| EFFRONTÉ, ÉE, adj. et subst. I.− Adj. Qui n'a honte de rien, qui se conduit d'une façon impudente ou inconvenante. A.− [En parlant d'une pers.] Les hommes diront que vous êtes un libertin effronté, les femmes auront soin de prouver le contraire (Musset, Quenouille Barb.,1840, p. 286).Le monde... Je dis celui que je vois de plus près, est plein de menteurs effrontés (Bernanos, Imposture,1927, p. 340): 1. Wallon a décrit la « rétivité figée » de ces sujets insensibles aux encouragements et aux promesses comme aux menaces, effrontés, sournois, avec des éclats de brutalité et de malveillance.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 482. − Expr. Effronté comme un page (de cour). ,,Hardi jusqu'à l'insolence`` (Ac. 1835-1932). B.− P. ext. Hardi, audacieux, impertinent. 1. [En parlant d'un comportement, d'une expression du visage] Un air, un regard effrontés. Quatre marmots en haillons, mais hardis, tapageurs, aux yeux effrontés (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 8).Elle jouait avec n'importe qui, elle avait des manières très libres, et même un peu effrontées (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 119). − [Par hypallage] Une tunique plus courte, plus légère, plus transparente que celle qui enveloppe une courtisane au seuil du lit effronté de la débauche (Nodier, Smarra,1821, p. 55). 2. [En parlant de propos, d'actions, de réalisations] Un mensonge effronté. Le présent salon est, (...), la négation effrontée de l'art moderne tel que nous le concevons (Huysmans, Art mod.,1883, p. 99).Les critiques français niaient ces œuvres effrontées, ils niaient le public qui les applaudissait (Rolland, J.-Chr.,Foire, 1908, p. 687). C.− P. anal. [En parlant d'un animal] Il y avait force moineaux fringants, lestes, babillards, effrontés, querelleurs (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848, p. 718). II.− Emploi subst. Je ne l'ai pas vue, je ne sais si elle a la mine d'une effrontée ou d'une honnête fille (Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 107).Je redoutais un peu qu'il se prît à me considérer comme un effronté, un bavard impertinent (Céline, Voyage,1932, p. 115): 2. Je payais hier soir 56 fr. 50 à Steinlen pour prix de son Poil de Carotte. Par pudeur, il laissa l'argent sur le guéridon, n'osant pas le prendre tout de suite, avidement, comme un effronté.
Renard, Journal,1895, p. 297. Prononc. et Orth. : [efʀ
ɔ
̃te]. Transcrit avec [ε] à l'initiale sous l'influence graph. des ff ds Littré, Barbeau-Rodhe 1930 et à titre de var. ds Warn. 1968. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. [Ca 1220 affronté « impudent » (G. de Coincy,
Œuvres, éd. F. Kœnig, II Mir. 30, 605)]; 1275-80 esfrontez (J. de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 11057). Composé de front*, du préf. é-* et du suff. -é*; cf. b. lat. effrons, -ontis « impudent » proprement « qui n'a pas de front (pour rougir) ». L'a. fr. avait le verbe esfronter au sens de « frapper au front » (Chr. de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 2873). Fréq. abs. littér. : 361. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 548, b) 785; xxes. : a) 445, b) 378. DÉR. Effrontément, adv.D'une manière effrontée. Mentir effrontément, parler effrontément (Ac. 1798-1878); regarder effrontément (Ac. 1798-1932). Il n'a pas même pris de brevet de perfectionnement; aussi a-t-il été volé effrontément par ses confrères (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 419).« Monsieur, lui dit-il en le regardant fixement, c'est du lapin, cela? − Oui, Mylord, répondit effrontément le drôle, du lapin des jungles. − Et ce lapin-là n'a pas miaulé quand on l'a tué? » (Verne, Tour monde,1873, p. 44).− [efʀ
ɔ
̃temɑ
̃]. Pour [ε] ouvert à l'initiale, cf. effronté. Admis ds Ac. 1694-1932. − 1reattest. fin xiies. effronteyement (Sermons St Bernard, 18, 26 ds T.-L. [impudenter]); de effronté, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér. : 158. BBG. − Gir. t. 2 Nouv. Rem. 1834, pp. 34-35. − Gottsch. Redens. 1930, p. 95, 324. |