| FAÇON, subst. fém. I. A.− Action, art de façonner. Synon. façonnage, façonnement.Mmeen sait bien plus cette année-ci que l'autre sur les façons de robe et d'enfant, car elle est grosse (Balzac, Corresp.,1822, p. 134).Les prix [des fers à vitrages] comprennent le percement des trous de vitrage, et la façon des garde-verre à l'extrémité des fers inclinés pour former arrêts au verre (Robinot, Vérif., métré et prat. trav. bât.,t. 3, 1928, p. 28). − Locutions 1. De la façon de qqn. Façonné, fait par quelqu'un. a) Vieilli. On avait annoncé l'année dernière, comme devant incessamment paraître, un petit poëme de la façon d'un cocher de fiacre (Jouy, Hermite,t. 1, 1811, p. 75): 1. Les sextans dont nous avons fait usage, sont de la façon de Ramsden, artiste anglais; les cercles à réflexion de l'invention de M. de Borda, ont été exécutés par Lenoir, ingénieur français (pour les instrumens de mathématique et d'astronomie).
Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 2867, note a. b) Usuel. De ma, ta... façon : 2. ... il paraît qu'il me faut un ex libris pour mon édition du Mercure (...). Or je ne sais pas dessiner. Cela t'embêterait-il beaucoup de porter à Vallette une petite manigance de ta façon et du format qu'il faut...
Gide, Corresp.[avec Valéry], 1896, p. 278. ♦ Expr. Jouer, faire à qqn un tour de sa façon. Lui jouer un mauvais tour. Je suis sûr, dit Godeschal, que ce blagueur-là nous a préparé quelque tour de sa façon pour ce soir (Balzac, Début vie,1842, p. 455). 2. Région. (spéc. Suisse romande). Faire façon de qqn. Imposer son autorité à quelqu'un. Ils [les enfants] ont la vie trop facile (...). Le mien, si on le lâche, c'est fini, on ne peut plus en faire façon (Fémina,9 févr. 1977, p. 54). B.− En partic. 1. Vieilli. Opération concourant au façonnage d'une matière ou d'un objet. Les bois qui se fendent le mieux, comme le tremble, le sapin, sont les plus recherchés [pour cuire les poteries], parce que la façon du fendage est moins chère (Al. Brongniart, Arts céram.,t. 1, 1844, p. 214).Les prix fixés au chapitre des réparations comprennent les nettoyage, dégraissage, passage au feu, graissage ou autres façons préparatoires (Robinot, Vérif., métré et prat. trav. bât.,t. 3, 1928, p. 108).cf. agent ex. 43. − Loc. Mettre, donner les dernières façons à qqc. (cf. la dernière* main) : 3. ... il ne suffit pas que les matières aient reçu leurs dernières façons pour que je puisse m'en servir; il faut encore qu'elles soient près de moi.
Destutt de Tr., Comment. sur Espr. des lois,1807, p. 325. − P. ext. [En parlant d'une pers.] Soin de beauté. Vers les midi, Valérie et Lisbeth causaient dans la magnifique chambre à coucher où cette dangereuse Parisienne donnait à sa toilette ces dernières façons qu'une femme tient à donner elle-même (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 234).Ses cheveux abondants et noirs venaient de recevoir les dernières façons des mains de la coiffeuse (Gautier, Fracasse,1863, p. 104). 2. Spéc., AGRIC. Façon (aratoire, culturale). Opération destinée à ameublir, nettoyer ou retourner le sol afin de permettre à une culture de naître, de croître et de mûrir dans de bonnes conditions (d'apr. Fén. 1970). En supposant un sol vierge, la première façon à entreprendre est le défrichement qui s'opère au moyen de charrues du type ordinaire (Ballu, Mach. agric.,1933, p. 46).Le sol du verger est maintenu exempt de toute végétation adventice au moyen de façon culturales répétées et obligatoirement superficielles (Boulay, Arboric. et prod. fruit.,1961, p. 92). ♦ Donner une façon. Il revint donc (...) chez nous donner une façon à la vigne qu'il y avait créée, et qu'il aimait comme sa chose (Sand, Nouv. lettres voy.,1876, p. 348). II.− P. méton. A.− 1. Travail accompli par celui qui façonne un objet. Prix de façon. Il [Saccard] reprit avec un sourire : (...) je vois ici, à la seconde page : « Robe de bal : étoffe, 70 fr.; façon, 600 fr. » (Zola, Curée,1872, p. 461): 4. ... tu viendrais me dire : voilà un gilet à retourner, je te retourne ton gilet, tu me payes la façon, et tout est dit...
