| DÉRAIDIR, verbe trans. Faire perdre sa raideur à quelque chose, l'assouplir. Il a étiré et déraidi ses jambes (Laforgue, Moral. légend.,1887, p. 182).♦ Emploi pronom. réfl. : 1. ... toute sa personne secouée d'un petit frisson de froid se déraidissait. Rigide tout à l'heure et défendu par son immobilité, le corps de la femme réapparaissait, vivait, livrait insouciamment quelque chose de ses mystères sous les plis changeants du vêtement.
Vogüé, Les Morts qui parlent,1899, p. 165. − Au fig. : 2. ... dans ces minutes royales, si nous étions poète, toute la plainte de l'univers (...) s'échapperait de notre cœur, vivante, épanouie, prête à déraidir les âmes.
Barrès, Mes cahiers,t. 3, 1904, p. 247. ♦ Emploi pronom. réfl. Se détendre, se laisser aller : 3. Gêné, compassé dans la première partie de son rôle, il [M. Guitry] s'est déraidi subitement au quatrième acte et a joué toute la scène du bal avec un superbe emportement de colère amoureuse.
A. Daudet, Pages inédites de crit. dramatique,1897, p. 134. Rem. On rencontre ds la docum. les part. passés adj. déraidi, ie, déroidi, ie. Peu à peu ses membres déroidis lui permettaient de plus faciles mouvements (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 355). Ce charme que possède le Midi (...) pour vaincre le dur des âmes du Nord et les livrer, déliées et déraidies, au catholicisme (Goncourt, MmeGervaisais, 1869, p. 158). Prononc. et Orth. : [deʀ
εdi:ʀ] ou, p. harmonis. vocalique, [deʀe-]; (je) déraidis [deʀ
ε(e)di]. Var. déroidir, je déroidis [deʀwadi:ʀ]. [deʀwadi] [e] fermé libre lat. devenu [wε] à la fin du Moy. Âge, subit vers le xives. 2 traitements : il aboutit à [wa] dans un grand nombre de mots (roi, loi, voix, évolution qui s'étend du xiveau xixes.); il aboutit à [ε] écrit -ai-, [wε] perdant son élément labial, dans un certain nombre de mots, surtout derrière [ʀ] (raie, craie). Dans de nombreux mots il y a, jusqu'au xviies., hésitation entre [wa] et [ε] : croire/crere, droit/dret (cf. ces mots) dans lesquels c'est [wa] qui l'emporte. Dans raide/roide (et ses dér.), c'est [ε] qui est couramment prononcé, la prononc. [wa] étant réservée au style oratoire et considérée comme vieillie. Le verbe est admis ds Ac. 1798 et 1835, s.v. déroidir; ds Ac. 1878 et 1932, s.v. déraidir, avec la rem. : ,,on écrit aussi déroidir``. La majorité des dict. admet les 2 formes tout en soulignant que déroidir n'est plus usité (cf. Lar. 19e-20e, Rob., Quillet 1965). Étymol. et Hist. 1. 1559 réfl. se desroidir « perdre sa raideur » (Ol. de Magny, Od., fo35 vods Gdf. Compl.); 2. 1604 « faire perdre à quelque chose sa raideur, relâcher » (Trium. Ling. Dict., ibid.); 1798 fig. (Ac. : son caractère commence à se déroidir). Anton. de enredir (Psautier d'Oxford, Cantique de Moïse, 17, éd. Fr. Michel, p. 238), enroidir (Dialogue Gregoire, 184, 8 ds T.-L., s.v. enredir), cf. enreder, enroidier ds T.-L.; prép. de(s)-, lat. dis-; dès 1268, la forme de[s]roidier « faire cesser la raideur des membres » (Claris et Laris, 25579 ds T.-L.). Fréq. abs. littér. : 8. DÉR. Déraidissement, subst. masc.Action de (se) déraidir et, p. méton., résultat de cette action. Il y a eu comme un déraidissement entre Dumas et moi et comme un commencement de relation (Goncourt, Journal,1895, p. 873).Il résulta de cette volte-face − escomptée par l'habile dictateur − un déraidissement général (L. Daudet, Sylla,1922, p. 197).− 1reattest. 1636 deroidissemant (Monet, p. 300a); du rad. du part. prés. de déroidir, déraidir, suff. -ment1*. − Fréq. abs. littér. : 1. |