| ENGAGER, verbe trans. I.− [Le procès vise une convention de service établie dans un lieu, ou une situation; le subst. usuel correspondant est gage] A.− [Le suj. désigne une pers.; l'obj. désigne un inanimé concr.] Mettre en gage. Les uns venaient retirer, et les autres engager leurs effets (Jouy, Hermite,t. 3, 1813, p. 159).« Une indication » du mont-de-piété qui prouvait qu'elle avait engagé deux bracelets (Camus, Étranger,1942, p. 1145). − [Avec un obj. second désignant la pers. qui reçoit le gage] Assigner comme gage, donner comme caution d'un contrat. Engager son bien, sa maison à des créanciers (Ac. 1798-1932). Elle avait engagé au marquis le plus précieux des otages, sa propre vie (Ponson du Terr., Rocambole,t. 3, 1859, p. 43).En 1815, (...) il doit, pour questions de famille, engager à l'éditeur Steiner plusieurs de ses sonates écrites ou à écrire (Rolland, Beethoven, t. 1, 1937, p. 40). B.− P. anal., en emploi pronom. réfl. S'engager pour qqn.,,Lui servir de caution`` (Ac. 1932). II.− [Le procès vise une convention de service ou une obligation morale, demandée ou donnée dans une situation donnée; le subst. correspondant est gages ou engagement] A.− [Le procès vise une convention de service; l'obj. désigne une pers. ou ses possibilités de travail] 1. [Le suj. désigne une pers. qui offre un emploi] Prendre à gages, attacher à son service par un contrat oral ou écrit. Synon. embaucher, recruter; synon. vx ou région. gager.Le régisseur de M. de Meximieu l'engagea pour les foins; d'autres le louèrent pour la moisson (R. Bazin, Blé,1907, p. 68).La secrétaire que j'ai engagée pour deux mois (Gide, Journal,1922, p. 733). − Domaine milit.Enrôler dans l'armée. ♦ [Avec une valeur factitive] Leur père les avait menacés de les engager dans la marine (Zola, Conquête Plassans,1874, p. 1033). 2. [Le suj. désigne une pers. qui s'offre pour un emploi] a) Engager ses services. Les mettre à la disposition de quelqu'un par un tel contrat. On ne peut engager ses services qu'à temps, ou pour une entreprise déterminée (Code civil,1804, art. 1780, p. 323). b) Usuel, emploi pronom. réfl. Se mettre à la disposition de quelqu'un par un tel contrat. Sa femme avait dû s'engager comme servante (Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 199). − Domaine milit.S'enrôler dans l'armée. ♦ Emploi abs. Et toi, Julot, tu t'engages toujours? − Pour sûr que je m'engage, j'ai envie d'aller y taper un peu dans le tas à tous ces sales Boches (Proust, Temps retr.,1922, p. 811). ♦ [Avec un attribut désignant la qualité nouvelle du contractant ou un compl. circ. désignant son affectation] Mon frère qui s'engagea mousse (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 100).François (...) s'engagea dans la légion étrangère (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 20). B.− [Le procès vise une obligation morale] 1. [Le suj. désigne une pers.; l'obj. désigne une pers. ou les attributs d'une pers.] Lier une personne ou son existence par une promesse de fidélité concernant sa vie sentimentale ou spirituelle. a) Vieilli ou région. (Canada). Promettre en mariage, fiancer. Ses parents l'avaient engagée à un homme peu digne d'elle (Ac.1878-1932). − Engager son cœur. Donner son cœur, aimer. Les jeunes gens engagent leur cœur facilement (Ac.1798-1878). ♦ P. ext. Engager sa vie. Se marier. Le sentiment que lui inspirait Évariste était assez profond pour qu'elle pensât lui engager sa vie. Elle était toute disposée à l'épouser (France, Dieux ont soif,1912, p. 35). b) Emploi pronom. − réfl., usuel. Il s'engageait à jamais par le vœu de chasteté (Zola, Faute Abbé Mouret,1875, p. 1305).En dépit de la répugnance du garçon à s'engager, ils s'engageraient peut-être, mais le père de la jeune fille ne veut pas de ce mariage (Salacrou, Terre ronde,1938, I, 4, p. 166).Cf. argent ex. 19. − réciproque. Le jour où mes parents s'engagèrent irrévocablement l'un à l'autre (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 69). 2. [Le suj. désigne une pers.; l'obj. désigne un attribut de la pers. en tant qu'elle a une conscience morale] a) Lier (sa conscience) par une promesse, une convention ou une obligation librement consentie, en vue d'une action précise ou d'une situation donnée. Engager sa responsabilité, (toute) sa vie. M. d'Andilly se met en avant à toute force, il se porte pour caution, il engage sa parole (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 3, 1848, p. 97).Alors même qu'il joue le jeu de l'élite, Barrès n'engage que lui-même (Massis, Jugements,1923, p. 207): 1. Enfin vous tenez à paraître me rendre ma parole, me dégager de toute obligation d'achever le livre entrepris. Ai-je donc engagé ma parole pour qu'on ait à me la rendre? Suis-je lié pour qu'on me délie?