Champfl., Bourgeois Molinch.,1855, p. 101. − Loc. À façon ♦ Travailler à façon. Travailler pour le compte d'autrui sans fournir la matière première. L'atelier de réparation d'une compagnie de chemin de fer n'a pas de service de vente, puisqu'il travaille à façon (Wilbois, Comment fonct. entr.,1941, p. 15): 5. ... on peut dire que l'éditeur ne se contente plus de diffuser les œuvres, il les inspire. Les auteurs travaillent à façon, sur des sujets fournis, dans des délais fixés.
Arts et litt.,1936, p. 8408. ♦ Artisan, ouvrier à façon. Artisan, ouvrier qui travaille pour le compte d'autrui sans fournir la matière première. Sous le casque il ne restait plus grand'chose du maroquinier à façon; ni même du Parisien de trente, trente-cinq ans. Un soldat triste, d'un âge quelconque : l'âge militaire (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 129). 2. Manière dont une chose est faite; forme qu'on lui a donnée. Façon soignée; la coupe et la façon d'un vêtement. Colliers, bracelets et médaillons pour pendre au cou, de différentes formes et couleurs; (...) bagues de différentes façons (Voy. La Pérouse,t. 1, 1797, p. 244).Rien, à cette heure de renouvellement d'étoffes et de façons, qui soit très-saillant (Mallarmé, Dern. mode,1874, p. 794).Des lambeaux de brume traînaient, à quelques centaines de mètres, au-dessus des lames grises. La légère brise s'en amusait, les roulant en boule ou les étirant, leur donnant une façon bizarre (Peisson, Parti Liverpool,1932, p. 161): 6. ... l'Église a, seule, recueilli l'art, la forme perdue des siècles; elle a (...) préservé, même dans l'aluminium, dans les faux émaux, dans les verres colorés, la grâce des façons d'antan.
Huysmans, À rebours,1884, p. 104. ♦ En partic. Synon. de facture*.Souvent dans les débris des statues tronquées, quand elles sont de grande façon, un seul reste du torse ou du masque donne à juger de l'ensemble (Sainte-Beuve, Portr. contemp.,t. 3, 1846-69, p. 482). − P. anal., rare. [En parlant d'une pers.] Conformation. Je ne puis m'empêcher de regarder le petit homme. Je conviens qu'il est très-bien fait dans sa petite façon, et que beaucoup d'hommes grands n'ont pas le mollet aussi fourni et aussi bien placé que le sien (Kock, Cocu,1831, p. 20). − Spéc., MAR. Façons. ,,Formes rétrécies et pincées de l'avant ou de l'arrière de la carène. Elles permettent d'obtenir des lignes d'eau plus fuyantes`` (Barber. 1969). Les navires se terminent à l'arrière par des façons fines (Armengaud, Moteurs à vapeur,t. 2, 1861, p. 317). Rem. Façon entre comme 2ecomposant dans la formation de mots tels que contrefaçon, mal(-)façon. B.− Au fig. 1. Forme particulière que revêt quelque chose; manière particulière de faire une chose. Quand on savait une chose, il était indifférent qu'on l'eût apprise d'une façon ou d'une autre (France, Bonnard,1881, p. 407).Chaque système est la façon dont un esprit éminent a vu le monde, façon toujours profondément empreinte de l'individualité du penseur (Renan, Avenir sc.,1890, p. 60).Nous sommes attirés par qui nous flatte, de quelque façon que ce soit (Radiguet, Bal,1923, p. 89): 7. ... il parlait de cette façon correcte et grise qui sent son éducation religieuse, grand soin d'éviter toute expression familière, grand luxe d'imparfaits du subjonctif.
