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DIVINITÉ, subst. fém.
I.− [Correspond à dieu 1resection et à divin I et II]
A.− Essence de Dieu ou d'un Dieu; nature divine. Synon. plus rare déité (v. ce mot A) :
1. ... la philosophie alexandrine, éclectique, déiste, qui, admettant tous les cultes comme divins, niait la divinité des dieux et repoussait le christianisme comme ennemi de la sagesse et de la science. Vigny, Le Journal d'un poète,1844, p. 1224.
1. [Correspond à divin I; dans une perspective polythéiste] Divinité des astres. Les premières sociétés humaines confèrent la divinité à des idoles taillées dans le bois (Gaultier, Bovarysme,1902, p. 198).La divinité diffuse de la nature personnifiée par les dieux (Faure, Espr. formes,1927, p. 21):
2. Si élevé que soit le dieu, sa divinité n'implique aucunement l'immutabilité. Bien au contraire, ce sont les dieux principaux des religions antiques qui ont le plus changé... Bergson, Les Deux sources de la mor. et de la relig.,1932, p. 198.
Spéc. [En parlant d'un homme divinisé*] À la divinité près, il y avait en Danton quelque chose d'Hercule (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 415).Il y a loin, (...) de la divinité d'un empereur romain à celle d'un pharaon (Bergson, Deux sources,1932, p. 200).
2. [Correspond à divin II; dans une perspective monothéiste] Il a plutôt considéré en Jésus l'humanité que la divinité (Leroux, De l'Humanité,t. 2, 1840, p. 827).Du moment que l'on patauge dans l'inconnu, pourquoi ne pas croire à la Trinité, pourquoi repousser la divinité du Christ? (Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 25).
Spéc., dans la relig. chrétienne.
a) [En parlant de l'Eucharistie] Il a vu Saint-Just s'indigner jusqu'aux pleurs d'un outrage à la divinité du saint-sacrement (Barrès, Cahiers,t. 5, 1906-07, p. 87).
b) [En parlant de l'âme] La divinité et l'immatérialité de l'âme humaine (Sand, Hist. vie,t. 3, 1855, p. 369).
c) [En parlant de choses inspirées par Dieu ou de personnes représentant Dieu sur la terre] J'étais triste, (...) semblable à un prêtre à qui on arracherait sa divinité (Baudelaire, Poèmes prose,1867, p. 170).La raison prouve la révélation, la divinité de l'Écriture et l'autorité de l'Église (Renan, Souv. enf.,1883, p. 281).
3. Spéc., dans les philosophies de la négation. [P. oppos. à la divinité de Dieu] :
3. ... le message de Nietzsche est que le révolté ne devient Dieu qu'en renonçant à toute révolte, même à celle qui produit les dieux pour corriger ce monde. « S'il (...) y a un Dieu, comment supporter de ne l'être pas? » Il y a un Dieu, en effet, qui est le monde. Pour participer de sa divinité, il suffit de dire oui. « Ne plus prier, bénir », et la terre se couvrira d'hommes dieux. Dire oui au monde, le répéter, c'est à la fois recréer le monde et soi-même, c'est devenir le grand artiste, le créateur. Camus, L'Homme révolté,1951, p. 98.
B.− Par antonomase. L'être divin lui-même. Synon. rare déité (v. ce mot B p. ext. 1).
1. [Correspond à dieu 1resection I A; dans les religions polythéistes et les croyances primitives] Ce qui est considéré comme divin, ce qui est l'objet d'un culte, dieu ou déesse. Ils ont une religion qui leur donne pour divinités le crapaud et plusieurs insectes (Baudry des Loz., Voy. Louisiane,1802, p. 249):
4. Les tartares qui habitent à l'orient de l'Imaüs, adorent le soleil, la lumière, le feu, la terre, et offrent à ces divinités les prémices de leur nourriture... Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 22.
SYNT. a) Divinité(s) + adj. Divinité(s) multiples, polythéiques, mythologiques, grecques, romaines; divinité(s) céleste, solaire, infernales; divinité(s) suprêmes, supérieures, intermédiaires; divinités populaires, domestiques, champêtres, rustiques, marines, puissantes, redoutables, protectrices; divinité bienfaisante, malfaisante, jalouse. b) Adj. + divinités. Grandes, principales, petites divinités. c) Divinités + subst. Divinités du Walhalla, du paganisme, de l'Olympe; divinités des champs, des bois, des forêts, de la terre, des airs, des eaux, des sources, de la mer. d) Subst. + divinité(s). Attributs, sièges, cortège des divinités; bienveillance, faveur, colère de la divinité. e) Verbe + divinité(s). Invoquer une divinité, offrir un culte aux divinités.
2. [Correspond à Dieu 1resection IB; dans une perspective monothéiste, en particulier dans la tradition judéo-chrétienne] Au sing., ordinairement avec une majuscule. La Divinité. L'Être divin, (le seul vrai) Dieu. Non seulement elle niait la divinité, mais encore il semblait qu'elle en voulût à Dieu de ne pas exister (Druon, Gdes fam.,t. 2, 1948) :
5. S'il est vrai qu'au jardin sacré des écritures, Le fils de l'homme ait dit ce qu'on voit rapporté; Muet, aveugle et sourd au cri des créatures, Si le ciel nous laissa comme un monde avorté, Le juste opposera le dédain à l'absence, Et ne répondra plus que par un froid silence Au silence éternel de la Divinité. Vigny, Les Destinées,Le Mont des oliviers, 1863, p. 169.
