| * Dans l'article "GAZ,, subst. masc. invar." GAZ, subst. masc. invar. A. − Vx. Émanation, vapeur invisible. Les chimistes anciens appelaient les esprits aériformes ou gaz, qu'ils n'avaient pas encore découvert l'art de recueillir ou de fixer, spiritus silvestres, esprits sauvages, et ils dédaignaient de s'en occuper (Constant, Journaux,1804, p. 120). B. − Domaine scientifique [Terme générique]Corps se présentant à l'état fluide, d'une grande élasticité, très compressible, expansible et occupant la totalité de l'espace du récipient qui le contient. P. ext. Classe de ces corps, classiquement opposée à celle des liquides et à celle des solides. Gaz comprimé, liquéfié. Je suppose que j'aie à étudier la personnalité d'un écrivain ou d'un général; je ne procéderai pas autrement qu'un chimiste placé devant un gaz, ou qu'un physiologiste en train d'examiner un organisme (Bourget, Essais psychol.,1883, p. 171).Les sensations par lesquelles nous arrivons à former la notion d'espace sont inétendues elles-mêmes et simplement qualitatives : l'étendue résulterait de leur synthèse, comme l'eau de la combinaison de deux gaz (Bergson, Essai donn. imm.,1889, p. 80) : 1. Un gaz raréfié émet un spectre composé essentiellement de raies (...). Les molécules émettent un grand nombre de raies accumulées en bandes larges et habituellement nettes d'un côté. Ces bandes sont caractéristiques des composés présents dans le gaz.
Schatzman, Astrophys.,1963, p. 26. ♦ Gaz parfait. État théorique dont s'approche tout gaz réel à des températures très supérieures à son point critique et à des pressions peu élevées. (Dict. xixeet xxes.). − Spécialement 1. CHIMIE a) Gaz en tant que corps simple ou composé pouvant se noter également par une formule moléculaire. Gaz carbonique. Les ferments ne sont pas organisés; il n'y a d'organisé que les cellules organisées qui exhalent le gaz O ou CO2(C. Bernard, Notes,1860, p. 188).L'atmosphère était saturée de gaz sulfureux, d'hydrogène, d'acide carbonique, mêlés à des vapeurs aqueuses (Verne, Île myst.,1874, p. 591).Pasteur n'y a constaté [dans les vapeurs contenues par des ballons] qu'une très légère diminution du gaz oxygène, dont 2 à 4 pour 100 seulement ont été remplacés par un volume égal de gaz carbonique (J. Rostand, Genèse vie,1943, p. 131). b) Gaz ou groupe de gaz possédant des propriétés physiques ou chimiques particulières et/ou occasionnant des troubles physiologiques particuliers. Gaz détonnant, inerte, inflammable, ionisé, rare; gaz asphyxiant, délétère, vésicant. À la mine d'ozokérite de Borislaw (Galicie), il s'est dégagé du gaz hilarant qui enivrait quelquefois les ouvriers (Haton de La Goupillière, Exploitation mines,1905, p. 691).Les principaux caractères de cette préparation d'artillerie avaient été (...) l'envoi de gaz lacrymogènes suffocants − mais non point asphyxiants semblait-il (Romains, Verdun,1938, p. 95). ♦ En partic. Produit d'une fermentation ou d'une décomposition naturelle ou artificielle. L'eau se troublait, de grosses bulles de gaz montaient, crevaient à la surface, empestant l'air d'une odeur infecte (Zola, Débâcle,1892, p. 557). SYNT. Gaz naturel; gaz des marais; gaz humides, secs; réserves, sources, traces, gisements, émanations, dégagements, émissions de gaz (naturel). 2. PHYSIOL. Fluide à l'état gazeux que l'on trouve dans l'organisme sous forme dissoute ou sous forme libre. Gaz intestinaux; gaz du sang, de la respiration. Chercher à mettre dans l'intestin des sels de plomb et à voir si de l'hydrogène sulfuré se développera alors en quantité. Galvaniser et irriter les nerfs pour augmenter cette formation de gaz et en recueillir, si cela se peut (C. Bernard, Notes,1860, p. 44).La respiration a pour fonction d'introduire dans les tissus de l'animal les gaz nécessaires à l'entretien de la vie (Durkheim, Divis. trav.,1893, p. 11). ♦ Loc. Avoir des gaz. Synon. avoir des flatulences.Lâcher un gaz. Synon. lâcher des vents (fam.). − Vieilli. Parfum dégagé par une substance. Le corps sapide n'est apprécié que pour son suc, et non pour le gaz odorant qui en émane (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 43). C. − Fluide gazeux ayant des effets nocifs sur l'organisme, utilisé en particulier en temps de guerre et comme technique de combat. Gaz de combat; masque à gaz. Les muqueuses respiratoires sont beaucoup plus fragiles que la peau. C'est à cause de cette fragilité que des populations entières pourront, dans les guerres de l'avenir, être exterminées par des gaz toxiques (Carrel, L'Homme,1935, p. 79).Aucun blessé n'a pu subsister longtemps sur tout le terrain compris entre Saint-Jean-du-Loup et la cote 193 en raison de l'épaisse nappe de gaz demeurée dans les fonds (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1355) : 2. On ne trotte guère avec vingt boules sur le dos et des bidons en travers ou toute une ferblanterie de boîtes de conserve, ou des sacs de denrées de toute nature et, par surcroît, sur la face un masque qui vous étouffe à moitié, à cause de tous ces gaz empoisonnés qui traînent longtemps dans les ravins...
