| DOTER, verbe trans. A.− 1. Pourvoir d'une dot. Doter une fille; une fille à doter. As-tu un fiancé pauvre, je le doterai (Dumas père, Tour Nesle,1832, IV, 1, p. 67).En me prenant pour femme, il fera une aussi bonne action qu'en dotant des rosières ou en fondant des hôpitaux pour les chats (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Lettre, 1885, p. 585).Je les marierai, en les dotant, dès que l'aînée aura vingt ans (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 152): 1. La Barbe-Bleue n'avait point d'héritiers. Sa veuve demeura maîtresse de ses biens. Elle en employa une partie à doter sa sœur Anne...
France, Barbe-Bleue et autres contes,1909, p. 55. − Au part. passé. Fille richement dotée. 2. Attribuer un revenu à. a) Doter qqn de (qqc., une somme...).Nous trouverons bien (...) un fief vacant, pour en doter notre fidèle sujet le comte de Saint-Mégrin (Dumas père, Henri III,1829, II, 4, p. 155).En dotant M. Bonaparte de douze millions (...) le Sénat (...) félicite M. Bonaparte d'avoir « sauvé la société » (Hugo, Nap. le Pt,1852, p. 25).Il dotait sa femme de quinze cents francs de rente (Pourrat, Gaspard,1930, p. 144). − [Sans compl. second] :
2. On lui doit [à mon grand-père] la Bibliothèque. Ce ne fut pas une petite affaire. Il fallut d'abord l'acheter, puis la placer, puis doter le bibliothécaire.
Stendhal, Vie de Henry Brulard,t. 1, 1836, p. 59. b) [Le bénéficiaire est une personne morale] Doter un couvent, une église. Je ferai raser cette tour; je bâtirai un couvent à la place, je doterai une communauté de moines (Dumas père, Henri III,1829V, 1, p. 91).Le bon roi fonda et dota une abbaye qui ne porta le nom d'aucun saint du calendrier (France, Rabelais,1924, p. 69).Des centres hospitaliers, dotés d'un pécule (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 244). B.− 1. Pourvoir (une personne physique ou morale, un groupe) de biens ou de moyens destinés à son usage. Doter en matériel. Synon. équiper, munir.Un mouvement d'affaires pouvant, à la longue, doter le pays d'une industrie (Zola, Vérité,1902, p. 196).Il devenait impossible, avec seize groupes, de doter d'artillerie lourde vingt et un corps d'armée (Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 71).Il m'était insupportable de voir l'ennemi du lendemain se doter des moyens de vaincre, tandis que la France en restait privée (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 12). − Au part. passé. Organisme doté de pouvoirs effectifs : 3. Les chemins de fer d'Alsace-Lorraine, dans un délai de trente et un jours, seront livrés, dotés de tout le personnel et matériel...
Foch, Mémoires,t. 2, 1929, p. 308. 2. P. ext. Donner, fournir à (une personne, un groupe, une communauté, etc.). C'est moi, monsieur, qui ai doté Zambinella de sa voix (Balzac, Sarrasine,1831, p. 427).Elle venait de mettre sur pied une coopérative, dont le but était de doter chaque quartier de Paris d'un restaurant socialiste (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 378): 4. ... la convention, en dotant la France d'une nouvelle constitution (constitution de l'an III), donnait aux citoyens « le droit de fonder des établissements... »
Encyclop. pratique de l'éducation en France,1960, p. 65. C.− Au fig. [Souvent en emploi passif ou au part. passé] Pourvoir quelqu'un d'un avantage. Doté d'intelligence. Elle était un de ces êtres que la nature a richement dotés (Kock, Pucelle,1834, p. 81).Elle était dotée d'une quantité de talents qui me faisaient défaut (Beauvoir, Mém. jeune fille,1958, p. 93): 5. Un petit garçon qui souffre (...) cela vaut-il le cœur d'Antoine Arnault, où Donna Maria a plus de vie que dans la vie, où vraiment elle fut recréée, douée de son âme, dotée de tous ses plaisirs?
Noailles, La Domination,1905, p. 138. Prononc. et Orth. : [dɔte], (je) dote [dɔt]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1180-90 doter « pourvoir de certains avantages » (Renart, éd. M. Roques, 17002); ca 1245 fig. douter (Ph. Mousket, Chron., 11700 ds T.-L.) − fin xiiies. (Adenet Le Roi, Enfances Ogier, éd. A. Henry, 5227), à nouveau xviies. (Boil., Sat., V ds Littré); 2. xves. dobter « pourvoir de biens » (Ancienn. des Juifs, Ars. 3688, fo22bds Gdf. Compl.); 3. 1479 « assigner un revenu à une collectivité, à un service, à une personne » (Ord., XVIII, 533, ibid.); 4. 1522 docter « pourvoir d'une dot » (A. Gir., Not., Contat, 111-2, ibid.). Empr. au lat. class.dotare attesté au propre et au fig.; cf. douer. Fréq. abs. littér. : 482. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 532, b) 506; xxes. : a) 536, b) 999. Bbg. Gir. t. 2 Nouv. Rem. 1834, p. 32. |