| DÉGRISER, verbe trans. [Le compl. désigne une pers.] A.− Faire passer les effets de l'ivresse due à l'abus de boisson alcoolisée. (Quasi-)synon. désenivrer, dessouler.J'avais bu du genièvre outre mesure, mais vous m'avez dégrisé (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 94).L'air éperdu d'un ivrogne que la vue d'un trou béant dégrise (Zola, Terre,1887, p. 144). − P. anal. Il était ivre de colère. La pluie le dégrisa (Rolland, J. Chr.,Foire, 1908, p. 653). B.− Au fig. Faire perdre ses illusions, faire revenir à un contact plus direct avec la réalité. (Quasi-)synon. démystifier, désillusionner.Père racontant la révolution, froid, impartial, (...) fort dégrisé des hommes et pas tout à fait des choses (Goncourt, Journal,1855, p. 170): 1. ... le mal, la souffrance, l'absurdité sont l'occasion de la réflexion philosophique ou de la conversion religieuse plus qu'ils n'en sont la cause véritable. Ils dessillent nos yeux, ils nous dégrisent...
Philos., Relig., 1957, p. 3610. − Emploi pronom. : 2. J'ai l'illusion d'une puissance énorme, jusqu'au dernier accord. Revenu à ma table de travail, je me dégrise tout à fait. Où sont les élans de tout à l'heure.
GreenJournal,1932, p. 102. ♦ Absol. La misère dégrise. Grâce à elle, le vin d'amour est bien vite cuvé (Huysmans, Marthe,1876, p. 61). Rem. On rencontre ds la docum. l'emploi adj. dégrisant, ante, au sens de « qui dégrise ». Le bon sens dont les insinuations modestes et dégrisantes (Romains Hommes b. vol., 1932, p. 273). La scène tragique et dégrisante (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 185). Prononc. et Orth. : [degʀize], (je) dégrise [degʀi:z]. Ds Ac. 1835-1932. Étymol. et Hist. [1580 se dégriser fig. « dissiper une illusion » (Montaigne ds Dochez)]; 1771 trans. « désenivrer, détruire des illusions » (Schmidlin, Catholicon d'apr. Behrens ds Z. fr. Spr. Lit. t. 23, 2epart., p. 23). Dér. de griser*; préf. dé-*. Fréq. abs. littér. : 31 (dégrisant : 2). |