| DÉMENCE, subst. fém. A.− PSYCH. [En parlant de pers.] Détérioration mentale acquise, progressive et irréversible. Démence alcoolique, infantile, précoce; en démence : 1. La découverte par Bayle de la paralysie générale dont Baillarger devait souligner le caractère évolutif démentiel, introduisit la notion d'étiologie dans la conception de la démence et l'on décrivit « des » démences (sénile, paralytique, etc.).
Porot1960. SYNT. Démence artérioscléreuse, épileptique, lacunaire (ou des lacunaires), maniaque, mixte, paranoïde, toxique, traumatique, tumorale, vésanique; (être) en (état de) démence; simuler la démence. − DR. Trouble mental assez grave pour aliéner la liberté d'appréciation et de décision de celui qui en est atteint : 2. Il n'y a ni crime, ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action, ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister.
Code pénal,1969-70, art. 64, p. 37. B.− Courant 1. Aliénation mentale; folie. Un accès, un acte, une crise, un signe de démence; être atteint de démence; sombrer dans la démence. La demi-démence de notre père ne saurait plus faire doute pour nous (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 304). SYNT. Une atmosphère, une explosion, une période, une preuve de démence; la démence amoureuse, anticléricale, idéologique, patriotique; jusqu'à la démence; la démence du jeu; c'est une démence que de + inf. − Rare. [En parlant d'animaux] C'est trop tôt pour Jeune-Bleue et Chatte-Grise, qui contemplent de haut la démence des mâles (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 246). 2. P. exagér., péj. Action ou activité peu raisonnable, voire inquiétante. Un brin, un vent de démence; c'est de la démence; pousser la démence jusqu'à + inf. Notre incurable démence d'exploration, de méditation, d'extrapolation (Arnoux, Visite Mathus.,1961, p. 40): 3. − Qu'importe mon corps! Démence que d'interroger ce jouet! Il n'est rien de commun entre ce produit médiocre de mes fournisseurs et mon âme où j'ai mis ma tendresse.
Barrès, Sous l'œil des Barbares,1888, p. 238. − Démence + subst. le plus souvent abstr. ♦ Paroxysme de. Démence de colère (Feuillet, Paris.,1881, p. 176). ♦ Débauche de, profusion de. Une démence de richesses et de faste (Huysmans, À rebours,1884, p. 40). − P. méton. (surtout au plur.) ♦ Acte très déraisonnable : 4. Dans le maëlstrom parisien, cette petite femme [Sidonie] tourbillonnait éperdument (...) tout annonçait qu'elle sombrerait bientôt, entraînant après elle l'honneur de son mari et peut-être aussi la fortune et le nom d'une maison considérable ruinée par ses démences.
A. Daudet, Fromont jeune et Risler aîné,1874, p. 194. ♦ Élément de la nature en folie (jeu de mots) : 5. Au-dessous de nous, une meute de vagues poursuit une chasse extravagante. Quelle folie de mouvement sans objet! L'idée que nous sommes un navire [il s'agit en fait d'un avion] et que nous pourrions à la rigueur nous poser sur cette démence [la mer démontée], se présente à peine à l'esprit.
Tharaud, Paris-Saïgon dans l'azur,1932, p. 30. 3. P. ext. [En parlant d'inanimés] En démence. En mauvais état. Après la mort de sa femme, Didace avait laissé plusieurs choses en démence sur la terre (Guèvremont, Survenant,1945, p. 66). Prononc. et Orth. : [demɑ
̃:s]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1381 « aliénation mentale » (Poème Gd schisme, 68, 3 ds T.-L.); 2. 1704 p. ext. « conduite extravagante » (Trév.). Empr. au lat. class. dementia, de de- privatif et mens « esprit, intelligence ». Fréq. abs. littér. : 551. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 722, b) 904; xxes. : a) 1 159, b) 544. |