| DÉSHÉRITER, verbe trans. A.− Déshériter qqn.Priver quelqu'un d'un héritage qu'il était en droit d'obtenir ou qu'il espérait recevoir. Il déshérita un de ses parens pour avoir négligé de lui écrire une lettre de bonne année (Jouy, Hermite,t. 5, 1814, p. 28).Il ne me restait même pas l'affreux plaisir de combiner des plans pour déshériter ceux qui me voulaient du mal (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 232): 1. Le mari, vieux, jaloux, malade, hargneux, la serrait sur la dépense, l'embêtait de toutes façons et sur le moindre soupçon la déshéritait, puis refaisait un testament, et toujours ainsi, croyant la tenir en laisse par l'espoir de l'héritage.
Flaubert, Correspondance,1850, p. 221. − P. métaph. La providence ne maudit et ne déshérite aucun peuple. Selon nous, les nations qui perdent l'avenir le perdent par leur faute (Hugo, Rhin,1842, p. 482). − P. anal. [L'héritage consistant en une dignité, titre ou fonction, une prérogative] Ceux qui cherchent à déshériter l'homme, à lui arracher l'empire de la nature (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 172).Hitler, qui probablement a eu vent de ces menées, déshérite Himmler à son tour. C'est à l'amiral Doenitz que le Führer prescrit qu'on transmette ses pouvoirs après son propre suicide (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 176). B.− P. ext. [L'héritage consistant en certains biens ou avantages, en particulier de nature affective ou intellectuelle, que la plupart des hommes possèdent] Déshériter qqn de qqc.Adèle... Sa fille!... il l'adore!... c'est son espoir de vieillesse,...; je lui enlève l'enfant de son cœur, je déshérite ses vieux jours des caresses de sa fille (Dumas père, Antony,1831, V, 3, p. 223).Non seulement aucune époque de l'humanité mais pas même un seul individu, le premier pas plus que le dernier n'a été déshérité de la vérité (Cousin, Hist. philos. mod.,t. 2, 1847, p. 29): 2. − Il est juste, pensait-il, que ceux qui, en arrivant dans la vie, y sont accueillis par le sourire doré de la fortune et trouvent dans leurs langes, brodés par la main des fées protectrices, les talismans enchantés qui leur assurent d'avance toutes les jouissances et toutes les félicités qu'on peut échanger contre l'or; il est peut-être juste que ces privilégiés, fatalement condamnés au plaisir, soient déshérités du bonheur, la seule chose qui ne s'achète pas et ne soit point héréditaire.
Murger, Scènes de la vie de bohème,1851, p. 37. Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. déshéritage au sens de « action de deshériter; résultat de cette action ». C'était, disait gaiement l'empereur, un vrai déshéritage; la scène de Jacob et d'Esaü (Las Cases, Mém. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 82). Prononc. et Orth. : [dezeʀite]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1140 (G. Gaimar, L'Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 1352); av. 1203 au fig. (Chastelain de Coucy, Chansons, éd. A. Lerond, V, 31). Dér. de hériter*; préf. dé(s)-*. Fréq. abs. littér. : 107. DÉR. Déshéritement, subst. masc.Action de déshériter, état de celui qui est déshérité. Entouré de milliers d'ennemis... il [le termite] a su faire ... ce que l'homme, son égal dans le déshéritement a fait à son tour après de longs millénaires d'angoisse et de misère (Maeterl., Vie termites,1926, p. 76).− [dezeʀitmɑ
̃]. − 1reattest. 1160-74 deseritement (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, 2860) − 1611, Cotgr., repris dep. 1864 (Littré); de déshériter, suff. -ment1*. |