Green, Journal,1929, p. 22. Absol. Manière de s'y prendre. Le lendemain matin, l'action du philtre avait cessé. « Elle m'a bien eu, cette vieille seringue! Mais c'est égal, elle a la façon » (Montherl., Célibataires,1934, p. 872).Et alors, quelles sont tes méthodes?... Il rectifie, offensé par ce mot pion : − Il n'y a pas de méthodes, il y a la façon (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 174).Loc. verb. vieilli. Faire façon de. Faire honneur à. Ils [le Marquis et Mallart] firent façon [au buffet de la gare du Mans] du fameux chapon rôti aux cèpes et n'en laissèrent que les os légers (La Varende, Dern. fête,1953, p. 312).♦ De façon, d'une façon + adj.S'exprimer de façon abstraite, regarder de façon bizarre; parler d'une façon incorrecte, répondre d'une façon évasive, rire d'une façon inquiétante. Encore une fois, l'argent lui manquait de façon cruelle (Gobineau, Nouv. asiat.,1876, p. 242).Il sourit d'une façon mélancolique et douce qui lui était particulière (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Testam., 1882, p. 662): 8. L'identité des machines entraîne celle de leurs maîtres. Concevoir d'une façon différente, sentir d'une manière distincte n'est plus que handicap en face de l'uniformité des instruments, risque de fausse manœuvre, de retard.
Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 42. De façon, d'une façon générale. D'un point de vue général. Comment tenir pour responsables de la mort de Jésus les Juifs de la diaspora et d'une façon générale, tous ceux qui ne se trouvaient pas à Jérusalem? (Green, Journal,1949, p. 256).♦ Façon de + inf.Façon d'agir, d'être, de vivre; façon de sentir, de voir; façon de dire (cf. dire1II A 2), de s'exprimer; la façon de donner.
α) Façon de faire (cf. faire1II A 3).Ces façons de faire lui ont été indiquées par l'herboriste (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 122).J'ai cherché l'annuaire des œuvres de ma sœur, en me disant que j'enverrais huit mille francs à l'œuvre sur la notice de laquelle j'ouvrirais le volume en l'ouvrant au hasard. (...) il a ajouté : « Je sais, ce n'est pas une façon de faire française. C'est plutôt américain » (Montherl., Célibataires,1934, p. 893).
β) C'est une façon de parler. Cela ne doit pas se prendre à la lettre (cf. Ac.). Dire sa façon de penser. Dire ce qu'on pense sans détours ni précautions oratoires. Voilà au moins un homme qui vous dit carrément sa façon de penser. Ça vous plaît ou ça ne vous plaît pas. Ce n'est pas comme l'autre qui n'est jamais ni figue ni raisin (Proust, Swann,1913, p. 265). ♦ À la façon + adj. de caractérisation (le plus souvent ethnique). À la manière de, selon l'usage de (un peuple, un pays...). Les vendette à la façon corse (Taine, Voy. Ital.,t. 2, 1866, p. 98).Il était vêtu à la façon kurde (Gobineau, Nouv. asiat.,1876, p. 309). ♦ À ma (ta, sa...) façon. D'une manière, selon des modalités qui me (te, lui...) sont propres. Ricarda penché sur la jeune femme lui faisait des passes sur le corps, il la soignait à sa façon (Abellio, Pacifiques,1946, p. 391).J'ai tout appris de toi sur les choses humaines et j'ai vu désormais le monde à ta façon (Aragon, Rom. inach.,1956, p. 237). − Loc. adv. ♦ En quelque façon, de quelque façon, d'une certaine façon. D'un certain point de vue. Napoléon, à lui seul le génie, la force, le destin de sa propre puissance, vainqueur de ses voisins, en quelque façon monarque universel (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 115).Les trois évangiles de S. Matthieu, de S. Marc, et de S. Luc, appartiennent d'une certaine façon aux trois deutéroses du Mosaïsme (P. Leroux, Humanité,t. 2, 1840, p. 818): 9. ... s'il suffit que l'on prononce devant moi ces trois syllabes pour qu'aussitôt je m'oriente vers un certain ordre d'idées, c'est que de quelque façon toutes les explications possibles me sont présentes d'un seul coup.
Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 425. ♦ De toute(s) façon(s). Quoi qu'on fasse, quoi qu'il arrive. Un être qu'on aime, il est doux de compter avec lui; des instants qu'il vous fait perdre on se dit seulement : « Ce sont les détentes qui de toute façon étaient nécessaires » (Montherl., Démon bien,1937, p. 1348): 10. ... que nous importe que l'on pratique parce qu'on a la foi, ou par amour des cathédrales, ou pour donner l'exemple de l'ordre, ou pour rendre inutile le socialisme, si c'est pour aboutir de toutes façons à l'Église en tant qu'institution?
Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 147. ♦ En aucune façon. Absolument pas, en aucun cas. Elle n'est en aucune façon une crétine (Montherl., Celles qu'on prend,1950, I, 2, p. 783): 11. ... je crois que les horribles événements de l'Inde, ne sont en aucune façon un soulèvement contre l'oppression. C'est une révolte de la barbarie contre l'orgueil.
Tocqueville, Corresp.[avec Reeve], 1858, p. 254. ♦ De la belle façon, de la bonne façon (vieilli, fam.). Comme il faut, sévèrement. Je l'ai grondé de la belle, de la bonne façon (DG).Éventrez-le-moi de la belle façon (Dumas père, Reine Margot,1847, II, 4, p. 68).Ils nous avaient aperçus et ils nous huaient de la belle façon (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 53): 12. Avec quelques coups de plat d'épée, j'ai fait justice de deux de ces drôles; Hérode et Scapin ont accommodé les deux autres de la bonne façon.
Gautier, Fracasse,1863, p. 222. En donner de la bonne façon à qqn. Le corriger sévèrement, le maltraiter. Si vous lui tombez sous la main, il vous en donnera de la bonne façon (Littré).S'en donner de la bonne façon. ,,Bien manger, faire une grande dépense, mener grand train`` (Littré). Depuis qu'il a recueilli cet héritage, il s'en donne de la bonne façon (Ac.1835, 1878).− Loc. conj. ou prép. impliquant une relation abstraite
α) de comparaison ♦ À la façon de + subst. Avec valeur adj. À la manière de, à l'imitation de. C'est une épître à la façon de Boileau (Ac.).Elliptiquement. Un maître-autel façon Moyen Âge, avec des colonnes torses et une gloire de la plus grande beauté (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 314).Bloc de bureau sur socle façon chêne ou acajou (Catal. jouets [Bon Marché], 1936).Puis sur son crâne assurant un panama façon Chicago s'en fut fort indifférent l'homme de Casalpusterlengo (Aragon, Rom. inach.,1956, p. 142): 13. Un homme d'une cinquantaine d'années portant culottes et leggins, le cheveu soigné, le teint frais, façon gentilhomme campagnard, entra dans la boutique.
Aymé, Passe-mur.,1943, p. 109. Avec valeur adv. Comme. Il se mit à genoux, et parut prier. Puis il se releva, salua à la façon des gladiateurs antiques (Ponson du Terr., Rocambole,t. 3, 1859, p. 478).Ces pensées passèrent en lui, à la façon d'une bourrasque, comme un tourbillon de sable et de détritus. Il en était aveuglé (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 173).♦ En façon de. En forme de. Des plaquettes de bois découpées en écailles rondes, ou en façon de tuiles (...) recouvrent les maisons (Gautier, Italia,1852, p. 2).Les pains de graisse, modelés en façon de femmes, abondaient dans cette foire (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 81). ♦ De la même façon que + ind. Comme : 14. ... Juliette Boutonier (...) interprète la mélancolie romantique de la même façon que les dépressions anorexiques?
J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 18.
