « sac de cuir dont se servent les chasseurs » (Clef d'amour, 375 ds T.-L.). Dér. de l'a. fr. gibiez, forme anc. de gibier*; suff. -ière*. Fréq. abs. littér. : 44. Bbg. Arveiller (R.). R. Ling. rom. 1973, t. 37, p. 500. - Quem. DDL t. 10. |