| DISPERSER, verbe trans. I.− Emploi trans. [Le compl. est le plus souvent au plur. ou est un collectif] A.− [Le compl. désigne des choses] Jeter ou répandre çà et là. Disperser les débris, les morceaux (de qqc.); disperser les restes (de qqn); disperser (qqc.) au loin, aux quatre coins; disperser et éparpiller; disperser et rassembler, et regrouper. Des furieux renversent les murailles, violent les tombes, dispersent les cendres (Mauriac, Journal 3,1940, p. 217).Il se met à déchirer les lettres sans les relire, méthodiquement, en menus morceaux qu'il disperse à mesure, d'un geste de semeur (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 201).Le vent passait en rafales à travers les arbres, dispersant les feuilles dans l'air noir (Green, Moïra,1950, p. 134): 1. Poudrer mes joues, rougir mes lèvres, et disperser d'un coup de peigne les cheveux bouclés qui cachent mon front, c'est une besogne machinale...
Colette, La Vagabonde,1910, p. 162. B.− [Le compl. désigne des choses ou des pers.] 1. Répartir en différents endroits ce qui constituait jusqu'alors un ensemble, un groupe. Disperser une collection (de tableaux, d'armes, etc.). Le commissaire-priseur disperse les collections (France, Jard. Épicure,1895, p. 125): 2. Il constate que la France s'intellectualise et que l'intelligence, à force de devenir monnaie-courante, disperse un trésor jalousement gardé jadis par quelques-uns.
Cocteau, Poésie critique I,1959, p. 332. − Disperser sur.Roybet disperse la lumière sur les étoffes et les accessoires (Hourticq, Hist. Art,1914, p. 412). 2. En partic. a) Disperser un attroupement, un cortège; disperser une communauté. Aussitôt la cloche sonna, dispersant les élèves qui s'étaient rassemblés autour de nous (Alain Fournier, Meaulnes,1913, p. 147).Elle attendait patiemment [Yvonne] qu'un passant courageux dispersât la bande de ces petits emmerdeurs (Queneau, Pierrot,1942, p. 101).Une petite pluie tombait, une bruine plutôt, qui dispersait les rares passants (Camus, Chute,1956, p. 1509). − P. anal. Il passait, dispersant sa parole (Hugo, Légende,t. 6, 1883, p. 182). − Au fig. Disperser ses forces. Les appliquer à trop d'objets différents, au point qu'elles ne manifestent pas d'efficacité. Disperser l'attention, les énergies, les efforts; disperser la pensée. La vie moderne, en dispersant notre attention, ne permet plus à la majorité de nos contemporains d'opérer le même effort de concentration mentale (Arts et litt.,1935, p. 7804).Ondes croissantes qui semblent disperser notre unité dans la totalité cosmique actuelle (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 328). b) [En parlant d'êtres vivants] Mettre en fuite. Disperser des agresseurs, des malfaiteurs; disperser un vol d'oiseaux; disperser le gibier; dérouter et disperser; repousser et disperser. Ils s'aperçurent qu'à leur aile gauche Chirkouh avait dispersé l'armée égyptienne (Grousset, Croisades,1939, p. 199). − Au fig. Hubert fit le geste de disperser, d'une pichenette, toutes les objections (Duhamel, Suzanne,1941, p. 100).Comme je me dispose à réaffirmer ces nobles intentions une bonne quinte de toux les disperse (H. Bazin, Mort pt cheval,1949, p. 143). II.− Emploi pronom. A.− [Le suj. désigne des choses] Se répandre çà et là, au hasard. Se désagréger et se disperser : 3. ... vers midi, sans que le soleil eût percé les nuages, le brouillard parut s'alléger; il filait sur les prairies et les ruisseaux, s'étirait le long des haies et, après s'être déchiré aux bouquets d'arbres, se dispersait sous de faibles coups de vent.
Lacretelle, Les Hauts ponts,t. 1, 1932, p. 7. B.− [Le suj. désigne des pers., être vivants] 1. Se séparer (des autres) en partant vers des endroits différents. Se disperser en tirailleur, en éventail; une foule, une fortune qui se disperse. Sa mère mourut, ses sœurs se dispersèrent (Flaub., Trois contes,Cœur simple, 1877, p. 7): 4. Le mois de juillet était brûlant. Tous nos amis se dispersaient, partaient en vacances...
Maurois, Climats,1928, p. 175. − P. anal. Son regard [de Cathie] se disperse en petits coups d'œil, plantant partout les épingles de sa curiosité (H. Bazin, Lève-toi et marche,1952, p. 106). 2. S'enfuir en se séparant (des autres). À l'approche des filles, ils rougirent et se dispersèrent telle une nuée d'étourneaux (Guèvremont, Survenant,1945, p. 129).Il (...) se précipite sur les Bourguignons, qui déjà se dispersent et se perdent dans la plaine (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 229). C.− Au fig. 1. [En parlant de choses] Disparaître par la dispersion des éléments. Elle voyait se disperser et se dissoudre l'image où si longtemps s'était fixé son amour (Chardonne, Épithal.,1921, p. 193). 2. [Le suj. désigne une pers.] S'adonner à trop d'activités différentes sans se concentrer sur aucune. Ayant beaucoup écrit depuis plus de trente ans, c'est-à-dire m'étant beaucoup dispersé, j'ai à me recueillir avant d'aborder un enseignement proprement dit (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 5, 1851-62, p. 557): 5. ... il aurait pu, dans les mois qui allaient venir, collectionner les bonnes fortunes, mais il n'y tenait pas trop : je me disperserais. Lorsqu'on n'a plus que deux ans à vivre, il convient de se concentrer sérieusement.
Sartre, Le Sursis,1945, p. 180. Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. disperseur, agric. ,,Machine servant à étaler par dispersion centrifuge le fumier, les gadoues, les fanes en tas`` (Lar. encyclop.). Prononc. et Orth. : [dispε
ʀse], (je) disperse [dispε
ʀs]. Enq. : /dispeʀs/ (il) disperse. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1450 « répandre, envoyer en divers lieux » (Mistere du viel Testament, éd. J. de Rothschild, 44406); 1647 « mettre en fuite » (Corneille, Heraclius, III, 4); 1651-52 fig. (Id., Imit., I, 20 ds DG : Un cœur dispersé). Soit dér. du rad. de dispersus, part. passé du lat. class. dispergere « répandre çà et là, éparpiller »; soit réfection d'apr. le m. fr. dispers (2emoitié xves., v. Molinet, Faictz et dictz, éd. W. Dupire, t. I, p. 164, 63; empr. au lat. dispersus) du m. fr. disperger (1482 ds Gdf.; empr. au lat. dispergere). Fréq. abs. littér. : 882. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 255, b) 1 270; xxes. : a) 1 159, b) 1 301. |