β) de conséquence ou de but ♦ De façon que, de façon à ce que, de telle façon que + subj. (introduit une conséquence voulue ou envisagée). De telle sorte que, de telle manière que. Mais tout était disposé de façon qu'aucune des habitantes du cloître ne pût voir un visage du dehors (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 597).Une (...) large allée suivait le bord de la falaise, mais de façon qu'un encadrement d'arbres montât entre le promeneur et la mer (Gide, Feuillets,1896, p. 101).Un escalier intérieur conduit aux chambres. Il doit former un coude et être disposé de telle façon que les apartés y soient possibles (Mauriac, Asmodée,1938, I, 1, p. 11): 15. J'espère que je vais manier l'encensoir comme une fronde à charbons ardents envers quelques uns de nos amis, et les traiter galamment sur le mode ionien, de façon à ce que la cicatrice ne s'efface pas trop vite.
Villiers de L'I.-A., Corresp.,1888, p. 247. ♦ De façon que + ind. (vieilli).La nuit vint, de façon que je fus contraint de me retirer (Ac.). ♦ De façon à + inf.Afin de. Conduisez-vous de façon à vous faire aimer (Ac.1878-1932).Il se promit d'être prudent, de ne pas se lier davantage, de façon à avoir les mains libres, s'il lui fallait un jour aider un parti à étrangler la République (Zola, Fortune Rougon,1871, p. 84).Elle s'arrangea de façon à le voir seul (Rolland, J.-Chr.,Antoinette, 1908, p. 866). 2. a) Au sing., vieilli. Manière dont une personne se comporte. J'ai jugé à sa façon qu'il est homme de bonne compagnie (Ac.1835, 1878).Dans toute la paroisse il n'y avait pas femme plus vaillante qu'elle, ni plus capable. Accueillante, avec ça, et quelle belle façon elle avait pour les visiteurs! (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 231).Elle portait un face-à-main et se donnait l'air de regarder les visiteurs à la loupe, ce qui, je veux le croire, était, chez elle, façon de maniaturiste (Duhamel, Terre promise,1934, p. 101). ♦ En partic. [P. rapp. aux manières, aux usages, à la politesse] Éducation. Avoir bonne façon. Un homme, une femme de bonne façon (Ac.) : 16. L'amour nous fait la leçon :
Partout ce dieu sans façon
Prend la nappe pour serviette.
Béranger, Chans.,t. 1, 1829, p. 177. Être de bonne façon (vieilli). Être bien élevé. Il est simple et timide, et de bonne façon; Enfin c'est ce qu'on nomme un honnête garçon (Musset, À quoi rêvent j. filles,1832, I, 2, p. 345).b) Au plur.
α) Manières propres au comportement d'une personne. Je te respecte beaucoup... Tu trouves peut-être que je ne te l'ai pas assez montré?... que j'ai été trop libre dans mes façons avec toi? (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 137): 17. Toute condition sociale a son intérêt et il peut être aussi curieux pour l'artiste de montrer les façons d'une reine que les habitudes d'une couturière.
Proust, Chron.,1922, p. 22. SYNT. a) Façons bourrues, brusques, despotiques, gauches, hautaines, obséquieuses, polies, précieuses, réservées, timides; façons militaires, mondaines; bonnes, excellentes, mauvaises, vilaines façons. b) Façons de commis-voyageur, d'enfant gâté, de monsieur, de prince. c) Fraîcheur, rudesse des façons. d) Avoir de bonnes, de drôles de façons; faire preuve de bonnes, de mauvaises façons; prendre de (les) bonnes façons (de qqn). ♦ Loc. De bonnes façons (à l'égard de qqn). Gestes d'amitié, services rendus. De bonnes façons entre confrères ne sont jamais perdues (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 199).Vieilli : 18. ... il l'avait si bien accoutumée à toutes ses façons d'avarice, il les avait si visiblement tournées chez elle en habitudes, qu'il lui laissa sans crainte les clefs de la dépense, et l'institua la maîtresse au logis.
Balzac, E. Grandet,1834, p. 221. ♦ [Pour exprimer la désapprobation] D'abord, je vous défends d'entrer dans mon magasin, comme tout à l'heure. Qu'est-ce que c'est que ces façons? (France, Crainquebille,1905, 3etabl., 1).L'ange Heurtebise, d'une brutalité Incroyable, saute sur moi (...) Je m'en suis alité. En voilà Des façons (Cocteau, Poèmes,1916-23, p. 221).