P. ext., rare, dans le domaine relig.[En parlant d'une chose abstr. relative à l'une des trois personnes de la Trinité] Caractère divin :
6. ... là était son berceau [du Christ], là, le théâtre de ses actions et de ses prédications touchantes; (...) De là avait coulé le christianisme, source obscure, goutte d'eau inaperçue dans le creux du rocher de Nazareth (...) et qui aujourd'hui, comme le grand océan des esprits, a (...) baigné de ses flots intarissables le passé, le présent et l'avenir! Incrédule donc à la divinité de cet événement, mon âme encore eût été fortement ébranlée en approchant de son premier théâtre... Lamartine, Voyage en Orient,t. 1, 1835, p. 314.
II.− [Correspond à Dieu 1resection III] P. anal. Personne ou chose qui est objet de vénération.
A.− [Désigne une pers. admirée pour sa grandeur, son talent, ses exploits,... choisie comme référence de ses jugements, comme modèle de son action] Il [Ronsard] est devenu, par surcroît et dans un étrange retour du sort, la divinité poétique du plus intransigeant classicisme, et de ceux-là qui ont en Boileau et en ses principes une pleine dévotion (Thibaudet, Réflex. litt.,1936, p. 21).
Spéc., dans le lang. de la galanterie
[Désigne une femme admirée pour sa beauté] La mère se présenta avec sa fille, divinité de seize ans (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848, p. 300).
[Désigne une femme vénérée par amour] Voilà ma divinité, car elle me rend heureux; Voilà Sara! ce mot renferme tous les éloges; il exprime ce qu'il y a de plus parfait dans la nature; ce que j'aime le mieux, et ce qui est le plus digne de l'être! (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 67).
B.− [Désigne une valeur abstr. ou la valeur abstr. de certaines choses concr., ou une chose considérée comme souverain bien] Voici l'avènement de la machine à vapeur, le grand levier du siècle, sa vraie divinité (Musset, Revue des Deux Mondes,1832, p. 108).Les disciples fidèles, qui (...) adoraient, la face dans la poussière, la divinité unique, aux multiples visages : musique, poésie, drame et métaphysique (Rolland, J.-Chr.,Révolte, 1907, p. 444).Pensée nue et liberté intérieure, telles sont bien les deux hautes et exigeantes divinités au service desquelles Amiel est mort (Du Bos, Journal,1921, p. 32).
P. méton. Caractère divin d'une telle chose. De plus en plus (contre mon cœur) je reconnais la triste vertu, la divinité du succès (Barrès, Cahiers,t. 6, 1907-08, p. 336).
III.− [Correspond à divin IV A; en parlant de qqc.] P. hyperb. Caractère divin.
1. Dans le domaine de la création artistique ou intellectuelle.Gœthe est toujours et partout, un dieu : il y a de la divinité dans ses mémoires (Goncourt, Journal,1863, p. 1324).Ici, et nulle part ailleurs, s'atteste la divinité, ne craignons pas le mot, de l'art (Du Bos, Journal,1927, p. 237).
2. [Correspond à divin IV A 2]
a) [En parlant de certaines qualités de cœur ou d'esprit] :
7. Rien d'orgueilleux comme sa [de Francis Jammes] modestie; de là ce refus de rien apprendre, la croyance en la divinité de son inspiration, la complaisance envers soi-même. Gide, Journal,1923, p. 752.
b) [En parlant de certains sentiments, de certaines jouissances] :
8. Plus je la voyais, plus je l'admirais, moins je pouvais croire qu'elle fût une créature de la même espèce que moi. La divinité de son amour avait fini par devenir une foi de mon imagination. Lamartine, Raphaël,1849, p. 201.
3. [Correspond à divin IV A 3a; dans le domaine de la gustation] Il répète ces mots indéfiniment, et ça lui fait bon dans la bouche, comme la divinité des grandes poires juteuses, froides, en août (Montherl., Songe,1922, p. 172).
Prononc. et Orth. : [divinite]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1119 « théologie » (Ph. de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 498), limité à l'a. fr.; 2. xiiies. « nature, essence divine » (Artur, BN 337, fo289a, éd. H.-O. Sommer, t. 7, p. 258); 3. 1501 « être divin » (Livre de conduite [...] Mystère de la Passion, éd. G. Cohen, p. 383 : La Divinité se doit cy apparoir); 4. a) 1560 « femme très belle » (J. Grevin, Olimpe, p. 244); b) 1642 « personne ou chose que l'on adore » (Corneille, Mort de Pompée, V, 1, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 4, p. 88). Empr. au lat. class.divinitas, -atis « nature divine; être divin; excellence, perfection »; lat. chrét. « Dieu ». Fréq. abs. littér. : 2 033. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 127, b) 2 659; xxes. : a) 1 625, b) 1 867. Bbg. Hahn (E.A.). Vergil's linguistic treatment of divine beings. Transactions and proceedings of the American philological association. 1957, t. 88, pp. 56-57; 1958, t. 89, pp. 237-253.