Bordeaux, Fort de Vaux,1916, p. 30. − En partic. Chambre à gaz. Lieu où l'on remplace l'air par l'anhydride cyanhydrique, en vue d'exécuter des individus (procédé utilisé sur une grande échelle par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale). Le procureur anglais observe que, « de Mein Kampf, la route était directe jusqu'aux chambres à gaz de Maïdanek » (Camus, Homme rév.,1951, p. 226).Henri avait douté en 38 que la guerre fût pour demain; en 40 il avait douté des chambres à gaz (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 297). D. − Usuel 1. Gaz d'éclairage ou gaz de ville ou absol. gaz. Mélange de gaz combustibles (hydrogène, méthane, oxyde de carbone) produit par différents procédés à partir du charbon, et utilisé à des fins industrielles ou domestiques dans des appareils de chauffage, de cuisson et autrefois des appareils d'éclairage. Gaz à l'air, à l'eau; gaz riche, pauvre; gaz de cokerie, de houille. M. Derblay, fils d'industriels, représente un siècle unique, celui qui a produit la vapeur, le gaz et l'électricité (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 353).Le gaz d'éclairage sert à tuer les chiens à la fourrière. Il anesthésie, endort. On est asphyxié après qu'il a agi sur le cerveau (Barrès, Cahiers, t. 4, 1904, p. 32).Sous la forme comprimée, le gaz de ville permet de disposer de beaucoup plus d'énergie avec des réservoirs singulièrement moins encombrants (Tinard, Automob.,1951, p. 362) : 3. Les gaziers mélangent au gaz de houille, trop riche généralement, du gaz à l'eau (...) et du gaz pauvre provenant d'un gazogène. D'après Lemaire, toutes les petites usines situées à proximité des massifs forestiers pourraient avantageusement constituer leur gaz mixte par le mélange de gaz de houille et de gaz de bois.
Dupont, Bois carburant,1941, p. 101. Rem. De nos jours l'appellation gaz de ville recouvre indifféremment et selon les régions, le gaz produit à partir du charbon, ou le gaz naturel distribué à l'usager. ♦ Fam. Ça sent, ça pue le gaz. De vieux bâtiments sur une courette obscure. Au sixième, à l'entrée d'un couloir qui puait le gaz, la porte numéro 3 (Martin du G., Thib., Consult., 1928, p. 1109). − [Comme source d'énergie des appareils domestiques fonctionna au gaz de ville ou au gaz naturel] Cuisinière à gaz (cf. gazinière, infra); radiateur à gaz. L'eau tiédie pour la toilette du soir chantait doucement sur le réchaud à gaz (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Duchoux, 1887, p. 698).Elle rentrait harassée, pour s'occuper d'Olivier, qui passait la journée au lycée, comme demi-pensionnaire, et ne revenait que le soir. Elle préparait le dîner sur le fourneau à gaz, ou sur une lampe à esprit-de-vin (Rolland, J.-Chr., Antoinette,1908, p. 874).Il fallait admirer de nouveaux rideaux, un cadre à photographies, un petit poêle à gaz au souffle cracheur et haletant (Chardonne, Épithal.,1921, p. 196). − Vieilli. [Comme source d'énergie dans l'éclairage public ou privé, aujourd'hui remplacé par l'électricité (cf. bec* de gaz)] Passé cinq heures et demie, le vaste préau prend un aspect morne et vacant de salle publique avec ses papillons de gaz qui bougent de distance en distance (Frapié, Maternelle,1904, p. 100).Quinette suivit l'inconnu dans l'arrière-salle. Le patron, montant sur une chaise paillée, alluma une lampe à gaz (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 219).Je traversai la ville, entre mes parents, traînant les pieds. Déjà les lampions s'éteignaient, le long des rues, mais des rampes de gaz flambaient autour des bâtiments officiels (Guéhenno, Journal homme 40 ans,1934, p. 49) : 4. Vers le ciel de décembre, obscur à la fois et encombré d'astres, Paris lançait son immense lueur rose. Les millions d'ampoules, les milliers de réverbères à gaz, les rampes des vitrines, les enseignes lumineuses courant autour des toits, les boulevards sillonnés par tant de lanternes de voitures...
Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 23. P. méton. Dans la clarté crue du gaz, sur la nudité blafarde de cette salle (...), de hautes affiches jaunes s'étalaient violemment, avec le nom de Nana en grosses lettres noires (Zola, Nana,1880, p. 1097).Or, est-ce que l'autre soir (...) il n'émit pas la prétention de me faire éteindre le gaz, disant qu'il voulait désormais être éclairé à la bougie (Courteline, Client sér.,1897, 3, p. 50).Ce n'étaient pas les hôtels qui manquaient : ils bloquaient la gare, de tous côtés; leurs noms flamboyaient en lettres de gaz (Rolland, J. Chr., Foire, 1908, p. 644) :5. ... cet homme [Degas] d'un tempérament si fin, d'un nervosisme si vibrant, dont l'œil est si curieusement hanté et rempli par la figure humaine en mouvement dans la lumière factice du gaz ou dans le jour blafard des pièces éclairées par la triste lueur des cours, s'est surpassé, s'il est possible.
Huysmans, Art mod.,1883, p. 131. − [Production et exploitation du gaz de ville] Usine à gaz; compteur à gaz; employé du gaz (cf. gazier1). Entre une réclame sur le savon Mikado et l'éloge d'une villa à Saint-Raphaël, avec eau et gaz à tous les étages, ce sonnet avait été imprimé, enjolivé de deux petites coquilles (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 93).Tu n'as pris de précaution ni pour l'écoulement des eaux, ni pour les canalisations du gaz et de tout le reste (Duhamel, Terre promise,1934, p. 143).Comme maman avait laissé impayées plusieurs notes de gaz, nous ne pouvions plus prendre de bains (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 268). SYNT. Conduite de gaz; fermer, ouvrir, baisser, réduire le gaz; fuite, odeur, explosion de gaz; grève du gaz. − Locutions ♦ C'est pour le gaz (vieilli). [Formule familière pour annoncer le relevé d'un compteur à gaz] « C'est pour le gaz! » hurlait un employé dans la porte qu'un enfant lui avait ouverte (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1640). ♦ Il y a de l'eau dans le gaz (fam.). ,,Il y a quelque chose qui ne va pas, ou une dispute est imminente`` (Car. Argot 1977). ♦ Suicide par le gaz. Action de se donner la mort en s'asphyxiant avec du gaz de ville. Il fallait donc remonter au suicide par le gaz pour chercher les responsables (Cocteau, Enf. terr.,1929, p. 141). 2. Gaz naturel. Hydrocarbure gazeux localisé en gisement souterrain propre à l'exploitation industrielle ou domestique. En 1955, les proportions sont respectivement de 44 %, 35 %,7 % à quoi il faut ajouter 14 % pour un nouveau venu, le gaz naturel. Le charbon est relativement moins utilisé (Lesourd, Gérard, Hist. écon., t. 2, 1966, p. 512). 3. Gaz portatif. Essentiellement gaz butane et gaz propane conditionnés en bouteille ou en citerne et ayant les mêmes utilisations que le gaz de ville. Bouteille, citerne, bonbonne à/de gaz. On l'utilise [ce gaz] spécialement dans l'industrie du gaz portatif (Wurtz, Dict. chim., t. 1, 1ervol., 1869, p. 638). 4. Domaine des véhicules à moteur, au plur.Mélange d'air et de carburant faisant fonctionner les moteurs à explosion. Gaz d'échappement; mettre les gaz. Ayant roulé, lentement, vent debout, il tire à lui la manette des gaz. L'avion, happé par l'hélice, fonce (Saint-Exup., Courr. Sud,1928, p. 6).« Jamais vu ça même pendant la guerre », répétait Leclerc depuis qu'il avait coupé les gaz pour l'atterrissage (Malraux, Espoir,1937, p. 669).À quatre reprises, le Michoacan s'évanouit dans l'espace immense, avec les gaz du pot d'échappement et le ronronnement du moteur (Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 181) : 6. La lecture d'un manuel devient beaucoup plus vivante, lorsqu'on est familier avec le bruit des changements de vitesse, avec la terrible trépidation d'un moteur qui travaille en première, avec les secousses des coups de freins, avec l'odeur des gaz brûlés.
Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 259. − Loc. fam. À pleins gaz. À toute vitesse. Elles [les routes] ont au moins cet avantage qu'on y voit peu d'autos. On serait donc tenté de croire qu'on peut y courir à pleins gaz sans rencontrer d'obstacles (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 21). − AÉRON. Gaz léger que l'on utilise pour gonfler les ballons, les montgolfières. L'aéronaute qui veut atterrir ouvre la soupape; le gaz s'échappe du ballon (Marchis, Nav. aér.,1904, p. 205). REM. 1. Gazéiforme, adj.Qui existe à l'état de gaz, de même nature que le gaz. P. métaph. L'auteur est bien fou qui a pu croire que ces gens prendraient feu pour une chose aussi impalpable, aussi gazéiforme que l'honneur (Baudel., Art. romant.,1867, p. 515). 2. Gazéité, subst. fém.Propriété d'un corps d'exister à l'état de gaz. On parlerait d'abord d'une manière sommaire de leur impénétrabilité [des corps] et de ses différens modes, la dureté, la mollesse, et l'élasticité, et des trois états de solidité, de fluidité, et de gazéité (Destutt de Tr., Idéol. 3,1805, p. 448). 3. Gazinière, subst. fém.Appareil de cuisson au gaz. Dans le même temps [en 1934], La gazette lance un grand concours pour baptiser cet engin-miracle. Elle reçoit 4 000 réponses et déclare vainqueurs ex aequo les quatre concurrents ayant proposé la gazinière (Gaz de France information, no345, 15 déc. 1977, p. 22). Prononc. et Orth. : [gɑ:z]. Cependant [a] ds Dub. et Lar. Lang. fr. Admis ds Ac. 1762-1932. Homon. gaze. Dupré 1972, p. 1103, met en garde les Canadiens contre l'emploi de gaz comme abrév. de l'angl. gasoline pour désigner l'essence. Étymol. et Hist. 1. 1670 « vapeur invisible, émanation » (Van Helmont,
Œuvres physique et médecine, traduites par Jean le Conte, Lyon, p. 93); 2. 1787 « fluide aériforme » (Fér. Crit.); spéc. 1825 « gaz de l'organisme » (Brillat-Sav., Physiol. goût, p. 59); 3. 1826 « gaz combustible » (Balzac, Physiol. mar., p. 136 : pour éclairer les villes par le gaz aux dépens des citoyens); id. bec de gaz (Id., ibid.); 4. 1916 gaz asphyxiants (Barbusse, Feu, p. 233); 5. 1923 plur. « mélange gazeux utilisé dans les moteurs » (Romains, Knock, p. 3 : à peine quelques tours de manivelle pour appeler les gaz); 1929 en palier plein gaz (Guillemin, Constr., calcul et essai avions, p. 219). Mot créé par le médecin flamand Van Helmont (1577-1644) à partir du lat. chaos (gr. χ
α
́
ο
ς) « masse confuse des éléments répandus dans l'Univers » pour les raisons suivantes : « carbo ergo, et universaliter corpora quaecunque non abeunt in aquam, necessario eructant spiritum silvestrem... Hunc spiritum, incognitum hactenus, novo nomine gas voco... in nominis egestate, habitum illud gas vocavi, non longe a chao veterum » (FEW t. 2, p. 623a) avec graphie g d'apr. la prononc. flam. de ch-. Fréq. abs. littér. : 1 511. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 593, b) 2 976; xxes. : a) 3 208, b) 2 395. Bbg. Cattelain (E.). Point d'hist. dans le domaine de la chim. gén. Annales de Pharm. fr. 1955, t. 13, pp. 68-69. - Mahuzier (Cl.). Gaz à toutes les pages. Gaz de France Inform. 1977, no345, pp. 1-17. - Quem. DDL t. 3 (s.v. gazéiforme), 12. - Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 429. |