β) Spéc. Manières, démonstrations cérémonieuses; chichis, minauderies. Petites, grandes façons (vieilli) : 19. [Le jeune homme à Consuelo :] − (...) Prenez le pain et le couteau, et taillez vous-même. Mais n'y mettez pas de façons, au moins!
Sand, Consuelo,t. 2, 1842-43, p. 250. Faire des façons. Ne faites point tant de façons (Ac.).L'évêque et la Perichole paraissent à la porte, et font des façons pour entrer (Mérimée, Théâtre C. Gazul,1825, p. 420).Mettre des façons. Mettre des formes, user de précautions, de ménagements. Il [Hemerlingue] lui expliqua [à Jansoulet] avec une certaine fatuité pédante qu'en France les pots-de-vin jouaient un rôle aussi important qu'en Orient. Seulement on y mettait plus de façons que là-bas. On se servait de cache-pots (A. Daudet, Nabab,1877, p. 119):20. Au fond, il était devenu aussi enragé qu'Anatole. Il n'y mettait pas plus de façons; il m'appelait « poulette » avec le même ton que l'autre avait quand il me disait « ma gosse ». C'est étonnant comme tous les hommes se ressemblent!
Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 155. ♦ Loc. Sans façon(s) Avec valeur adj. Simple, direct. Mes manières sans façon et ma conversation tout de suite familière avec l'un et l'autre (...) parurent l'étonner un peu (Verlaine,
Œuvres compl.,t. 4, Mes hôpitaux, 1886, p. 346): 21. ... elle eût aimé tourner la tête à Christophe; mais c'était pur instinct. Nul calcul, elle aimait encore mieux rire, causer gaiement, être bon camarade, bon garçon, sans gêne et sans façons.
Rolland, J.-Chr., Révolte,1907, p. 467. Avec valeur adv. D'une manière simple, en toute simplicité. Recevoir, traiter qqn sans façon. Je vous prie, vivons sans façon (Ac.).Avec une sorte de gaucherie charmante, il était venu me demander si je ne dînerais pas avec lui. J'avais accepté sans façons, m'attendant à un repas tout simple (Gide, Journal,1941, p. 95).Librement, au mépris des convenances, sans gêne. Il avait posé sans façon son chapeau sur un meuble et demeurait impassible devant la jeune femme qui le suppliait de s'éloigner (Theuriet, Mais. deux barbeaux,1879, p. 116).Partout on parlait de nous, sans façon et sans mesure (Jaurès, Alliances eur.,1914, p. 25):22. ... Rodolphe aperçut en cet amour [d'Emma] d'autres jouissances à exploiter. Il jugea toute pudeur incommode. Il la traita sans façon. Il en fit quelque chose de souple et de corrompu.
Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 30. ♦ Sans-façon, subst. inv. Simplicité. Le Père Gourmanel officiait (...). L'absence des pompes usuelles accroissait le charme. On était ainsi plus dans l'intimité du ciel. Ce sans-façon élevait les âmes (Estaunié, Empreinte,1896, p. 7).Sans gêne, manque de manières. Et avec le sans-façon de l'habitué d'estaminet, du reporter qui griffonne son fait divers en face d'une chope, le journaliste tira un portefeuille bourré de notes (...) qu'il éparpilla sur la table, en reculant son assiette (A. Daudet, Nabab,1877, p. 34): 23. ... il n'y a que des Parisiens pour agir avec ce sans-façon!... Une parente que nous ne connaissons ni d'Ève ni d'Adam, et avec laquelle en trente ans nous avons à peine échangé deux lettres!
Theuriet, Mais. deux barbeaux,1879, p. 17.