Bloy, Journal,1898, p. 267. − [Avec un obj. second désignant la pers. bénéficiaire de la promesse] Engagez-moi votre parole de gentilhomme de m'approuver en quoi que je fasse (Balzac, Enf. maudit,1831, p. 405).J'ai engagé ma foi à un seul, (...) et je ne la donnerai point à d'autres (Claudel, Tête d'Or,1901, p. 206). b) Emploi pronom. réfl. Se lier par une promesse formelle. S'engager d'honneur, vis-à-vis de. − S'engager à + verbe à l'inf.S'engager à fournir, à payer. Le roi s'engagea solennellement à convoquer les États Généraux (Staël, Consid. Révol. fr.,t. 1, 1817, p. 103).Il s'engagea par les serments les plus terribles à ne jamais l'abandonner (Barrès, Jard. Oronte,1922, p. 66). − S'engager à ce que + verbe au subj.S'engageant à ce que lui et les siens ne contribuent à aucun accroissement quelconque de vos dépenses (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 2, 1823, p. 624). − Emploi abs. [Surtout dans un tour négatif] L'augure cherche les termes les plus précis, ne promet rien de trop, ne s'engage pas, prend ses précautions contre l'autre partie (Michelet, Introd. Hist. univ.,1831, p. 433). 3. P. ext. [Le suj. désigne un inanimé abstr. (du type : honneur, parole, serment, signature); l'obj. désigne une pers.] Mettre dans l'obligation formelle de faire quelque chose, créer une obligation contraignante. Toute parole donnée, tout serment engage un homme d'honneur (Ac.1932).Synon. obliger.J'ai de toi des promesses qui engageraient Dieu lui-même (Musset, Lorenzaccio,1834, III, 3, p. 179).Ils veulent bien renoncer aux grandeurs qui engagent l'homme, ils ne veulent pas renoncer à celles qui le dégagent (Péguy, Argent,1913, p. 1288). − En emploi abs. Une pareille phrase est véritablement bourgeoise. Elle engage et n'engage point. Elle promet et ne promet point (Nizan, Chiens garde,1932, p. 66). − N'engager à rien.N'avoir pas de caractère contraignant, ne pas tirer à conséquence. Une espèce de déclaration de principes qui ne m'engage à rien (Lamart., Corresp.,1831, p. 148).Venez! Cela ne vous engage à rien. Si ça ne vous plaît pas, vous serez toujours libre de vous en aller (Duhamel, Confess. min.,1920, p. 133): 2.− Ah! monsieur, reprit l'autre aussitôt, tout ce qu'on ferait dans cette vie, si seulement on pouvait être bien certain que cela ne tire pas à conséquence, comme vous dites si justement! Si seulement on était assuré que cela n'engage à rien...
