| DROGUER1, verbe trans. Faire prendre à quelqu'un une drogue (v. drogue1). A.− Péjoratif 1. [L'obj. désigne une pers.] Administrer à quelqu'un, à son insu, dans une boisson ou dans un plat, une substance dont les propriétés ont des effets (généralement désagréables ou fâcheux) sur l'organisme. Regarde, ça y est encore, va! Il m'aura droguée, j'ai la bouche amère comme si j'avais avalé des vieux sous (Zola, Bête hum.,1890, p. 38). 2. [L'obj. désigne un nom de chose] Vieilli. Altérer la qualité de (une substance) en y incorporant une autre substance, une drogue. Chavirer [quelque curé de campagne] en droguant son vin de cendre de pipe (Pourrat, Gaspard,1930, p. 212). B.− Faire prendre des drogues, des médicaments à (quelqu'un). 1. Gén. péj., fam. Faire prendre à quelqu'un beaucoup de drogues, de médicaments. Ami des anciennes formules de l'apothicairerie, droguant ses malades ni plus ni moins qu'un médicastre, tout consultant qu'il était (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 235).Le docteur Juillerat était fatigué de la droguer (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 73). − Emploi pronom. réfl., fam. J'en ai assez de me droguer monsieur le Morticole (L. Daudet, Amour songe,1920, p. 10). 2. Vx, rare. Soigner en administrant une drogue, une substance thérapeutique. Le vigneron aux mains habiles à droguer la plante souffrante (Hamp, Champagne,1909, p. 117). C.− En partic., cour. 1. Faire prendre à quelqu'un de la drogue, des stupéfiants. Les drogués veulent droguer tout le monde; vous voulez que tout le monde écrive (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 154). − Emploi pronom. réfl. S'adonner à la drogue. Visiblement elle se piquait, se droguait (Blanche, Modèles,1928, p. 27).Vous avez tort de vous droguer tellement, mon pauvre gentil. L'héroïne ne vous vaut rien (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 956): 1. Il m'avait beaucoup parlé de ce Felton, qui jouait du tambour la nuit, qui conduisait un taxi le jour et qui se droguait nuit et jour; sa femme faisait le trottoir et se droguait avec lui.
Beauvoir, Mandarins,1954p. 439. 2. P. anal. [Le suj. désigne une chose qui intoxique l'esprit] :
2. Il était un de ceux que nous admirions le plus. Paris l'a drogué − je ne pense pas à l'opium, mais au succès qui est un opium de mauvaise qualité − et finalement l'a tué.
Green, Journal,1949, p. 239. Prononc. et Orth. : [dʀ
ɔge], (je me) drogue [dʀ
ɔg]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. droguet avec l'imp. droguais, droguai(en)t. Étymol. et Hist. 1. 1554 [éd. 1557] « frelater (du vin) » (B. Aneau, Trésor de Evonime, 182 ds Hug.); 2. 1611 « administrer des médicaments » (Cotgr.); 3. 1903 « administrer, prendre des stupéfiants » (Colette, Cl. s'en va, p. 86); 1930 drogué adj. (Mauriac, Ce qui était perdu, p. 115); 1934 subst. (Id., Journal, p. 8). Dér. de drogue1*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 31. Bbg. Rog. 1965, p. 110. |