γ) P. ext. Difficultés pour se décider, pour se déterminer à quelque chose. Après bien des façons, il consentit à ce qu'on lui demandait. Que signifient toutes ces façons? Que de façons! (Ac.). Faire des façons. Il fit d'abord quelques façons, puis il céda (Ac.1878-1932). ♦ [Au sing. dans certaines expr. ou loc.] Sans plus de façon. Sans autre forme de procès. S'armant d'un couteau Rocambole allait tuer la cabaretière sans plus de façon, lorsqu'il se ravisa (Ponson du Terr., Rocambole,t. 1, 1859, p. 539).Loc. verb., vieilli. Faire façon de. Faire quelque difficulté (pour convenir de quelque chose), hésiter : 24. Il [Racine] ne faisait pas façon de dire qu'il n'était pas d'une grande naissance, en dépit des armes parlantes de sa famille où un « vilain rat » grimpait sur un chevron.
Mauriac, Vie Racine,1928, p. 9. C.− P. ext., vieilli (ou région.) 1. Aspect extérieur, apparence. Il n'est pas d'esprit à qui l'on puisse moins appliquer ce mot de « coquette » dont usait Napoléon; c'est l'esprit [M. Guizot] qui, en tout, s'arrête le moins à la forme, à la façon (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 1, 1861, p. 114): 25. Il essaya d'engager le propos, mais il la sentit sur ses gardes. Il pensa alors à son renom de sorcier et pinça le nez en ricanant. Elle, elle lui trouvait une façon bizarre.
Pourrat, Gaspard,1930, p. 136. − Avoir bonne, mauvaise façon. Présenter bien, mal; faire bonne, mauvaise impression. ♦ [En parlant d'une chose] :
26. Et brusquement j'entrai dans le brouillard. J'allais à sa rencontre, et, lui, à la mienne... Pas un méchant brouillard encore; il n'avait pas mauvaise façon; un joli brouillard, tout en argent, comme une fine mousseline.
Ramuz, Nouvelles et morceaux,Lausanne, éd. Rencontre, t. 3, 1967, p. 24. ♦ [En parlant d'un acte, d'une attitude, d'un comportement] Tâche voir de ne pas te faire attendre, cria Vallamand. Ça n'a pas bonne façon (E. Rod, L'Incendie, Vulliens (Vaud), 1974 [1906], p. 18). ♦ [En parlant d'une pers.] François (...) s'en vint regarder comment dormait la malade [Madeleine], et il trouva qu'elle avait bien meilleure façon qu'à son arrivée (Sand, F. le Champi,1850, p. 140): 27. Ça a duré : saute, ne saute pas; il nous a tenus là plus d'une heure. À la fin, je lui ai crié : − Sautez et que ça soit fini (...) vous n'avez pas fini de faire l'arlequin là-haut? Ah, vous avez bonne façon sur votre toiture. Vous allez casser les tuiles avec vos gros souliers...
Giono, Solit. pitié,1932, p. 133. Avoir mauvais genre. Albertine, parlant d'une jeune fille qui avait mauvaise façon avait dit : « On ne peut même pas distinguer si elle est jolie, elle a un pied de rouge sur la figure » (Proust, Guermantes 2,1921, p. 355).Rem. Cette loc. est partic. usitée en Suisse romande. 2. Espèce, genre, sorte. C'est un feuilleton parlé et déclamé, le pot-pourri de toutes les façons d'éloquence, de l'orateur de chaire et du comédien (Goncourt, Journal,1861, p. 869): 28. ... il est tant de façons de grandeur; il est tant de façons de beauté. Il est tant de façons de mériter d'intéresser les hommes.
Gide, Feuillets,1896, p. 98. ♦ De toute façon : 29. Tu as fait quelque chose qui me semble bien (...) difficile (...). C'était de gagner de l'argent à Rouen, de te faire bien voir des parents, des instituteurs, des sheiks de toute façon et de toute farine...
Flaub., Corresp.,1855, p. 189. − Une façon de. Une espèce de, une sorte de. ♦ [En parlant d'une chose concr.] Un de mes amis, libraire, fait une façon d'encyclopédie pour laquelle vous auriez pu traduire des articles allemands ou anglais (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 806).Vers les douze ans, si l'enfant a montré quelque disposition, surtout s'il a dans la famille quelque personne appartenant au clergé, on l'envoie dans une façon de collège préparatoire (Bourget, Ét. angl.,1888, p. 55): 30. ... il se mit à l'aimer, à aimer sa main, ses gants, ses yeux, (...) les robes qu'elle portait, mais surtout celle qu'elle avait le matin, une façon de sarrau rose à larges manches et sans ceinture...
Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 56. ♦ [En parlant d'une chose abstr.] Les relations de Pierrepont avec la femme du peintre affectaient de plus en plus (...) une façon d'intimité qui n'était pas entrée dans les prévisions de madame d'Aymeret (Feuillet, Honn. d'artiste,1890, p. 280).J'avais quinze ans et sentais beaucoup de compassion pour lui [le pope]; et à la classe, comme je répondais avec soin à ce qu'il me disait, il s'était formé une façon d'entente entre nous (Barrès, Enn. Lois,1893, p. 103). ♦ [En parlant d'une pers.] À l'heure présente, les paysannes ne veulent plus épouser que des employés de bureaux, des gâcheurs de papier ou des façons d'artistes (Goncourt, Journal,1894, p. 636).Mes livres sont si loin de moi que je suis déjà pour eux une façon de postérité. Voici mon jugement tout net : je ne les relirai jamais (Renard, Journal,1906, p. 1089): 31. ... outre que je n'osais pas relever la tête, une façon de majordome, avec une espèce de règle, chaque fois que je commençais à parler d'Anthime, me donnait sur la nuque des manières de petits coups, qui m'inclinaient à neuf.
Gide, Caves,1914, p. 814. − En façon de. En guise de. La chambre de cet homme Cérizet avait pour mobilier un tapis acheté vingt francs, un lit de pensionnaire (...) et une caisse de fer en façon de secrétaire (Balzac, Pts bourg.,1850, p. 133).Il [le potier] leur partageait [aux enfants] ainsi, en façon de joujoux, des figurines d'argile, faites en quelques coups de pouce, peintes et cuites à la grosse, mais d'une grâce délicieuse (Zola, Travail,t. 2, 1901, p. 273). − Par façon de. En guise de. Empruntons une image aux railways, ne fût-ce que par façon de remboursement des emprunts qu'ils nous font (Balzac, Cous. Pons,1847, p. 20).Quand il fallut se retirer à Montalcino, Montluc donna son livre d'heures, par façon de souvenir, à quelqu'un de cette famille (Bourget, Cosmopolis,1893, p. 11). − Loc. verb. Faire façon de. Tenir lieu de : 32. La vache laitière était une rareté (...). Lorsqu'on en voyait une piquée quelque part sur un bien, isolée, dans l'enclos le plus dru, comme un animal privilégié, on savait qu'il y avait là château ou du moins maison cossue. Plus que le pigeonnier, elle faisait façon d'emblème.
Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 244. Prononc. et Orth. : [fasɔ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1121-34 « apparence, manière d'être extérieure (ici d'un animal) » (Ph. de Thaon, Bestiaire, 30 ds T.-L.); 2. 1260 « acte, action » males façons (E. Boileau, Livre des Métiers, éd. G. B. Depping, p. 140); 1578 « manière d'agir, comportement », ici « fantaisie, caprice » (H. Estienne, Dial. du lang. franç. ital., I, 175 ds Hug.); 3. 1276 « manière » (Fontevr., A. M. et Loire ds Gdf. Compl.); 1580 en façon que « de manière à ce que » (Montaigne, Essais, éd. A. Thibaudet, I, chap. VI, p. 46); 4. 1377 « action de donner une forme à quelque chose » (Recettes et dép. des blés, Ste Croix, I, 98, A. Vienne ds Gdf. Compl.). Du lat. class. factionem, acc. de factio « pouvoir, manière de faire »; au sens 4 déverbal de façonner*. Fréq. abs. littér. : 14 361. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 11 232, b) 21 211; xxes. : a) 22 589, b) 26 542. Bbg. Gall. 1955, p. 14, 69, 415. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 410. − Quem. DDL t. 2. − Renson (J.). Les Dénominations du visage en fr. et ds les autres lang. rom. Paris, 1962, 2 vol., 738 p. |