Gide, Les Caves du Vatican,1914, p. 853. ♦ P. ell. : 3. Une écuyère n'engage à rien; tu l'aurais aimée pendant la saison théâtrale, trois mois tout au plus, avec quelque chagrin à son départ, et ce beau caprice se serait envolé un matin comme il était venu.
Champfleury, Les Bourgeois de Molinchart,1855, p. 193. 4. Domaine écon.[Avec une valeur inchoative] a) S'engager dans des dépenses, des frais. Se créer des obligations financières. La masse des viticulteurs renonça à s'engager dans ces dépenses (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 75). b) FIN. PUBL. Engager des dépenses. Donner l'autorisation de dépenses publiques, en mettant l'État dans l'obligation d'y faire face : 4. ... les ministres de la guerre et des finances furent autorisés, dès le 24 février, à engager par anticipation une somme de 72 millions. Le 26 février, le ministre de la guerre notifiait aux services intéressés les sommes que chacun d'eux était autorisé à engager immédiatement.
Joffre, Mémoires,t. 1, 1931, p. 83. III.− [Le procès vise l'introduction de quelque chose ou de quelqu'un dans un lieu, dans une situation en vue d'une fin précise; le subst. correspondant est engagement] A.− [Le suj. désigne une pers.; l'obj. désigne une pers. ou un inanimé concr.] 1. Faire entrer, faire pénétrer quelqu'un ou quelque chose dans un espace généralement resserré a) Faire entrer, faire pénétrer quelqu'un ou quelque chose dans un espace généralement resserré pour qu'il y soit retenu ou de sorte qu'il ne puisse en être sorti facilement. Synon. bloquer, coincer.Il arma silencieusement ses pistolets engagés à sa ceinture (Gozlan, Notaire,1836, p. 154).On prend une poignée de lin, on l'engage de la main gauche entre les mâchoires (Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 252): 5. Il fendait en quartiers des billes de chêne d'un mètre de long. Il engageait ces quartiers dans son établi, les débitait en lattes minces, larges et souples qu'il nouait en bottes. Il taillait ce chêne en lanières avec prestesse, y engageant le fer, et le manœuvrant d'un mouvement continu de son poignet cerclé de cuir.
Van der Meersch, L'Empreinte du dieu,1936, p. 32. − Emploi pronom. ,,S'engager le pied dans l'étrier en tombant de cheval`` (Ac. 1878, 1932). − P. ext. Le cheval tombait à la renverse, engageant sous lui son cavalier (Ponson du Terr., Rocambole, t. 5, 1859, p. 463). b) Faire entrer, faire pénétrer quelqu'un ou quelque chose dans un espace généralement resserré pour qu'il en sorte, malgré les obstacles ou les difficultés qui pourraient le retenir ou le vaincre. − Domaine de la vie quotidienne et du travail.[Le compl. circ. désigne un matériau, une matière] Cf. supra ex. 5. ♦ Emploi pronom. à sens passif. Les dents de la scie s'engagèrent dans l'herbe, et l'herbe coupée se coucha (R. Bazin, Blé,1907, p. 212). − Domaine des déplacements.[Le compl. circ. désigne un lieu] ♦ [L'obj. désigne un véhicule] Faire aller dans une direction (très avant ou trop avant). Marcel (...) hardiment engageait sa voiture entre les autos (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 166).Emploi pronom. à sens passif. La voiture de campagne s'engagea par une route transversale (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 324).La calèche de l'empereur s'engagea sur la route de Claquebue (Aymé, Jument,1933, p. 11). ♦ Emploi pronom. réfl. Aller dans une direction (très avant ou trop avant). S'engager dans l'allée, le couloir, sur un pont, une route. Les piétons qui s'engageaient à travers les bois et les broussailles dans un sentier à peine indiqué (Ponson du Terr., Rocambole,t. 5, 1859, p. 450).Les deux amis venaient de s'engager sous une porte cochère (Duhamel, Cécile,1938, p. 154).Au fig. S'engager dans les ornières de l'ontologie traditionnelle (Marcel, Journal,1923, p. XI).Mirabeau vit le premier sur quelle pente l'assemblée s'engageait (Bainville, Hist. Fr.,t. 2, 1924, p. 49). ♦ P. méton., emploi pronom. [Le suj. désigne une voie de communication] Pénétrer, conduire dans une direction. La route s'engage à travers une campagne absolument solitaire (Michelet, Chemins Europe,1874, p. 313). − Domaine milit.