| ENVENIMER, verbe trans. A.− [Le compl. dir. n'est pas contaminé antérieurement à l'action exercée par le verbe] 1. Rare. Infecter de venin. Envenimer une flèche, un dard. Synon. empoisonner; anton. désenvenimer.La peau de certains batraciens secrète un poison qui peut envenimer les herbes (Ac.1835-1932). 2. Au fig. a) Imprégner de haine, rendre odieux. Envenimer des paroles, un récit. Synon. enfieller.Une grâce perfide Envenime ses yeux (Lebrun ds Varinot, Dict. métaph. fr.,1819).Ces gens du monde (...) dès qu'ils se mettent à écrire (...) enveniment si aisément leur plume (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 2, 1863-69, p. 14). − Emploi pronom. Dans ces sortes de drames, l'imagination s'envenime vite (Chardonne, Épithal.,1921, p. 233). b) [Le compl. met en jeu des rapports sociaux] Faire prendre une tournure mauvaise, malsaine. Envenimer une discussion, un débat. Synon. empoisonner, détériorer.Mais j'écarte tout ce qui pourrait envenimer le débat (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 251).Les Grecs n'enveniment rien (Camus, Homme rév.,1951, p. 44): 1. ... il pensait qu'elle serait interprétée en France et à l'étranger comme une manifestation belliqueuse susceptible d'envenimer les conversations diplomatiques; ...
Joffre, Mémoires,t. 1, 1931, p. 213. − Emploi pronom. Les relations soudain s'envenimèrent. Synon. se détériorer.Et la discussion continua, s'envenimant lentement, acharnée sur le même sujet (Maupass., Contes et nouv.t. 1, Épreuve, 1889, p. 1126).Il existe de la sorte, (...) des points cancéreux où la discussion s'éternise, s'envenime (Marrou, Connaiss. hist.,1954, p. 142). B.− [Le compl. dir. est contaminé antérieurement à l'action exercée par le verbe] 1. Rendre plus difficilement curable. Envenimer une blessure, une plaie. Synon. infecter, aviver, irriter; anton. désinfecter, soigner, curer.Et nous avons eu cette chance que le paludisme n'ait pas envenimé la fièvre (Vogüé, Morts,1899, p. 255). − P. métaph. Et puis il envenime ces égratignures, il les infecte (Mauriac, Bloc-notes,1958, p. 127). − Emploi pronom. Il s'agit de créer des plaies, puis d'y jeter constamment du sel, pour que ces plaies s'avivent et s'enveniment (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 566). Rem. La métaph. porte sur le compl. d'obj., non sur le verbe proprement dit. 2. Au fig. [Le compl. dir. met en jeu des rapports sociaux] Rendre plus virulent. Envenimer une dissidence; ces événements ont envenimé la crise. Synon. aggraver, attiser; anton. apaiser, calmer.Quelques mots aigre-doux sur Joseph Quesnel avaient encore envenimé les choses (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 369).Pourtant la crise s'apaisa (...) Ni Thugut (...) ni le directoire (...) ne tenaient à l'envenimer (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 524): 2. ... ils [les deux grands] se doivent tous deux d'éviter toute aggravation du conflit que l'intervention du troisième partenaire risquerait d'envenimer au-delà des limites de sécurité admissibles.
Beaufre, Dissuasion et stratégie,1964, p. 92. − Emploi pronom. Le conflit s'est envenimé. Synon. s'aggraver, s'attiser; anton. se calmer, s'apaiser.Le mieux est que l'affaire continue à s'envenimer, désagrège l'armée et scandalise l'Europe (Affaire Dreyfus,1898, p. 221).S'envenimant ainsi, le conflit menaçait de s'éterniser (Lefebvre, Révol. fr.,1963p. 553). Rem. On rencontre ds la docum. envenimement, subst. masc. Envenimement de la plaie (Bourget, Actes suivent, 1926, p. 164). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃vnime], (j')envenime [ɑ
̃vnim]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1121-35 « empoisonner » (Ph. de Thaon, Bestiaire, 1356 ds T.-L.); 2. 1400 soi envelimer « s'enflammer (d'une plaie) » (ds Du Cange, s.v. venenare); de nouv. en 1660 envenimer (Oudin Fr.-Esp.). Dér. de venim, forme anc. de venin*; préf. en-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 123. |