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EFFARER, verbe trans.
A.− [Le compl. désigne une pers., un animal, la vue] Frapper d'un trouble qui égare, rend hagard, hébété. Synon. affoler, stupéfier.Qu'a-t-on pu vous dire qui vous ait si fort effaré? (Ac.1798-1932).Et l'infini terrible effara ton œil bleu! (Rimbaud, Poés.,1871, p. 47):
1. On voit que ce recommandable seigneur se sent grand par lui-même (...) et qu'il ne cherche pas à effarer le pauvre aubergiste par des semblants d'opulence, par des étalages de paquets, ... Hugo, Le Rhin,1842, p. 289.
Emploi pronom. réfl. Devenir hagard. Un homme sujet à s'effarer (Ac.1798-1878).Synon. s'affoler.Le cheval s'effarait, bondissant de côté, manquant de jeter le cavalier contre un arbre (Pourrat, Gaspard,1931, p. 229).Tu vas pas quand même t'effarer pour des fariboles pareilles (Céline, Mort à crédit,1936, p. 689):
2. Enfin, Jacques ouvrit les paupières. Ses regards troubles se portèrent sur elles, tout à tour, sans qu'il parût les reconnaître. Elles ne lui importaient pas. Mais ses yeux ayant rencontré, à quelques mètres, la machine qui expirait, s'effarèrent d'abord, puis se fixèrent, vacillants d'une émotion croissante. Zola, La Bête humaine,1890, p. 230.
B.− P. anal., littér. [Le compl. désigne un inanimé concr.] Troubler, rendre comme fou. Un coup de tonnerre ébranle la maison, une chanson de mousquetaire effare l'escalier (Veuillot, Odeurs de Paris,1866, p. 68).Un vent frais qui enfilait la galerie balayait l'air chaud sous le vitrage, effarait les lanternes de couleur (Zola, Nana,1880, p. 1265).Les candélabres, dont une croisée ouverte effarait les flammes, allumaient les pièces d'argenterie et les cristaux (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 188).
Emploi pronom. réfl. (avec personnalisation du sujet). Les arbres s'effaraient pleins d'une vague horreur (Hugo, Quatre vents esprit,1881, p. 257).Les bougies s'effarèrent, sous le vent de la fenêtre grande ouverte (Zola, Dr Pascal,1893, p. 114).
Prononc. et Orth. : [efaʀe], (j')effare [efa:ʀ]. Transcrit avec [ε] ouvert à l'initiale ds Barbeau-Rodhe 1930 et, à titre de var., ds Warn. 1968. Cette prononc. s'explique par l'influence graph. des lettres redoublées sur la voyelle précédente. Le verbe est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. [1. Ca 1200 Preudom qui si ies efferes « troublé, bouleversé » (Jean Bodel, Le Jeu de saint Nicolas, éd. A. Henry, 488); xiiies. effaree (Eneas, éd. J. Salverda de Grave, 615, leçon ms. G, picardisant)]; 2. 1611 effarer « frapper de terreur » (Cotgr.); 1895 au fig. c'est surtout effarant (Huysmans, En route, t. 1, p. 188). Étymol. obscure; peut-être doublet, avec métathèse du r (pic. à l'origine), d'esfreer, esfraer (v. effrayer), où l'e du rad., devant r, serait devenu a sous l'infl. de farouche. L'hyp. d'un dér. du lat. class. ferus (cf. fier) ou celle d'un empr. au lat. class. efferatus (d'où a été empr., au xvies., efferé ds Gdf. et Hug.) part. passé d'efferare « rendre farouche », font difficulté notamment du point de vue sém. 1 est une altération pic. de esfreé (mod. effrayé), cf. éd. cit., pp. 195-196. Fréq. abs. littér. : 189.
DÉR.
Effarade, subst. fém.,vx. État d'une personne effarée. Synon. usuel effarement.Les autres compagnons dispersés, mourants de faim et de soif, erraient dans les corridors, les escaliers, les cours du château, au milieu de l'effarade des maîtres du logis, et des apprêts de leur évasion (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 475). [efaʀad]. Pour [ε] ouvert, à l'initiale, cf. effarer. 1reattest. 1848 id.; du rad. de effarer, suff. -ade*. Fréq. abs. littér. : 2.
BBG. − Darm. 1877, p. 81 (s.v. effarade).