[Le compl. circ. désigne le lieu d'une opération ou l'opération elle-même; l'obj. désigne un groupe de pers.] Engager dans la mêlée. Engager dans la lutte finale d'importantes forces militaires (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 216).Nos troupes y seront engagées [en Érythrée] sous le commandement du général Legentilhomme (De Gaulle, Mém. guerre,1954p. 354). 2. Emplois techn. a) ARCHIT. Engager une colonne, une tour. La construire solidairement avec un pilier ou un mur, sur une partie de son diamètre. Colonnes engagées à leur base dans des piliers carrés (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 279).Deux sortes de tours engagées à demi dans le corps du bâtiment (Zola, Curée,1872, p. 331). b) ÉCON. Affecter des capitaux à un usage déterminé. Engager ses capitaux dans une entreprise industrielle (Ac.1932).Engager de fortes sommes dans des constructions (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 219). c) ESCR. Engager le fer. ,,Saisir avec le fort de son épée le faible de celle de son adversaire de manière qu'il ne puisse plus détourner le fer`` (Ac. 1798-1932). Vieilli. ,,Toucher le fer de son ennemi. Engagez de quarte et tirez de tierce`` (Ac. 1798-1878). d) JEUX et SPÉCULATION − [L'obj. désigne le concurrent d'une épreuve sportive] Engager un cheval, une équipe, une voiture. L'inscrire pour prendre part à une compétition. Les courses où l'oncle Paul avait engagé ses chevaux (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 139). − [L'obj. désigne un inanimé abstr.] Engager un pari. Risquer une mise sur quelqu'un ou sur quelque chose. Un jeune homme qui lui parlait de courses et d'un pari qu'il avait engagé sur Finette, une pouliche superbe (Huysmans, Marthe,1876, p. 106). ♦ Emploi pronom. à sens passif. Et déjà les paris s'engageaient au hasard (Bouilhet, Melaenis,1857, p. 104).Les paris s'engageaient sur celui des deux amis inséparables qui allait toucher et enlever la belle (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 223). − Emploi pronom. réfl. Miser sur quelque chose. Les deux jeunes gens s'engagèrent d'abord sur un petit paquet de titres, puis comme ils perdaient, sur un plus gros (Maurois, Disraëli,1927, p. 32). e) MARINE − Encombrer un passage par des obstacles qui gênent la navigation. Le chenal est complètement engagé de glaces immobiles qui paraissent soudées et s'étendent à perte de vue dans le sud (Charcot, «Pourquoi-Pas?» 1910, p. 212). − Le navire engage. Il donne fortement de la gîte et laisse pénétrer l'eau par-dessus bord. Nous craignons que le bateau n'engage; mais il se relève et nous en sommes quittes pour l'émotion (Charcot, «, Voy. îles Féroë,1934, p. 48). B.− Au fig. 1. [L'obj. désigne une pers. ou un attribut d'une pers.] a) [Le suj. désigne généralement une pers.] − Engager qqn dans qqc.Faire entrer, entraîner quelqu'un dans une situation, une entreprise qui le retient et risque de ne pas le laisser libre. Synon. fam. embarquer. ♦ Au passif. Par le fait de la naissance, on est engagé dans une civilisation (Barrès, Cahiers,t. 7, 1908-09, p. 32). ♦ Emploi pronom. réfl. S'engager dans une action, une affaire. Ne nous engageons pas à la légère dans une aventure où nous pouvons laisser des plumes (France, Île ping.,1908, p. 203).Jamais je ne m'engage dans une entreprise si je la pense vouée à l'échec (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 210). − S'engager,en emploi abs. ♦ PHILOS. Poser un acte volontaire effectif. Il me semble que vouloir c'est en somme s'engager, j'entends par là engager ou jouer sa propre réalité : c'est se mettre dans ce qu'on veut (Marcel, Journal,1919, p. 183): 6. Farceur et fanfaron, celui qui s'engage à s'engager et, fuyant l'engagement tout court parce que l'engagement tout court l'engagerait à quelque chose, se dérobe et fait retraite d'exposant en exposant : son propos n'est pas de s'engager effectivement, mais de conjuguer le verbe s'engager...
Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 243. ♦ Usuel. Participer, par une option conforme à ses convictions profondes et en assumant les risques de l'action, à la vie sociale, politique, intellectuelle ou religieuse de son temps. Chacun s'engage et doit s'engager tout entier, et donner son maximum (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 220).Cf. angoisse ex. 13 : 7. Mais la tentation à laquelle, pour la jeunesse, il est le plus difficile de résister, c'est celle de « s'engager », comme ils disent. (...) On aurait beaucoup fait, en persuadant la jeunesse que, au fond, c'est par laisser-aller et par paresse qu'elle s'engage; ...
Gide, Feuillets d'automne,1949, p. 313. 8. Les philosophes de l'engagement s'imaginent que celui-ci dépend de nous, de notre libre initiative; (...). Nous n'avons pas à nous engager, nous sommes engagés. Et l'expression de philosophie de l'engagement est une contradiction dans les termes, puisque la philosophie est au contraire un effort pour échapper à l'histoire et au monde, (...) pour se dégager; ...
Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme,1949, p. 7. b) [Le suj. désigne une pers. ou, p. ext., un inanimé généralement abstr.] Inviter quelqu'un (souvent de façon pressante, insistante) à (entreprendre) quelque chose. Engager fortement, vivement. Synon. inciter. − Engager qqn à + verbe à l'inf.Engager à continuer, à lire, à partir. Ma bonne sœur Fanny m'engage à partir pour les montagnes (Amiel, Journal,1866, p. 331).J'ai pris chambre au meilleur hôtel; les prix de pension m'engagent à y rester au moins sept jours (Gide, 1930, p. 1009). ♦ [Avec une idée de menace, soulignée par le contexte] Je l'engage à bien se tenir, gronda Eucrate, en simulant un assaut de boxe (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 149). ♦ P. ext. [L'obj. désigne un animal] Serge (...) chatouillait le ventre des cigales pour les engager à chanter (Zola, Faute Abbé Mouret,1875, p. 1392). − Engager qqn à + subst.Ces brocards engageaient au courage le fils du colonel Héricourt (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 139).Elle (...) lui fit un bref sourire pour l'engager à la patience (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 403). c) [Le suj. désigne un inanimé abstr.] Mettre en jeu, faire intervenir, comme élément nécessaire. Synon. demander, exiger.Je ne sais pas d'art qui puisse engager plus d'intelligence que le dessin (Valéry, Degas,1936, p. 101). 2. [Avec une valeur inchoative; le suj. désigne une pers., l'obj. désigne un inanimé] a) Commencer une action où il y a échange, lutte, rivalité entre deux parties, avec l'intention d'aboutir à un résultat positif. − Domaine milit.Engager un combat, une lutte. Cinq ou six cents patriotes engagèrent l'action dans le village (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 403). ♦ Emploi abs. Masséna, (...) ayant laissé engager l'ennemi, courut sur lui au pas de charge (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 550). ♦ Emploi pronom. à sens passif. La fusillade s'engagea d'une rive à l'autre, et le canon se mit à gronder (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 197).Une grosse bataille allait s'engager dans le Tardenois (Foch, Mém.,t. 2, 1929, p. 155). − Domaine sportif et des jeux de société.La partie de jacquet que le baron engageait avec l'abbé (Gide, Isabelle,1911, p. 622). ♦ Emploi abs. Donner le coup d'envoi d'un match, commencer une partie. L'avant-centre engage. ♦ Emploi pronom. à sens passif. Parties de cricket qui s'engagent, sur les pelouses des parcs (Bourget, Essais psychol.,1883, p. 237). ♦ ESCR. Engager le fer. Commencer le combat. Les deux adversaires engagèrent le fer (Ponson du Terr., Rocambole,t. 4, 1859, p. 62).Les fers étaient engagés et se suivaient en tournant autour l'un et l'autre avec cette lenteur prudente qu'apportent aux luttes qui doivent être mortelles les habiles de l'escrime (Gautier, Fracasse,1863, p. 419).P. métaph. Le maire du quatrième arrondissement m'avait sans doute écrit dans l'espoir que j'engagerais le fer avec lui (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848, p. 72). b) P. ext. [Le procès comporte une idée de difficulté, de longueur] − Mettre en train quelque chose de compliqué, d'important. ♦ Engager + subst.Synon. entamer.Engager une action diplomatique (Proust, Sodome,1922, p. 653).Emploi pronom. à sens passif. Un procès s'engagea qui dura longtemps (Mérimée, Colomba,1840, p. 46).Ferdinand comprit que la partie s'engageait mal (Aymé, Jument,1933, p. 50). ♦ S'engager dans + subst.S'engager dans des explications. Synon. se lancer dans.Cet examen de Balzac, où nous allons nous engager avec la lunette de Saint-Cyran (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 43).Je ne veux pas m'engager dans des discussions qui dégénéreraient en polémiques d'estaminet (Claudel, Corresp. [avec Gide], 1899-1926, p. 186). − [Avec un sens affaibli] Engager la conversation. La commencer de manière qu'elle se déroule bien. Rastignac vint (...) engager la conversation sur la crise financière (Balzac, Mais. Nucingen,1838, p. 648). ♦ Emploi abs., p. ell. La moisson paraît belle, cette année, engagea Ferdinand (Aymé, Jument,1933, p. 129). ♦ Emploi pronom. à sens passif. La conversation s'engagea aussi longue que je le pouvais désirer (Sainte-Beuve, Volupté,t. 1, 1834, p. 247).La conversation s'engageait mal et traînait (Gide, Caves,1914, p. 747). Rem. On rencontre ds la docum. a) Engageable, adj., rare. Susceptible d'être mis en gage. Cet homme prête beaucoup plus que le mont-de-piété sur les objets engageables (Balzac, Illus. perdues, 1843, p. 486). b) Engagiste, subst. masc., vx. ,,Celui qui tenait par engagement quelques biens ou droits du domaine de la couronne ou de domaines seigneuriaux`` (Lep. 1948). L'argent fut rendu aux engagistes (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 23). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃gaʒe], (j')engage [ɑ
̃ga:ʒ]. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. Prend un e devant a et o : j'engageai(s), nous engageons. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1150 « mettre en gage » (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 92); 2. 1595 « donner sa parole en caution, lier par une promesse » engager sa foy (Montaigne, Essais, éd. Thibaudet, I, XXI, p. 133); 3. 1616-20 « enrôler » (Aubigné, Hist. univ., III, 43 ds Gdf. Compl.). B. 1. 1559 « enfoncer dans » (Amyot, Alex., 63 ds Littré); 2. 1580 engagé « mêlé (à quelque chose) » (Montaigne, Les Essais, II, XI, éd. Thibaudet, p. 472 : les desbordements ausquels je me suis trouvé engagé); 3. av. 1630 « amener à » (Aubigné, Mém., p. 151 ds Gdf. Compl.). Dér. de gage*; préf. en-*; dés. -er; cf. lat. médiév. se ingnadiare « s'engager (à fournir des preuves) » 811 invadiare « mettre en gage » 1063 ds Nierm. Fréq. abs. littér. : 4 871. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 7 026, b) 6 723; xxes. : a) 5 237, b) 7 968. Bbg. La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 333. |